Le 27 novembre 2013 à minuit, le rideau a été baissé sur le dépôt de candidatures aux élections des futurs membres des comités des Chambres de Commerce et d'Industrie. Un délai, fixé par le ministère du Commerce et de l'Artisanat qui, par ailleurs, avait fixé la date des élections pour le 29 décembre prochain. Cette échéance électorale, à laquelle s'ajoutent les amendements apportés par le ministère à travers les décrets 1331, 1332 et 3762 pour l'année 2013, concernant l'organisation et le déroulement de ces élections, ont été très mal perçus par les Chambres de Commerce et de l'Industrie de plusieurs régions (CCI). Ces CCI ont crié haut et fort leur désapprobation face à de telles initiatives ministérielles. Les syndicats patronaux, l'UTICA et la CONECT, ont eux aussi contesté ces décisions. Selon un communiqué daté du 28 octobre 2013, le ministère du Commerce et de l'Artisanat a donc lancé "un avis aux industriels, commerçants, artisans et prestataires de services relatif à la candidature aux élections des membres des comités des chambres de Commerce et d'Industrie". Ce même communiqué a rappelé que "dans le cadre du renouvellement des membres des comités des chambres de commerce et d'industrie, le ministre du Commerce et de l'Artisanat a l'honneur de porter à la connaissance de l'ensemble des industriels, commerçants, artisans (petits métiers et artisanat) et prestataires de services que ces élections se dérouleront le dimanche 29 décembre 2013". Ainsi le dépôt des candidatures à ces élections a démarré le lundi 28 octobre 2013 et vient de prendre fin le 27 novembre 2013 à minuit. Par ailleurs, conformément aux décrets cités ci-haut émanant du ministre Abdelwahab Maâter, les anciens membres de ces CCI, ayant exercé leurs fonctions pour deux mandats, seront automatiquement exclus et n'auront pas le droit de se porter candidats de nouveau. Autre amendement, les candidats doivent obligatoirement être inscrits au Registre de Commerce (RC). Autrement dit, les simples patentés, n'ont pas le droit de prendre part à ces élections. En outre, les candidats, peuvent ne pas être adhérents à ces Chambres, ce qui ouvre la porte à des personnes étrangères au monde des affaires, pour siéger et présider ces Chambres. L'UTICA a réagi à ces décisions affirmant " refuser totalement la loi relative aux chambres de commerce et d'industrie, et la date de leurs élections", dans un communiqué rendu public le 26 novembre. Et d'ajouter: "l'UTICA renouvelle son refus total de cette date, exprimant son étonnement quant à cette position du ministère qui ne tient pas compte de ses appels ainsi que ceux des professionnels et chefs d'entreprises pour reporter ces élections à une date ultérieure". L'organisation patronale précise que "les conditions économiques, sociales et sécuritaires exceptionnelles par lesquelles passe le pays, ne favorisent, en aucun cas, l'organisation de ces élections. Elle appelle également à revoir la réglementation régissant les chambres de commerce et d'industrie en vue de les assister et de renforcer leurs activités dans cette conjointure". L'UTICA n'a pas manqué de mettre en garde contre les ajustements apportés unilatéralement à cette réglementation, qui selon les termes du communiqué :"visent particulièrement à concrétiser la mainmise de l'Administration sur ces chambres, et risquent de limiter leur indépendance et de paralyser leurs activités". De son côté, le bureau exécutif de la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie, (CONECT) a aussi considéré, dans un communiqué, que "le nouveau décret 3762 en date du 19 septembre 2013, et notamment les dispositions de l'article 6, sont en totale contradiction avec le communiqué ministériel du 28 octobre 2013, en ce qui concerne les inscriptions des candidatures". La CONECT considère également dans ce contexte que la condition de l'inscription au Registre de Commerce, "tend à exclure la grande majorité des professionnels, dont les industriels, commerçants, prestataires de services et artisans". De leur côté, les institutions directement concernées, les chambres de commerce et de l'industrie ont également exprimé leur grief face à ces décisions ministérielles inappropriées et parachutées. Dans un communiqué commun, ils trouvent que: "bien que ce décret soit en faveur du principe de succession dans les postes de responsabilité dans le pays, le timing ainsi que les amendements apportés aux arrêtés liés à l'organisation de ces élections, posent plus d'une problématique". En effet, selon ce communiqué, ce décret a été élaboré et publié sans aucune concertation avec les personnes directement concernées, à savoir les hommes d'affaires et notamment les membres des chambres. A cet effet, le communiqué dénonce "une exclusion claire et nette des directions des chambres, dans le processus électoral". Par ailleurs, et "en dépit du caractère civil et indépendant de ces chambres et ce depuis leur création, les décrets et arrêtés de 2013 ont attribué aux directions régionales de commerce, les prérogatives de supervision des élections. Or ceci, entache son indépendance et conforte l'immixtion du pouvoir de tutelle". Et d'ajouter: "Entre autres faiblesses, les décrets de 2013 laissent penser que les prochaines élections ne seront qu'une occasion pour régler les comptes avec les comités considérés comme faisant partie du régime de l'avant 14 janvier, sans qu'il y ait crime ou jugement, bien entendu". Plusieurs présidents des CCI ont également apporté leurs témoignages à Business News, tout en précisant que la plupart d'entre eux sont partants. Ils ne s'expriment pas, par conséquent, d'un point de vue personnel, mais beaucoup plus par souci de sauvegarder la pérennité et l'efficacité des Chambres. Mounir Mouakher, président de la CCI de Tunis a affirmé que "le choix de la date, à savoir le 29 décembre, prouve indéniablement qu'il y a une volonté d'entraîner un déséquilibre dans les structures des chambres". Il a également précisé "On s'aperçoit, en consultant les listes des candidats, que plusieurs sont là, non pas pour leur compétence, ni expérience dans le monde des affaires, mais plutôt pour des considérations politiques partisanes restreintes". Le président de la CCI de Gabès, Ridha Kilani, a déclaré pour sa part: "Malheureusement, le rôle des futurs membres et notamment présidents des Chambres, se résume en un tout petit rôle sous les ordres de la Direction régionale du commerce. Le président de chaque chambre, doit désormais avoir l'aval des directeurs régionaux sur tous les faits et gestes et sur toutes les décisions". Il a ajouté avec beaucoup d'amertume: "Non seulement, les chambres perdent leur indépendance mais seront aussi gérées par des gens qui n'ont pas forcément les caractéristiques requises pour ce genre de fonction, à savoir le haut-niveau scolaire, la grande expérience et un compte en banque bien garni". Et d'ajouter: "Bien sûr, le président d'une CCI est amené à dépenser pour ses déplacements et voyages, doit maîtriser trois langues, il doit être d'une envergure internationale! Or ceci n'est pas donné à tous". Il a conclu: "Avec ces mesures et cette date inappropriée des élections, les prochaines CCI n'auront aucune valeur!". Ainsi, que ce soit l'UTICA, la CONECT ou bien encore les plus concernés dans l'affaire, les CCI, tous sont unanimes pour lancer un dernier SOS au ministère de tutelle et notamment à la personne du ministre Abdelwahab Maâter afin de prévoir sous peu une étroite consultation avec les professionnels et les chefs d'entreprises en vue de réviser la réglementation régissant les CCI, et de reporter la date de ces élections, pour des délais ultérieurs qui seraient plus adéquats. Le ministre, lui, sera-t-il réceptif? Ou bien continuera-t-il à faire la sourde-oreille à ces appels?