Elle avait huit ans et ce soir-là, c'était la fête. Elle s'accrochait au bras de son papa, l'entraînant dans les rues de la ville, lui montrant les vitrines décorées des magasins de beaux vêtements tout neufs, rêvant déjà à ceux qu'elle porterait le jour de l'Aïd... Et puis, d'un doigt fin et fragile, la petite fille lui montre une robe. Papa regarde le prix et fait " non " de la tête. Trop chère pour ses modestes moyens. L'enfant ne comprend pas. Pas tout de suite. Elle ne comprend pas que son papa ne soit pas assez riche pour lui acheter cette belle robe pour l'Aïd. Qu'il soit incapable de réaliser ses rêves et ses désirs. Comment, lui, le plus grand, le plus fort, trouve cette robe trop chère ? Papa sécurité, papa grand cœur, ne peut donc pas lui offrir tout ce qu'elle désire ? Du coup elle se met à la détester, cette robe. A haïr toutes ces vitrines illuminées, gorgées de cadeaux... Et elle regarde papa... Il a rapetissé papa... Il semble moins robuste, moins sécurisant. Alors elle pleure sans larmes, la petite fille. Sa déception est immense. Le père Noël vient de mourir. La fête se transforme en défaite. Elle a perdu son innocence, ses illusions. Ce soir, la petite fille est devenue adulte. Et papa est devenu vieux, si vieux...