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Les mémoires de Moncef El Materi, du peloton d'exécution de Bourguiba à la défense de son fils Sakher
Publié dans Business News le 10 - 07 - 2013

vient d'achever ses mémoires qui seront publiées en Tunisie et en France dans quelques jours.
Diplômé de Saint-Cyr, puis de l'école d'artillerie de Chalon-Sur Marne en France, Moncef El Materi participe au coup d'état de décembre 1962 contre le président Habib Bourguiba. Il est condamné à la peine capitale, mais sa sentence fut commuée en une peine de travaux forcés à perpétuité avant de se voir gracié en 1973.
Il entra, dès lors, dans le monde des affaires et de l'industrie pharmaceutique précisément.
En 2004, son fils Sakher El Materi se marie avec Nesrine Ben Ali, fille de l'ancien président tunisien.
En 2011, Moncef El Materi quitte discrètement la Tunisie pour se réfugier en France et échapper aux campagnes qui ciblent sa famille et particulièrement son fils.
Les mémoires de Moncef El Materi se présentent en deux tomes. Le premier est consacré à ses années à Saint-Cyr, à l'armée, son opposition à Bourguiba et la tentative de coup d'Etat de 1962 avec des annexes sur l'affaire de Gafsa en 1980. « J'apporte aussi ma part de vérité sur cette page méconnue de l'histoire politique de la Tunisie, quitte à déranger ou à bousculer ceux qui, par commodité de langage, par paresse intellectuelle, par complaisance ou par ignorance ont adopté « la version officielle » et l'appellation même de « complot de décembre 1962 » ou « complot yousséfiste ». Ce n'en était pas un. J'écris pour l'Histoire et pour faire acte de mémoire d'une injustice et d'une tentative de coup d'Etat mal comprise », écrit-il dans son avant-propos.
Le second tome sera consacré à l'après-1987, les années Ben Ali et l'ascension de son fils Sakher El Materi. « Je dirai ma part de vérité sur les années Ben Ali. Je me rappelle de tout, je n'ai rien oublié ! », écrit-il.
On notera que Moncef El Materi en est maintenant à son troisième éditeur. Il a déjà contacté deux autres, en Tunisie, qui se sont désistés après avoir accepté l'ouvrage, en évoquant des pressions, sans dire lesquelles.
Ci-après l'avant-propos du Tome 1 de l'ouvrage de Moncef El Materi qui sera publié cet été en Tunisie et en France.
R.B.H.
AVANT-PROPOS
Témoigner, écrire un livre de mémoires sur mon parcours politique, je n'en ai pas eu le droit sous Bourguiba. Durant cinquante ans, j'ai été réduit à l'angoisse du silence. Après l'ascension de Ben Ali au pouvoir, en novembre 1987, bien que de nombreux ouvrages alors interdits aient été autorisés à la publication, je n'ai pas pu, tout de suite, décider d'aller au bout de mon projet et concrétiser cette volonté d'écrire, faute de temps. Je me suis, tout de même, mis à consigner ce que je tenais à sauver de l'oubli, et à rassembler et formuler mes observations dans le détail. Mais en 2005, j'ai fini par renoncer, « définitivement », à ce projet d'écriture. J'y ai renoncé par obligation de réserve. Car, après avoir été « condamné à mort sous Bourguiba », me voilà, « beau-frère de Ben Ali » et « père de son gendre », Sakhr, mon fils. Je me devais de garder le silence.
Me voilà depuis deux ans, loin de mon pays. Nul besoin d'exprimer cette souffrance intérieure, grande et sourde. Sourde et, désormais, perpétuelle. Mon pays m'y a condamné, mais, c'est cette souffrance qui m'a fait me rendre compte des plaies béantes de ma jeunesse passée à m'opposer au régime de Bourguiba. Ces nombreuses plaies que j'ai crues pansées et cicatrisées, j'ai découvert qu'elles saignaient encore.
Ce livre, ce sont ces plaies. Je l'écris pour rendre justice au commandant Abdessadok Ben Saïd, au capitaine Kebaïer El Meherzi, au lieutenant AmorBembli, au capitaine Salah Hachani, au capitaine Mohamed Barkia, à LazharChraïti, à Abdelaziz Akremi, à HédiGafsi, à Habib Hanini et à Ahmed Rahmouni - puissent leurs âmes reposer en paix. Jamais, je n'oublierai leurs cris de détresse quand les gardiens sont venus les amener un à un pour les fusiller.
Car, en ce 24 janvier 1963, j'ai moi-même failli être fusillé. Le régime de Bourguiba m'a reproché d'avoir participé à une tentative de coup d'Etat contre son régime. À quelques heures de l'exécution, Dieu en a voulu autrement. Il m'a donné une seconde vie. « Tu es le dernier militaire survivant de l'affaire de décembre 1962, tu dois témoigner ». Ces paroles que de nombreux amis m'ont adressées ont exacerbé la souffrance et ravivé la volonté de livrer ce témoignage. Il est précieux. J'écris donc ce livre. Je le dédie à mes enfants : Beya, Hafiz, Holya et Sakhr. Je le dédie à ma femme Naima, à mes parents défunts : Hafiz et Nefissa, que Dieu les bénisse. Durant plus de quarante ans, ils ont beaucoup souffert avec moi. Ils ont partagé mon angoisse. Ils ont grandi avec cette épée de Damoclès qui planait sur leur tête, celle de me voir arrêté et emprisonné sous de fausses accusations. Les hommes du régime de Bourguiba me disaient souvent : « En cas de récidive et d'une nouvelle condamnation, la grâce présidentielle sautera et tu seras exécuté ». Une terreur entretenue de 1973 à 1987.
C'est en prison, en compagnie des condamnés du complot de 1962, dans les bagnes de Ghar El Melh et de Nadhour à Bizerte, que j'ai passé onze ans de ma vie. J'ai écrit « prison », c'en est pas une, c'était cruel. À trente-cinq marches sous terre, nous n'étions pas en prison, nous étions enterrés vivants. Avec les autres condamnés du complot de 1962, j'ai passé onze ans de ma vie enterré vivant dans l'injustice la plus cruelle. Mais l'injustice et la violence n'ont tué en moi ni aspiration à la liberté ni désir de justice. J'écris pour rendre justice à mes compagnons de cellule qui ont supporté les affres du bagne avec courage et patience : Ezzedine Chérif, Temime HmaïdiTounsi, Hamadi Ben Guiza, Ahmed Ben Tijani HédiGafsi, El Hadj Ammar Ben Saad Banni, Dhaou Ben Chibani Ben Mootamad Mares, Larbi Akremi, Mohamed Salah Baratli, KaddourBen Yochret, Ali Ben Salem Kchouk, Mohamed Kara, Sassi Bouyahya, Mohamed Samet, El KéfliChaouchi, Mohamed Methnani, Hassan Marzouk et d'autres.
De la prison, je suis sorti avec une insuffisance cardiaque. La mort, je l'ai affrontée à l'âge de 28 ans, dans ses couloirs, durant onze ans dans ses bagnes, et à 77 ans, sur les tables des salles d'opérations. A cause de cette insuffisance cardiaque, j'ai dû subir plusieurs opérations chirurgicales à cœur ouvert qui ont duré jusqu'à plus de douze heures consécutives. À 79 ans, je suis un homme au cœur qui bat. Une valve mécanique y est, certes, implantée. Mais c'est ma blessure de guerre. À 79 ans, je suis encore un homme debout.
Des injustices, j'en ai vues. J'en ai vécues. J'en ai endurées. Je les dénoncerai. Elles m'ont peut-être attristé et blessé. Elles ne m'ont pas brisé. Elles n'ont pas brisé ma famille, certes devenue « la » cible de la vindicte des milieux occultes. Lâche vengeance fut, est et sera toujours, celle qui s'exerce sur mes jeunes filles, harcelées, interdites de quitter le territoire, d'aller voir leur père au sortir d'une salle d'opération. Mes biens constitués en partie par l'héritage que m'ont laissé mes parents et en partie par les longues années de labeur ont été injustement confisqués. En mon absence, ce sont des hyènes qui se sont déchaînées pour jeter mon honneur aux chiens. Est-ce qu'ils ont cru qu'à force de médisances, de rumeurs colportées, de ragots, qu'ils me réduiraient au silence et me pousseraient à abdiquer ?«Ne pense pas qu'Allah ignore les actions des oppresseurs. Il a différé la Punition jusqu'au Jour du Jugement, où leurs yeux se fixeront d'horreur» (Le Coran)
Qu'est-ce qu'on n'a pas dit encore sur moi ? Qu'est-ce qu'on n'a pas dit encore sur le benjamin de mes enfants, Sakhr ? En septembre 2004, il s'est marié avec la fille du président Ben Ali, Nesrine. Il avait à peine vingt-deux ans, elle en avait dix-sept. Six ans plus tard et depuis la chute de Ben Ali, une lâche campagne de presse l'a ciblé en continu. « Ils » l'ont présenté comme étant un « axe du mal » à lui tout seul. Qui sont-« ils » ? Des milieux de l'ombre, des proches et d'autres « encore plus proches » qui mangeaient dans sa main et lui ciraient les bottes… Depuis deux ans, « ils ont la langue tendue comme un arc et lancent le mensonge». Jusqu'au 14 janvier 2011, « ils avaient sur les lèvres des choses flatteuses mais ils parlaient avec un cœur double.»
Devant la Cour de l'Histoire, Sakhr peut prétendre à l'excuse de la jeunesse, d'autres en sont inaptes. Il pourra faire valoir tout le bien qu'il a fait : il a tendu sa main à des centaines d'enfants handicapés, il a restauré plus d'une bibliothèque délaissée, il a secouru des milliers de Tunisiens dans le besoin, cherché à libéraliser un système qui lui semblait figé et verrouillé. Ça n'a pas été chose facile. Vivre dans l'ombre de Ben Ali avec les luttes de clans, la bassesse des courtisans, les intrigues du palais, la surexposition médiatique, l'ivresse du pouvoir et les coups bas de partout par-dessus tout !…. Il n'est pas dans mon intention de l'accabler ou de l'innocenter. C'est à lui de se défendre, de dire sa part de vérité. Il doit le faire. Il le fera. Il n'a pas à payer pour les autres. Cette partie de ma vie, je la raconterai dans un Tome 2 où je dirai ma part de vérité sur les années Ben Ali. Je me rappelle de tout, je n'ai rien oublié !
Mais dans ce Tome 1, je suis revenu sur mes années Saint-Cyr, mes années à l'armée tunisienne, mes années d'opposition à Bourguiba. En apportant mon témoignage à ce que journalistes et politiques appellent « le complot de décembre 1962 », j'apporte aussi ma part de vérité sur cette page méconnue de l'histoire politique de la Tunisie, quitte à déranger ou à bousculer ceux qui, par commodité de langage, par paresse intellectuelle, par complaisance ou par ignorance ont adopté « la version officielle » et l'appellation même de « complot de décembre 1962 » ou « complot yousséfiste ». Ce n'en était pas un. J'écris pour l'Histoire et pour faire acte de mémoire d'une injustice et d'une tentative de coup d'Etat mal comprise.
Je suis longuement revenu également sur « l'affaire de Gafsa de 1980 » et son principal organisateur Ezzedine Chérif que j'ai connu en prison. Il a été condamné en janvier 1963 à dix ans de travaux forcés et exécuté en avril 1980. À travers les nombreux documents que j'ai sélectionnés dans les Annexes, j'ai voulu que les nouvelles générations de Tunisiens et les amis de la Tunisie puissent lire cette autre page méconnue de l'histoire de la Tunisie et rendre hommage au Ezzedine Chérif que j'ai connu : non pas celui de « l'affaire de Gafsa en 1980 » mais celui que les bourreaux ont détruit en prison de 1963 à 1972. A sa sortie, ils l'avaient assigné à résidence, humilié, cassé et brisé. L'homme digne et orgueilleux qu'il était n'avait pu supporter cela et il avait basculé dans la lutte armée et dans le cercle vicieux du ressentiment, de la radicalisation et de la haine, pour finir par être exécuté après l'affaire de Gafsa en 1980. La Tunisie regorge de milliers d'Ezzedine Chérif.
Avant de tourner cette page de ma vie qui s'est confondue avec une page méconnue de l'histoire de la Tunisie, je veux que cette page soit lue et donc écrite. Avec le président Bourguiba, j'ai fait la paix et tourné la page. Ce Tome 1 de mes mémoires en est la preuve. J'écris parce que j'ai besoin d'écrire aux nouvelles générations de Tunisiens pour leur dire que si je me suis opposé durant vingt-cinq ans de ma vie au régime de Bourguiba, ce n'était guère car je ne reconnaissais point ses accomplissements et succès indéniables, mais car je n'en acceptais pas la face obscure: les injustices, la répression et la dictature…
Si je me suis battu, en sacrifiant mes années de jeunesse, c'était par amour pour la Tunisie, mon pays. Ce livre est une thérapie contre l'amnésie et l'oubli. Maintenant que cette page de ma vie est écrite, elle peut être lue. ET je peux tourner cette page.


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