Mais que veut-on à nos institutions financières ? Le ministère des Finances et la Banque Centrale de Tunisie (BCT) sont-ils devenus le nerf de guerre de cette seconde période de transition ? C'est fort probable d'autant plus que tout porte à croire que le politique n'a pas encore abandonné l'idée de mettre la main sur le secteur financier, ministère et BCT compris ! Après le jeudi noir (20 janvier) de la Banque Centrale de Tunisie, c'est au tour du ministère des Finances de trembler. Une vague de contestation chez les douaniers dont certains veulent faire grève dans l'enceinte même du ministère. Pis encore : le président provisoire de la République, Moncef Marzouki a reçu, mardi, au Palais de Carthage des syndicalistes douaniers. C'est bis-repetita, puisqu'après avoir délégué à l'un de ses conseillers de « négocier » avec les syndicalistes ayant voulu dégager le gouverneur de la BCT, M. Marzouki, président sans réels pouvoirs, étudie, personnellement, le dossier des douaniers. Intriguant, quand on sait que M. Houssine Dimassi connaît la question syndicale sur le bout des doigts ! Par ailleurs, aux dernières nouvelles, M. Dimassi, propulsé, à la surprise des observateurs et en dernière minute, ministre des Finances serait contesté par les voisins d'en face. Comprendre le Premier ministère ! Le caractère bien trempé de cet universitaire aux idées inflexibles serait-il pour quelque chose ? C'est vieux comme le monde : l'argent est le nerf des guerres. Mais dans le « printemps arabe », ce sont les institutions financières de l'Etat qui font gagner, respectivement, les guéguerres et les guerres, plus particulièrement, celles électorales. Le site « aljarida.com.tn », d'habitude très bien informé, a même annoncé des tentatives pour approcher M. Khayam Turki afin d'occuper le poste dont on l'a privé à cause d'une « probable » affaire qui aurait dû être déférée devant la justice. La plainte n'a pas été déposée, M. Turki a été blessé dans son amour propre, la Tunisie privée d'une énième compétence … le tout pour les beaux yeux des partenaires qui nous prêtent de l'argent à des taux « faramineux ». Heureusement que le candidat d'Ettakatol aurait refusé l'offre et, par là même, le rôle de cinquième roue de la charrette ! Mais quand les politiques, et non les spécialistes, prennent de pareilles décisions, on ne peut s'étonner que le pays s'endette selon des normes…idéologiques ! Et c'est aux générations futures d'en payer le tribut. Dans le droit-fil de cette « orchestration », l'hebdomadaire Al Anwar, dans son édition du 21 janvier 2012 et citant des sources bien informées, annonçait l'éventualité de recourir aux services de l'ancien ministre des Finances M. Rachid Kechich et ce, pour faire face à un déficit budgétaire aux alentours de 6%, ce qui serait « catastrophique ». M. Kechich étant considéré pour sa réussite à mener, sous l'ancien régime, une « politique d'austérité et de rationalisation des dépenses publiques ». Si cette « prophétie » se confirme, inutile de se hasarder sur l'éventuel poste à accorder à M. Kechich. L'ex-ministre des Finances devrait, en toute logique, revenir à la Place de la Kasbah, sachant que le chef du gouvernement provisoire a, d'ores et déjà, sa propre garde rapprochée de conseillers. Il faut dire que l'enjeu consistant à s'approprier le ministère des Finances et la BCT est de taille : il s'agit, ni plus ni moins, de mettre la main sur les banques. Certes, le secteur bancaire a été, des années durant, la vache sur laquelle on tirait pour avoir de l'argent, tant pour financer l'économie ou pour renflouer les poches des proches et amis de la « mafia » régnante ; et personne n'a oublié cela. Cependant, utiliser les banques à des desseins de propagande politique ou partisane est aussi dangereux que de détourner l'argent. La neutralité des secteurs bancaires et financiers ainsi que celle de la douane et de l'administration fiscale demeurent parmi les principaux garants de la démocratie et de l'Etat de droit. Dès lors, respectivement pour le ministère des Finances et la Banque centrale, tenues par des technocrates, « l'ingérence » du gouvernement commence à trop faire sentir son souffle. Mais, ce qui intrigue le plus, c'est la position de M. Jebali qui n'a pas manifesté son soutien public au gouverneur et n'a pas daigné « diluer » les rumeurs qui pourraient venir à bout de M. Dimassi. Toutefois, sa participation au Forum de Davos pourrait remettre les pendules à l'heure. Faire la rencontre des décideurs des sphères politiques, économiques et financières pourrait informer M. Jebali davantage quant aux limites de son gouvernement. Les conseillers pourraient sauver la face, mais eux aussi manquent d'expérience en la matière. Alors qu'en négociations ou en diplomatie économique, tout dépendra, essentiellement, de la vision, du background et du tact. Et gare aux fausses manœuvres et aux hiatus, Samir Dilou ne sera pas de la partie ! Pour tenir ses promesses électorales, notamment en termes d'emplois, de création de richesse, de développement régional, faire main basse sur les institutions financières demeure un enjeu de taille : l'argent permet de concrétiser les rêves, mais à quel prix ?! Car, s'entêter à faire de la politique populiste ne mènera le pays nulle part. Au contraire, dans sa deuxième année d'apprentissage de la démocratie, la Tunisie a besoin de bonne gouvernance et ce, dans tous les domaines. A bon entendeur …