On donnerait le bon Dieu sans confessions à Samir Dilou. Son intervention sur Mosaïque FM lundi 23 janvier 2012 nous change des déclarations maladroites du chef du gouvernement ou enflammées du président provisoire de la République, nouvellement adepte de la complotite. Même sur les sujets sur lesquels ne se prononce pas encore le gouvernement, il se permet de livrer son opinion personnelle. Commentant l'affaire intentée contre Nessma, il se prononce sans détour (à titre personnel) contre les procès faits aux médias et aux journalistes. Quand on n'est pas d'accord sur la ligne éditoriale d'un média, on peut toujours en créer un pour défendre ses positions, critiquer dans un article ou autres… Samir Dilou refuse de qualifier ce procès de procès d'opinion, se justifiant par le fait que le gouvernement n'est pas derrière la plainte intentée par des avocats indépendants. Conciliant pendant toute l'émission, le porte-parole du gouvernement était animé par une volonté manifeste d'éviter la surenchère. Refusant d'accabler des partis politiques qui seraient derrière les tensions sociales dans plusieurs régions du pays, il explique que les préoccupations politiques diffèrent de celles de la Justice, le rôle du gouvernement étant de préserver l'intérêt général. L'implication personnelle (et prouvée) de certains politiques n'implique pas leurs partis et c'est donc au pouvoir judiciaire de mener les enquêtes. Le gouvernement doit faire preuve d'une dose certaine de sérénité, pragmatisme, de pédagogie pour désamorcer les tensions sans recourir à la force. Et ce n'est nullement un aveu de faiblesse mais une volonté de nouer le dialogue dans une situation exceptionnelle, résultat d'une frustration accumulée pendant 50 ans. Des revendications manquant de mesure, de réalisme, illégitimes parfois (plusieurs « martyrs » auraient été tués dans des beuveries et leurs familles ont touché la première tranche de l'indemnité) mais le dialogue est préférable aux bombes lacrymogènes, résume-t-il. Dans un pays où les droits de l'Homme ont été malmenés pendant longtemps, la priorité est de donner des gages de bonne foi démocratique. Samir Dilou refuse de voir tout en noir. La situation s'est arrangée à Makthar et à Gafsa. Le gouvernement dispose de plan de relance mais une évaluation après seulement trois semaines de la prise de fonction est absurde. Le remaniement est de la pure intox même s'il ne cache pas que des tractations se poursuivent et se poursuivront pour étoffer le gouvernement par de nouvelles compétences. Il faut sortir de la logique électorale du perdant-gagnant et privilégier l'intérêt et le dialogue national. Même l'opposition a intérêt à trouver le pays dans un meilleur état après l'alternance au pouvoir. Le gouvernement est en rodage, commet des erreurs, c'est un fait. Mais Samir Dilou rappelle que la situation pourrit depuis 50 ans. L'administration est un « mastodonte » et aucune réforme n'est possible à coups de décrets ministériels pour changer les corrompus par des personnes qui ne sont pas issues de la fonction publique. La réforme de la justice est presque tout aussi compliquée et une hiérarchisation des dossiers selon l'urgence est inévitable. La réconciliation ne signifie pas l'impunité. Mais il faut considérer tous les aspects du problème. Arrêter tous les hommes d'affaires au risque de faire exploser le chômage provoquerait une crise. Un travail à faire en douceur, dit-il après avoir manifesté son étonnement de ne voir qu'un seul homme d'affaires détenu depuis la révolution, en allusion claire à Khaled Kobbi. Le ministre tente de rassurer encore et encore. Est-il possible de toucher aux acquis de la femme tunisienne ? Absolument pas. Parce que l'Histoire ne revient pas en arrière. La vigilance est de mise mais « il ne faut pas jouer à se faire peur ». La garantie de la liberté de la presse, ce sont les journalistes eux-mêmes. Ces derniers ont manifesté à la Kasbah quand Hamadi Jebali a nommé sans concertations préalables les responsables des médias publics et au final le personnel de ces médias a procédé à un vote interne. « Une mauvaise chose peut en apporter une bonne parfois ». Une copie sans faute. Samir Dilou en montrerait plus d'une à beaucoup de leaders « progressistes ». Un talent indéniable de porte-parole qui ne reflète pas tout le temps les attitudes de son gouvernement. Ou peut-être est-ce un changement de cap rendu inévitable par les coups durs de la dernière semaine ?