Les difficultés économiques que connaît la Tunisie depuis l'avènement de la révolution, ne font que s'aggraver. Les mouvements sociaux et les troubles sécuritaires, auxquels s'ajoutent les phénomènes naturels du grand froid et de la neige, ont rendu la situation sociale et économique encore plus précaire et inquiétante. Des solutions locales, certes, il en faut, mais l'option des aides extérieures a également fait saliver nos leaders et diplomates. Le gouvernement provisoire, après avoir reçu différentes délégations de pays frères et amis, a entamé depuis le début de cette année une série de visites diplomatiques entreprises par des représentants du pouvoir. De Davos, à l'Arabie Saoudite, en passant par les Emirats Arabes Unis, et le Qatar, nos ministres et secrétaires d'Etat ont entrepris des négociations avec les leaders et investisseurs dans ces pays afin de collecter le plus grand nombre d'accords de prêts et, surtout, de dons et de subventions tout en optimisant les aides précieuses des pays frères et amis. Les demandes ont évolué, crescendo, de simple incitation, à la demande franche, jusqu'à même la « mendicité » politique et économique. Il convient de rappeler que le gouvernement de Béji Caïd Essebsi avait en mai 2011 déjà adhéré à cette politique de l'aide extérieure en présentant, lors du sommet de Deauville, en France "un plan jasmin", lequel programme économique et social requiert des investissements de 125 milliards de dollars, dont un appui financier extérieur de l'ordre de 25 milliards de dollars, sous forme de prêts et non de dons. Ensuite, le 12 janvier 2012, la Délégation de l'Union Européenne (UE) en Tunisie a accordé à la Tunisie un don de 20 millions d'euros, soit environ 40 millions de dinars, pour le financement du Programme d'appui aux zones défavorisées, prévoyant la création d'emplois temporaires par le biais du financement de chantiers d'utilité publique. Le chef du gouvernement provisoire, Hamadi Jebali, s'est déplacé par la suite au Forum de Davos les 27 et 28 janvier. Lors de cette première visite en Europe depuis sa prise de fonction, M. Jebali a tenu à lancer un appel aux financiers et aux pays occidentaux leur demandant de «soutenir la démocratie naissante dans le pays». Il avait déclaré à l'époque: «Ici à Davos, à ceux qui nous écoutent, nous demandons un soutien car nos propres moyens ne sont pas suffisants». Il avait même ajouté. «Nous comptons sur l'appui de nos amis en Europe et aux Etats-Unis. La Tunisie est un pays ouvert à tous ses voisins, notamment européens». Au début du mois de février, Slim Besbès, secrétaire d'Etat auprès du ministre des Finances, a appelé, à Abou Dhabi (Emirats Arabes Unis), «à la mobilisation d'un milliard d'euros sous forme de dons rapidement encaissables pour le financement de projets de court terme». Et voilà que notre chef du gouvernement provisoire, en visite officielle au Royaume d'Arabie Saoudite les 18 et 19 février, a déclaré que la «Tunisie a besoin durant les deux prochaines années de 2 milliards de dinars par an pour relancer le processus de développement». Il avait précisé lors d'une conférence de presse tenue au siège du Conseil des chambres saoudien à Ryadh, que «les frères saoudiens» peuvent contribuer à l'effort de développement en Tunisie, à travers des dons, des dépôts et des prêts préférentiels». En effet, dans une vidéo, le montrant souriant, parlant d'une voix douce avec un soupçon de timidité, M. Jebali avait sollicité «les frères Saoudiens» à attribuer cette somme à la Tunisie, sous forme de don, ajoutant que ceci est tout à fait à la portée de ses hôtes, sinon sous forme de dépôts au trésor national, autre possibilité à la portée des Saoudiens, ou encore sous forme de prêts préférentiels. La requête de M. Jebali même si elle vise l'intérêt national et non individuel, l'a amené à se rabaisser à une sorte de mendicité, une manière de se plier aux exigences des prêteurs ou donateurs et de leur faire les yeux doux. Or, M. Jebali semble avoir oublié que notre révolution, celle de la dignité, est avant tout une quête vers la sauvegarde de cette dignité et de la souveraineté nationale. Serions-nous prêts à en payer le prix afin de bénéficier des quatre sous que nous donneront si gentiment nos frères et amis ? Serions-nous contraints à faire l'aumône auprès des pays riches, car nos ressources nous font défaut? En effet, nos dirigeants sont aujourd'hui contraints de plier l'échine face aux monarques des pays du Golfe, à l'image du président provisoire de la République, Moncef Marzouki qui n'a pu que sourire face aux moqueries de l'Emir du Qatar, quant à sa façon de se tenir ; de même, le chef du gouvernement provisoire qui n'ose pas demander l'extradition de Ben Ali de peur de froisser ses « frères saoudiens ». Par ailleurs, la politique étrangère tunisienne se calque désormais sur les intérêts particuliers de ces mêmes monarchies du Golfe, des bienfaiteurs dont les présents, s'ils existent, sont attribués avec autant de conditions et d'obligations qui mettent en danger cette souveraineté nationale pour laquelle le peuple s'est soulevé. Au lieu de développer nos ressources financières locales, inciter nos concitoyens et hommes d'affaires à déployer leurs richesses dans notre économie, on lance des SOS envers les autres pays. Au lieu de mettre en place un programme de développement économique, on demande des dons, une solution de facilité que semble avoir choisie notre gouvernement. La diplomatie tunisienne aurait certainement besoin d'être secouée, car solliciter les autres pays pour des soutiens matériels devrait se faire d'une manière horizontale, entre des parties équivalentes qui collaborent et non d'une manière verticale, entre des prêteurs ou donateurs riches et des bénéficiaires pauvres et soumis. Autrement, on aurait fait notre révolution pour révoquer une dictature tout en sombrant sous l'emprise d'autres pays plus puissants. Image retouchée