On attendait le gouvernement de Mehdi Jomâa, dans les trois ou quatre jours suivant sa désignation officielle de former son équipe, un certain 10 janvier 2014, comme l'avait laissé entendre, notamment, Houcine Abassi, secrétaire général de l'UGTT. Mais finalement, on a attendu des prolongations de près de vingt heures pour que la Tunisie soit dotée d'un nouveau gouvernement de compétences que M. Jomâa, lui-même, espère être le dernier en tant que provisoire. Quelques dizaines de minutes après minuit du samedi 25 janvier, M. Jomâa a tenu sa conférence pour communiquer un courant de froid chez l'assistance en annonçant qu'il n'y a pas eu consensus sur le cas du poste du ministère de l'Intérieur même si on ne demeure pas loin d'un accord. Ayant eu l'amabilité de s'excuser auprès de l'armada de journalistes qui attendaient, près de dix heures durant pour entendre cette annonce de semi-échec, M. Jomâa a laissé entendre qu'il serait reconduit pour mener sa mission à bon port. Ce qui a été confirmé ce matin du dimanche 26 janvier. Quant aux véritables raisons de l'absence d'annonce du gouvernement, le chef du gouvernement pressenti a évoqué la menace de retrait de confiance à la majorité simple de 50 +1 à chaque membre du cabinet gouvernemental, ce qui les empêche d'exercer leur mandat en toute sérénité. Il faut dire, toutefois, que le blocage portait, tout au long des 15 jours sur le maintien ou non de Ben Jeddou et que la question de retrait de confiance n'a été soulevée que 48 heures seulement avant l'expiration du délai. Or, maintenant qu'il y a eu le vote d'un amendement faisant rallonger ladite majorité aux 3/5èmes et puisque le litige portant sur le département de l'Intérieur est réglé, Mehdi Jomâa a pu, finalement, présenter, ce soir du dimanche 26 janvier 2014 vers 21 heures, son équipe gouvernementale au président de la République avant de l'annoncer lors de sa conférence de presse tenue au Palais de Carthage. En effet, de l'avis de tous les observateurs, certaines parties, en se désengageant de leurs promesses à amender l'article 19 dans le sens du rallongement de la majorité aux deux tiers pour le retrait de confiance, ont voulu placer le gouvernement sous la coupe de l'Assemblée nationale constituante et, par voie de conséquence, la majorité de la Troïka qui semblait vouloir dire qu'elle reste bien au pouvoir. A voir de plus près, le nouveau cabinet gouvernemental, composé de 22 ministres et de 7 secrétaires d'Etat, comprend pratiquement la majorité des noms déjà fuités, notamment pour les départements de souveraineté, en l'occurrence la Justice, la Défense et les Affaires étrangères et qui, à première vue, sont dotés de compétences reconnues dans leurs secteurs respectifs. Reste le ministère de l'Intérieur qui a fait couler beaucoup d'encre et suscité de vastes et longues polémiques, est revenu, comme attendu, à Lotfi Ben Jeddou qui sera aidé par un ministre en titre chargé de la sécurité nationale, en la personne de Ridha Sfar et d'un secrétaire d'Etat, Abderrazak Ben Khelifa, chargé des collectivités locales, c'est-à-dire les institutions ayant un lien direct avec la machine électorale. Quelles seront les vraies prérogatives de chacun des trois responsables du département de l'Intérieur ? « Tout sera fixé lors des prochaines réunions de l'équipe gouvernementale », indiquera M. Jomâa en réponse à l'une des questions des journalistes. Une première et simple lecture de la composition du nouveau gouvernement laisse entrevoir une équipe de réelles compétences dont le degré d'homogénéité et d'efficacité sera révélé au cours de son exercice. Mais tout laisse croire qu'il part avec des préjugés favorables, sachant qu'au point où en est le pays, les Tunisiens n'ont pas d'autre choix que d'accorder un soutien vigilant à Mehdi Jomâa qui a fait bonne impression lors de son passage devant les journalistes aussi bien par son verbe facile que par sa correction et sa courtoisie. Il est bon à souligner que M. Jomâa a tenu à contacter, en personne, tous les candidats, finalement non retenus, pour les remercier de leur bonne volonté et leur prédisposition à faire partie du nouveau gouvernement. En effet, le nouveau chef du gouvernement et son staff vont être jugés et évalués selon le degré de leur respect d'application de la feuille de route arrêtée par le Quartet et signée par 21 partis politiques, dont notamment, la révision des nominations partisanes, la dissolution des ligues dites de protection de la révolution et le déroulement du prochain scrutin dans de bonnes conditions de transparence et de neutralité, sans oublier les mesures urgentes en matière économique, sociale et sécuritaire. Maintenant que les trois processus sont théoriquement achevés, on peut dire qu'un pas de géant, même s'il reste juste un premier pas, a été franchi, sur la dernière ligne droite qui va être parcourue vers l'étape finale du processus démocratique en Tunisie. Pourvu qu'on laisse M. Jomâa travailler en sérénité et pourvu que l'ANC ne vienne pas empiéter sur son périmètre. Noureddine HLAOUI