En ce mardi 21 janvier 2014, une délégation s'est dirigée vers Mahdia, ville où est emprisonné Jabeur Mejri, jeune tunisien condamné à une peine de 7 ans et demi, pour trouble à l'ordre public et atteinte aux bonnes mœurs. Le tort premier de Jabeur est d'avoir publié sur son profil social Facebook des caricatures du Prophète. Autour de Jabeur Mejri, plusieurs organisations internationales se sont mobilisées via leurs délégations nationales et des représentants des structures-mères. Cette visite initiée par la Fédération internationale des Droits de l'Homme (FIDH) vise à soutenir ce jeune condamné à la peine maximale, car, selon eux, cette sanction démesurée revêt une dimension politique. En effet, selon un des membres du comité de défense, à savoir Maître Mselmi, « l'affaire a été maniée par rapport à l'opinion publique, elle-même dominée par la pensée islamiste aux commandes ». « Nous avons demandé la libération de mon client à plusieurs reprises », précise Bochra Belhaj Hmida. « Aucune écoute n'a été perçue de la part des officiels dont Moncef Marzouki, président de la République au grand parcours de militant des droits de l'Homme », ajoute-t-elle. Antoine Bernard, directeur général de la FIDH, nous dévoile qu'à l'issue de cette visite à Jabeur Mejri, une annonce de taille sera faite. Celle de l'internationalisation de l'affaire, auprès de l'ONU notamment. Cependant, si tout se déroule comme annoncé par la suite, rien de cela ne se passera. Arrivés devant le portail de la prison de Mahdia, les journalistes pourtant partis avec l'idée de rencontrer Jabeur, de le questionner sur son état et ses attentes. Ils se sont heurtés à un refus d'accéder à l'intérieur de la prison. Seules quelques personnes ont pu entrer. Souhayr belhassan, ancienne présidente de la FIDH, Mokhtar Trifi, ancien président de la Ligue des droits de l'Homme, et la délégation française ayant fait le déplacement resteront à l'extérieur. Près d'une heure d'attente après, nous parvient une nouvelle inattendue. Elle sera annoncée par Karim Lahidji, actuel président de la FIDH : Jabeur Mejri partira éventuellement en Suède. En effet, Hechmi Jegham, représentant la Haute Commission des Droits de l'Homme, a pu voir Jabeur Mejri hier, 20 janvier 2014. Il serait affaibli moralement et il aurait lui-même la volonté de quitter la Tunisie. M. Jegham aurait informé Mejri que le gouvernement l'appelle à quitter la Tunisie vers « un pays démocratique » et le choix s'est porté sur la Suède. Une proposition qui laisse sous-entendre une grâce présidentielle imminente. Une grâce appréciée, mais fortement contestée. Au sein de ceux qui ont milité pour l'affaire Mejri, les avis sont partagés. Certains sont contents quant à la possibilité de libération dont les desseins commencent à s'éclaircir. D'autres parlent d'exil, d'asile politique, de libération conditionnée. Pour Yosra Frawes, déléguée du bureau de la FIDH Tunisie, le combat continue. Jabeur Mejri est une des expressions de l'injustice aux allures politisées. Il y en a d'autres pour qui le combat continuera, nous assurent certains militants. Le passeport de Jabeur Mejri ainsi que des photos de lui ont été remis à Mokhtar Trifi, de la part de sa sœur. Cette procédure d'immigration « particulière » prendrait donc effet dans les prochains jours. Moncef Marzouki avait déclaré qu'il gardait Jabeur Mejri en prison dans le but de le protéger. Le voilà désormais expatrié pour les mêmes raisons ou presque. Dans cette affaire, Moncef Marzouki semble choisir le même schéma que Zine El Abidine Ben Ali avec Marzouki lui-même et Ghannouchi : il les sort de prison à condition qu'ils quittent le pays. Certains diront que les pressions internationales, celles d'Amnesty et de la FIDH, pour ne citer qu'elles, ont eu gain de cause quant à l'entêtement du président. D'autres diront qu'il cherche à éliminer un dossier dont l'impact affectera ses ambitions électoralistes. Jabeur Mejri sera peut-être libéré dans les prochains jours, cependant l'optimisme demeure incertain pour les membres de la délégation. « Des promesses de la sorte avaient eu lieu auparavant et elles n'ont pas été tenues », nous confie Bochra Bel Haj Hmida. Antoine Bertrand ajoute qu'il s'agit, quelque peu, d'un « exil volontaire ». Cependant, on ne peut maintenir Jabeur en prison par principe, lui qui aspire à une libération dans les plus brefs délais. Il y aurait une manipulation qui s'opère pour que cette éventualité de départ ne soit pas divulguée et pour que la destination de Jabeur ne soit pas connue. Cependant, faute de coordination ou par précipitation, l'information a circulé. Elle a même été annoncée aux journalistes, vidéos à l'appui. Cependant, la délégation ayant rendu visite à Jabeur Mejri demeure sceptique quant à l'issue de l'affaire tant que rien d'officiel n'a été annoncé. Face à la certitude d'une libération, l'optimisme est, à ce jour, incertain. Un Tunisien serait acculé à quitter son pays. Sa libération aurait été monnayée au prix de son départ. Il est aisé, dans ce cas-là, d'être libre, libre, mais dans l'exil.