A peine une semaine après le grand succès sécuritaire à la Cité Ennassim (Borj Louzir – Ariana), ayant porté un coup dur aux groupes terroristes, voilà que ces mêmes groupes passent à un nouveau mode, en l'occurrence celui des faux-barrages, un mode opératoire assez répandu, à un moment donné, en Algérie. Avait-on pêché par un certain excès d'euphorie et de triomphalisme après les deux opérations réussies à Raoued et à Borj Louzir ? A-t-on cru trop tôt que les menaces ont été réellement réduites et que les risques n'étaient plus potentiels ? Pourtant, il faut être naïf pour dire que les terroristes avaient pour seuls noms, Kamel Gadhgadhi et Ahmed El Melki dit « Le Somalien ». Tout le monde sait qu'il y a de nombreuses cellules terroristes dormantes et qu'il y a des caches d'armes dans toutes les régions du pays, du nord au sud. Mais malgré la vigilance et le degré d'alerte des différentes forces de l'armée et de la sécurité, il faudra compter avec la détermination et la haine de ces individus extrémistes qui préparent leur coup dans la clandestinité et dans le noir avant de frapper avec lâcheté et dans un désir de vengeance. Ce qui explique les mutilations commises lors du guet apens au mont Chaâmbi en juillet 2013 et aujourd'hui même à Ouled Mannaâ à Jendouba. Ce nouveau triste épisode, ayant fait quatre martyrs, dont trois agents de la sécurité et un civil, pour la première fois, ainsi que trois autres blessés, vient rappeler à tous les esprits que la lutte contre le fléau du terrorisme s'annonce longue et, probablement, coûteuse, notamment en vies humaines. Cette sombre perspective a suscité des réactions de la part des sécuritaires, qui sont les premiers concernés par cette lutte et qui sont ceux qui paient le lourd tribut de ce phénomène dans le sens où ils sont en première ligne dans la défense de la patrie et la protection des citoyens et de leurs biens. Sahbi Jouini, responsable syndical des unités de sécurité, crie son dépit à cause de la poursuite des pertes dans leurs rangs et réclame une stratégie claire et globale en matière de lutte contre le terrorisme tout en appelant à l'émergence d'une volonté doublée d'une décision politique afin d'éradiquer le fléau du terrorisme. M. Jouini s'interroge sur le comment et le pourquoi de l'envoi d'un groupe composé de quatre agents, seulement, pour affronter un groupe, bien déterminé et, apparemment, bien entraîné qui les attendait de pied ferme profitant de l'effet de surprise. Ce qui confère à l'opération une allure de guet –apens et qui explique l'absence de perte chez les terroristes qui ont pu s'enfuir sans être inquiétés. Les observateurs considèrent l'embuscade à Jendouba comme ayant un double objectif. Le premier est celui de vouloir démontrer la capacité des groupes terroristes à agir et réagir pour se venger des revers subis récemment. Ensuite et en passant à ce nouveau mode des faux-barrages, ils veulent créer une certaine psychose chez les Tunisiens qui auront, désormais, des suspicions devant chaque patrouille, ronde ou barrage de la police ou de la Garde nationale. Les observateurs sont conscients qu'il ne faut pas mettre en doute les succès sécuritaires, qu'il faut, au contraire, saluer et encourager, mais cela ne les empêche pas de poser des questions quant à l'origine des revers subis par les éléments des unités de sécurité, de la Garde nationale et de l'armée. D'où les hypothèses qui, sans aller jusqu'à parler carrément de taupes ennemies, évoquent un certain laxisme chez certaines directions au sein du ministère de l'Intérieur. Ainsi, plusieurs voix se sont élevées réclamant des informations sur la poursuite de la présence de certains hauts cadres, connus pour leur adhésion aux courants islamistes et leur sympathie à leur égard. Et la question qui se pose désormais avec insistance : peut-on faire confiance à un islamiste dans un poste au sein du ministère de l'Intérieur ? Sans pour autant généraliser, l'expérience a démontré que, dans certains cas, le doute persiste réellement concernant ces personnes. On aurait bien aimé que le ministre de l'Intérieur communique clairement sur la nouvelle configuration en matière de ressources humaines au sein de son département. Peut-on avoir une idée sur le devenir des Oussama Bouthelja et Mehrez Zouari, pour ne citer que ces deux-là, qui ont fait l'objet d'accusations directes et précises à travers les médias. Le nouveau drame, survenu à Jendouba, incite, certes à réfléchir sur la stratégie sécuritaire d'avenir, mais il nous oblige à élever la voix pour fustiger les pratiques laxistes de certains encourageant le terrorisme. Quand un certain Abderraouf Ayadi, homme de loi et membre de l'Assemble nationale constituante, refuse jusqu'à maintenant de qualifier Kamel Gadhgadhi de terroriste et « dénonce » le classement d'Ansar Al Chariâa comme étant une organisation terroriste et quand une émission télévisée réunit, en même temps, quatre ou cinq invités faisant l'apologie des terroristes et essayant de trouver des justifications et de la compréhension envers eux, cela ne peut que « blanchir » le fléau criminel ! Et en regardant un peu dans le rétroviseur, on se rappellera le laxisme notoire observé par les gouvernants de la Troïka, outrageusement dominée par Ennahdha, face aux membres d'Ansar Al Chariâa qui tenaient des discours haineux, enflammés appelant à l'instauration du Califat et au changement du mode de société. Tous les responsables du parti islamiste, et à leur tête Rached Ghannouchi, évoquaient la liberté d'expression et qualifiaient cela d'un signe de bonne santé, de démocratie et de diversité saine de la société tunisienne ! On se rappellera du traitement du dossier de l'attaque contre l'ambassade américaine dans le sens où tous les assaillants avaient quitté la prison après avoir bénéficié d'un non-lieu ou écopé d'une simple condamnation avec sursis. Au même moment les Hamadi Jebali, Noureddine Bhiri et Ali Laârayedh, prenant les Tunisiens pour des naïfs, évoquaient l'indépendance de la justice. Pourtant les Jabeur Mejri et autres Weld El 15 se voyaient infliger de lourdes peines de prison ferme ! On se rappellera les multiples émeutes causées par les salafistes un peu partout à travers le pays sans qu'on entende parler de la moindre condamnation. On se rappellera des prêches enflammés et haineux dans les mosquées allant jusqu'à lancer des menaces nominatives de mort sans que le ministère de l'Intérieur, le ministère public ou le ministère des Affaires religieuses ne bougent le petit doigt. On se rappellera la venue d'une ribambelle de prédicateurs, connus pour leur fanatisme et leur obscurantisme religieux, en Tunisie et l'accueil triomphal qui leur était réservé par les gros bonnets d'Ennahdha. On se rappellera, justement, que certains des terroristes auteurs de l'embuscade d'hier à Jendouba, ne sont autres que des salafistes membres d'Ansar Chariâ arrêtés en 2012 à Jendouba, puis relâchés par le juge d'instruction au Tribunal de première instance du gouvernorat. Pourtant, il fallait les faire traduire devant le juge d'instruction au Tribunal de première instance de Tunis qui est le mieux habilité pour traiter ce genre de dossier. Et comme le facteur confiance est primordial, le gouvernement actuel de Mehdi Jomâa est appelé à communiquer avec transparence sur la situation au sein du département de l'Intérieur afin de dissiper le doute qui règne sur l'appartenance de certains de ses cadres, l'objectif étant d'éviter tout éventuel risque de connivence lors du traitement de certaines affaires touchant à des éléments présumés terroristes. Noureddine HLAOUI