Les patrons de médias privés (radios, télévisions, journaux papier et électroniques) se sont réunis samedi 17 septembre pour discuter des dangers que présentent les deux lois préparées par l'INRIC et l'Instance Ben Achour. Ces lois sont totalement liberticides et élaborées pour faire taire les journalistes et les médias, ont estimé les patrons de médias. Si ces lois sont appliquées, un patron de média peut se trouver dans l'obligation de présenter le contenu de ses émissions à l'avance aux organismes qu'on s'apprête à créer et se trouve menacé de prison. Une sorte de nouvelle ATCE, mais dans le pire. S'élevant contre ces lois et ceux qui l'ont élaborée, Nabil Karoui, patron de Nessma TV, a indiqué qu'il est impossible d'avoir une liberté d'expression si l'on ne fait pas appel à toutes les parties prenantes dont les patrons de médias qui ont été exclus du processus. Or sans ces patrons de médias, qui ont investi des centaines et des millions de dinars, il ne peut y avoir de médias et de liberté d'expression. Moncef Ben Mrad et Taieb Zahar, de l'Association des directeurs de journaux, rappellent de leur côté que la question de la liberté de la presse a été inscrite en priorité des priorités de l'association. Noureddine Boutar a indiqué que depuis le 14 janvier, on sent clairement un nouveau souffle et un nouvel air de liberté dans nos médias, or cet air de liberté n'aurait pu se sentir sans l'implication totale des patrons de presse qui ont ouvert leurs supports pour que cette liberté s'exprime. Y compris par ceux qui attaquent les médias. Le patron de Mosaïque FM a rappelé que, sous l'ancien régime, ce sont ces mêmes médias qui ont souffert sous Ben Ali pour pouvoir glisser leurs messages et faisaient 1001 acrobaties pour informer le public du business de la famille ou des dérives. « On est allés jusqu'à me convoquer à la Brigade criminelle d'El Gorjani avec mes confrères Fethy Bhoury (Shems FM) et Nizar Bahloul (Business News) », a rappelé M. Boutar. Sans parler des pressions quotidiennes, renchérit Taïeb Zahar. « Et pendant ce temps-là, ces donneurs de leçons d'aujourd'hui étaient à l'étranger », a indiqué Khaled Boumiza, d'African Manager qui a subi carrément des menaces de mort de la part de Imed Trabelsi. « Qui êtes-vous pour nous donner des leçons et des notes », s'est exclamé en colère Nabil Karoui à propos des membres de l'INRIC, désignés dans des conditions opaques par Mohamed Ghannouchi, tout en rappelant que seul le public peut juger. A ce propos, M. Boutar attire l'attention sur l'adhésion du public qui préfère, malgré tout, les anciens supports aux nouveaux, statistiques à l'appui. Abdeljelil Messaoudi, représentant la direction de Dar El Anwar, a évoqué le cas de Ridha Kéfi, nommé à la tête de la MC Ibn Khaldoun, par Abdelbaki Hermassi, alors ministre de la Culture, et sur recommandation de Abdelwaheb Abdallah, en parallèle de ses fonctions à Jeune Afrique. Il a été également chargé de missions ponctuelles aux JCC et aux JTC, « missions qu'on n'accorde pas à n'importe qui », rappelle-t-il. Dès lors, on ne compte plus les rémunérations et les avantages de ce journaliste qui vient aujourd'hui donner des leçons de moralité. M. Messaoudi s'étonne, par ailleurs, que cette INRIC adopte des positions syndicales, alors que son rôle devrait être au dessus de la mêlée et ne s'occuper que de la réforme. Habib Nasra, juriste et représentant la direction de Hannibal TV, a indiqué qu'il est anormal et aberrant de légiférer le secteur des médias sans faire appel à des experts internationaux et sans la collaboration des patrons de presse, sans qui rien ne peut se faire. Il a souligné qu'il a fait lui-même appel à un expert international, de haute facture, pour aider la Haute instance à l'élaboration de la loi de l'audio-visuel et qu'il a reçu une promesse ferme de reporter la présentation de cette loi dans l'objectif que celle-ci soit conforme aux standards internationaux. Il a été cependant surpris que cette promesse n'ait pas été tenue et qu'on ait essayé de faire passer la loi au forcing. Suite à tout cela, l'Association des directeurs de journaux et le syndicat des patrons de médias se sont mis d'accord pour publier un communiqué commun afin de dénoncer ces agissements et de demander au Premier ministre et au président de la République d'annuler ces deux projets de loi liberticides. On est allés jusqu'à menacer de ne pas couvrir les élections si ces instances continuent à agir ainsi au mépris de tous. Tous les patrons de presse réunis étaient d'accord pour dire que pour garantir la liberté d'expression et dans l'intérêt de la Tunisie nouvelle, il est impératif que ces lois soient réfléchies et élaborées selon les normes internationales en la matière. N.B.