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Lettre à la fille de Adnène Mansar
Publié dans Business News le 08 - 12 - 2014

Jeune fille, je vous écris sans vous connaitre. Je ne connais de vous que l'âge et une photo. Je ne vous aurais jamais écrit cette lettre et je ne me serais jamais adressé à vous si votre père ne vous avait pas sortie de la sphère confortable de l'anonymat vers celle, sans cœur, de l'exposition dans l'opinion publique, en vous évoquant dans une émission politique de grande écoute. Elle est sale la politique, vous savez ?
Comme toutes les jeunes filles de votre âge, vous devez croire que votre père est le meilleur papa au monde. Et vous avez raison. Je sais ce qu'est l'image d'un père aux yeux de sa progéniture, je sais le soin qu'il met à la préserver et je sais aussi le soin que met le vôtre pour ne pas vous dire toute la vérité.
Jeune fille. Dans l'émission « A celui qui ose », votre père a dit que vous l'avez interrogé si « on allait retourner en prison ». L'émotion l'a submergé, et il a étouffé ses pleurs. Pour oser une telle question, vous avez été certainement convaincue que la victoire de Béji Caïd Essebsi et la défaite de Moncef Marzouki, signifiaient inévitablement le retour de la répression et de l'injustice.
C'est une chance, vous savez de pouvoir poser des questions à votre père. D'autres filles et garçons n'ont plus cette chance. Et, eux aussi, leur papa était le meilleur papa au monde. La liste est longue, trop longue. Je ne saurai commencer par les six enfants de Lotfi Nagdh et finir avec les deux filles de Chokri Belaïd. Car il faut évoquer aussi les enfants de Mohamed Brahmi et les centaines d'enfants de ces dizaines de soldats et des agents des forces de l'ordre tués, assassinés, égorgés à Châambi et ailleurs.
Ces centaines d'orphelins n'ont plus la possibilité de poser de simples questions au « meilleur papa au monde » à cause, en partie, de la personne que votre père s'évertue à défendre. Il ne porte certainement pas toute la responsabilité, mais il en a une bonne part. Par ses décisions hâtives et irréfléchies (Syrie par exemple), par ses ingérences dans des dossiers qu'il ne comprend pas (l'armée par exemple, cliquez ici ), par ses mauvais calculs politiques, Moncef Marzouki ne saurait se blanchir du sang qu'il a sur ses mains. Ce n'était certainement pas volontaire de sa part, mais ses fautes ont trop coûté à la Tunisie.
Jeune fille, vous vous interrogez si « on allait retourner en prison », alors que des dizaines d'autres enfants de votre âge ont pleuré réellement leur père entré injustement en prison. Ici aussi, la liste est longue, trop longue. Je pourrai vous citer Zied El Héni ou Walid Zarrouk, à titre d'exemple, mais aussi Chelbi Fehri, Moncef Gouja, Zouheir Basly, Nabil Chettaoui et des dizaines d'autres grands commis de l'Etat qui ont été emprisonnés sans aucune autre forme de procès et, parfois, au-delà des délais légaux. Comme vous, des mères de famille pourraient poser cette même question. Je peux vous en citer des dizaines, mais je me limiterai à une seule, la maman de Maher Manaï. Ce jeune homme est en prison à perpétuité pour un meurtre qu'il n'a pas commis (cliquez ici). Le meurtrier a avoué son meurtre, mais Maher Manaï est encore en prison. Son dossier a été présenté à votre papa et à son président depuis début 2013, mais Maher demeure encore incarcéré à la fin 2014. Sa maman pleure elle aussi, figurez-vous, et elle ne pleure pas devant la caméra pour obtenir un apitoiement quelconque et quelques points aux sondages. Elle pleure sincèrement tous les jours depuis des années !
Jeune fille, vous devriez savoir que la Tunisie a vécu une révolution et qu'il y a aujourd'hui une presse libre et indépendante qui fera tout pour continuer à s'exprimer librement. Il y a aussi des magistrats qui feront tout pour continuer à faire leur travail librement et en toute indépendance. Ce n'était pas toujours le cas ces trois dernières années et je peux vous citer un des collègues à votre père à la présidence qui a essayé (en vain) de s'ingérer dans le travail judiciaire. Je peux vous citer des affaires montées de toutes pièces pour intimider des journalistes et les pousser à ne plus faire leur travail. Je ne me mettrai pas à la tête de cette liste de journalistes ayant subi ce type d'affaires (y compris de la présidence) et je me limiterai à citer Zouheïr El Jiss, Slim Bagga et de, nouveau, Zied El Héni. Je citerai aussi le cas de Mahmoud Bouneb, otage depuis des années chez les amis de votre père et son président.
En mai 2012, votre père, jeune fille, rédigeait un long article (cliquez ici) dans lequel il écrivait notamment : « La catastrophe c'est que quelques-uns parmi ceux au pouvoir estiment que de tels verdicts prouvent que la justice est indépendante et montrent qu'il n'y a aucune ingérence dans le système judiciaire. (…) Il n'y a pas plus « idiot » que cette vision (…) Cette vision technique de l'indépendance de la Justice ne prend pas en considération la révolution et ses objectifs et que le succès de cette révolution est intimement lié à l'exclusion totale des criminels de l'ancien régime de la vie publique, même si cela mène à une certaine injustice ! »
Pourquoi vous interrogez-vous, jeune fille, si « on allait retourner en prison » ? Parce que votre père vous a éduqué à un concept que refuse la majorité des Tunisiens. On ne va pas en prison, parce que le gouvernant a décidé qu'on y aille (comme l'a souhaité votre père dans son article). La République et l'Etat de droit exigent qu'on aille en prison, parce qu'on a mérité d'y aller. Parce qu'on est un danger pour la société et que cette société se doit de vous écarter pour se prémunir de votre nuisance. Ce concept est inconnu par votre père et son entourage. Sous prétexte de révolution, ils veulent faire une justice à leur guise et nous dresser des potences. Et s'ils pensent ça, c'est parce qu'ils n'ont jamais eu à affronter la justice. Votre père, jeune fille, n'a jamais mis les pieds en prison. Ses amis, comme Imed Daïmi, Slim Ben Hmidène ou Sihem Badi, non plus. Ils ont fui le pays pour ne pas rendre compte à la justice et ont profité, en 2011, de l'amnistie générale pour venir mentir au peuple et jouer aux révolutionnaires.
Non, jeune fille, ni votre père, ni ses amis n'ont été révolutionnaires. Quand le peuple tunisien subissait la répression, quand nous-mêmes étions face à la gueule du loup, votre père partageait du « Om Kalthoum » sur les réseaux sociaux, menait une vie tranquille d'universitaire et ses amis se baladaient entre les cafés de Belleville et de Barbès.
Ils sont rentrés au pays et voulaient une justice à leur guise et l'ont prouvé en taisant plusieurs abus à la présidence et dans des ministères dirigés par les CPR. Ils voulaient une justice de revanche et ils l'ont prouvé en faisant nommer une certaine Sihem Ben Sedrine à la tête de l'IVD ou en publiant le fameux Livre Noir. Un livre de règlement de comptes (cliquez ici ) qui a jeté en pâture des dizaines d'honnêtes gens sans aucune autre forme de procès. Voilà ce qu'ils voulaient et voilà ce que nous avons refusé. Le « nous » représente la majorité des Tunisiens qui n'ont voté ni CPR, ni Marzouki le 26 octobre et le 23 novembre. Ce « nous » dont je fais partie représente cette frange de Tunisiens que votre père et ses amis diabolisent. Ils dressent de nous le portrait de personnes asservies pour des idées qu'ils ne partagent pas et des adversaires politiques qu'ils ont du mal à accepter. N'ayez pas ses a priori et essayez, jeune fille, de porter sur ce monde, votre propre regard et non celui de votre père ! En dépit de tout cela, soyez sure que, que ce soit Béji Caïd Essebsi ou Moncef Marzouki qui remporte la présidentielle, il n'y aura plus de presse muselée et de justice aux ordres. Nous serons là pour surveiller et défendre le droit de tous les prévenus à avoir des procès justes et équitables.
Quand on n'a rien fait d'illégal, on ne craint rien jeune fille, c'est ça la République que nous défendrons corps et âme. Votre père n'a rien à craindre, s'il n'a rien fait et s'il craint la prison, c'est qu'il estime avoir des choses à se reprocher. Et si ce n'est pas lui, c'est son camp.
Je ne saurai finir cette lettre sans vous recommander la relecture d'une lettre que vous a envoyée votre père le 2 février 2011. A la fin de cette lettre, « le meilleur papa au monde » vous écrivait : « Je te regarde, et je suis plus confiant que jamais. Je sais que tu feras ce que tu décideras, et que tu sauras prendre les bonnes décisions. Tu es maintenant assez responsable, car tu ne voudras jamais vivre comme nous le faisions. Tu décideras des vêtements que tu mettras. Tu choisiras qui tu voudras plus tard, si jamais tu décidais de te lier à un homme. J'apprendrais à respecter davantage ta liberté, et ton intimité, mais tu excuseras la lenteur de cet apprentissage, car un adulte qui croyait tout savoir est paresseux. Tu m'apprendras alors. »
Car vous vous posez des questions, vous devez être déjà adulte. Car vous êtes de ces adultes non paresseux, apprenez donc à votre père la différence et l'acceptation de l'Autre, sans crainte, sans arrogance, sans le manque de respect et sans l'excès de zèle. Apprenez-lui que vous devez apprendre à voir cette Tunisie avec votre propre regard, pour bien l'aimer et savoir, un jour, la défendre et veiller, comme tout citoyen, à son unité. Apprenez à tuer le père et vous aurez gagné une mère-patrie, bien plus grande que celle coupée en deux que vous dresseront les réponses de votre père !


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