Changement de carrière, changement de bord, changement de casquette, beaucoup de ces noms devenus illustres d'après la révolution et d'avant le changement en ont amorcé un. L'ère du changement, terme dont Ben Ali a fait son slogan, est vécue en Tunisie actuellement sous des auspices multiples. Un des plus expressifs est ce changement de casquette que font certains pour s'ouvrir à une nouvelle vie et s'offrir de nouvelles possibilités. Dans ce pays en pleine mutation, nombreux sont ceux qui se cherchent mais moindres sont ceux qui se sont trouvés. Etre militant des Droits de l'Homme est devenu un métier difficile, alors que l'oppression politique a cessé ou presque. Pour ceux qui en faisaient un métier et non une passion, on cherche les causes et on s'y accroche ; de quoi faire un livre ou aller sur les plateaux. Des changements de vocation s'opèrent alors. Et des plans d'une autre carrière se dessinent pour ces militants mutants. Un cas des plus flagrants serait celui de Sihem Ben Sedrine qui s'est définitivement corrompue le jour où elle s'est affichée aux côtés de membres des LPR dans le cadre de l'une de leurs réunions. Elle a définitivement entaché son nom jadis présenté comme celui d'une virulente défenseuse des libertés.Elle en est devenue « la défonceuse », alors qu'elle s'attaquait à ses salariés journalistes de Radio Kalima qu'elle possède. Passer de la clandestinité aux lumières, n'est visiblement pas chose aisée. Le cas du président de la République s'inscrit dans cette lignée de ceux qui peuvent briller en tant qu'opposants et qui essuient raclée sur raclée en accédant au pouvoir. Un changement de casquette qui a montré ses limites et qui nous confronte encore, à plus d'une occasion, à un président au rendement ambivalent et à l'efficacité sinusoïdale. A un profil d'orateur de grande envergure, a succédé, bien des fois, un improvisateur de piètre qualité, tombant dans un prosaïsme déconcertant, quand le président, s'exprimant au nom de cette noble République qu'il préside, se met à nous parler de chaussettes, de chaussures et même de toilettes. C'est là qu'intervient le rôle d'un conseiller auprès de la présidence : dans la canalisation de la verve débordante de celui au profit de qui il a mis ses services et sa capacité à encadrer et à se faire écouter. Inévitable donc, dans ce cas, d'évoquer Adnène Mansar, conseiller devenu illustre par ses interventions médiatiques et sur les réseaux. Présent sur le plateau d'Ettounsiya dimanche 23 février, il a avoué lui-même qu'il peinait à faire changer Moncef Marzouki d'avis, qu'il était dans l'impossibilité de l'influencer quant à son apparence, à sa tenue vestimentaire et à la teneur de ses interventions souvent improvisées. N'est-ce pas là une illustration bien explicite d'un changement de casquette, un énième, en cette Tunisie qui mue, pour le moins improbable? Académicien connu, historien reconnu, universitaire respecté, Adnène Mansar a choisi de passer à la politique. Il a mis en suspens, voire en péril, une carrière dont la noblesse n'est pas à étayer, pour s'exposer aux critiques les plus basses (toute justification mise à part), aux insultes les plus insupportables, à une appréciation ô combien dure de son rendement dans ce nouveau champ d'activité. L'académicien s'est rapproché de la politique, avec tous les aléas qui lui sont propres. Certains le traitent de porte-voix, d'autres de valet. De lui-même il a avoué qu'il a été obligé de manigancer pour dérober un des costumes de Moncef Marzouki dans le but d'éviter que celui-ci le ne le porte de nouveau. C'est qu'il devait être bien laid le costume, monsieur Mansar, pour que le grand universitaire accepte d'en arriver là! Cela serait acceptable, si M. Mansar faisait ce changement de carrière pour des raisons d'ordre patriotique. Quand on sait que le porte-parole est aussi membre du CPR, qu'il y a indéniablement intérêt partisan, le doute plane. Pourquoi celui qui contribuait à l'écriture de l'Histoire, la grande, choisit-il de participer à l'essor de ceux qui sont pour beaucoup voués à ne figurer que dans la petite ? Pourquoi M. Mansar ne se retirerait-il pas de ce poste aux allures nobles et à la nature, pour beaucoup, avilissante ? Un autre conseiller s'était pourtant retiré, avant que M. Mansar n'intègre l'équipe de Moncef Marzouki. Il s'agit de Ayoub Massoudi qui a démissionné de son poste de conseiller chargé de l'information le 28 juin 2012. Ayoub Massoudi a lui-même opéré, depuis, un changement de casquette pour passer des hautes responsabilités de l'Etat aux affrontements avec la présidence de la République, en critiquant de front un des conseillers qui y officient, en l'occurrence, Adnane Mansar. Sur Facebook, l'ancien et l'actuel conseillers se sont affrontés dans un duel virtuel qui finira probablement en justice et qui n'est pas sans rappeler les allures de cette nouvelle république et l'étoffe de ses nouveaux chevaliers défenseurs. A une étape aussi importante de l'Histoire de la Tunisie et alors que le pays passe de la dictature à la démocratie et qu'il connaît son changement de casquette à son tour, ces citoyens qui opèrent un changement de cursus sont-ils motivés par leur propre épanouissement ou par celui de la Nation ? A trop se disperser, à aller vers des parcours souvent bipolaires, ne tombe-t-on pas dans une folie dégénérative ?