A l'annonce de la composition du nouveau gouvernement vendredi dernier, le chef du gouvernement désigné, Habib Essid, en a surpris plus d'un. Les voix mécontentes se sont élevées, d'aucuns contestant certaines nominations, d'autres pour avoir été carrément écartés de l'équipe Essid. Un week-end qui n'a pas dû être de tout repos pour le chef du gouvernement, d'autant plus que la plupart des partis politiques représentés à l'Assemblée ont décidé de ne pas voter au bénéfice du gouvernement, lors de la plénière qui y sera consacrée. « Un gouvernement mort avant même de naître », telles sont les propos du député Mehdi Ben Gharbia. C'est dire l'impasse dans laquelle se retrouve le chef du gouvernement. Face aux critiques et à certaines polémiques, concernant notamment la nomination du ministre de l'Intérieur, le gouvernement sera confronté à un vote de confiance des plus serrés, si ce n'est perdu d'avance. Il est nécessaire de rappeler que selon les dispositions de l'article 89 de la Constitution, Habib Essid dispose d'un délai d'un mois renouvelable une seule fois. Le chef du gouvernement désigné est encore, légalement, dans les temps et il est possible d'opérer des changements au sein de la nouvelle équipe avant de la présenter au vote. On notera également que la séance plénière, prévue pour le mardi 27 janvier, et qui était consacrée au vote de confiance, a été reportée, laissant le temps à Habib Essid pour entamer une nouvelles phase de négociations et de concertations avec les différentes sensibilités politiques, qui se sont retrouvées écartées. Il faut dire que le gouvernement ne pourrait entrer en fonction, qu'après l'obtention de la majorité absolue à l'ARP, soit 109 voix sur les 217 sièges du Parlement. Si on prenait en compte les partis siégeant au Parlement et qui ont annoncé leur refus de voter pour le gouvernement, soit 69 sièges d'Ennahdha, 15 du Front populaire, 8 de Afek Tounes, 4 du CPR, 3 d'Al Moubadara et 3 du Tayyar, le nombre de députés contre s'élèvera à 102. Il ne faudrait pas omettre les Adnène Hajji, Mehdi Ben Gharbia ou Iyed Dahmani et autres minorités à l'Assemblée, qui, sans donner une position officielle, ne sont pas d'accord avec la composition du gouvernement et sont susceptibles de jouer contre. Nidaa Tounes disposant de 86 sièges à l'Assemblée, ajouter à cela ceux du parti de Slim Riahi, l'UPL, les députés favorables au gouvernement seront au nombre de 102. A Habib Essid incombera, sous peine de perdre la face, de relancer une série de rencontres et de concertations avec les partis politiques. C'est qu'entre dimanche et lundi les communiqués et déclarations faisant état du refus d'accorder la confiance au gouvernement, se sont multipliés. Le Front populaire a été l'une des premières formations à avoir refusé de participer et de voter en faveur du gouvernement. Les raisons étant entres-autres un programme ne répondant pas aux attentes des Tunisiens et la nomination de plusieurs personnalités appartenant à l'ancien régime ou suspectées de corruption. Pour sa part Afek Tounes qui s'est retiré des négociations, le jour de l'annonce de la composition du gouvernement, a décidé de ne pas soutenir le gouvernement, qui a été constitué dans l'opacité, critiquant ainsi les choix de Habib Essid. Afek Tounes parti proche de Nidaa et qui était considéré comme allié, s'est retrouvé écarté alors qu'il réclamait des portefeuilles économiques. Par ailleurs, le Conseil de la choura d'Ennahda réuni dimanche a décidé de ne pas voter pour le gouvernement Essid, considérant que la nouvelle équipe constitue une déception pour une bonne partie des Tunisiens, faute aussi d'union nationale et de représentativité des partis politiques. Al Moubadara et Kamel Morjane ont pris la même décision en affirmant être prêts à revenir sur leur position si Essid opère des changements et s'ouvre au dialogue. Et cela fut ! Les pourparlers reprennent avec un certain nombre de partis. L'un des premiers à être consulté, le mouvement islamiste Ennahdha et son chef Rached Ghannouchi. A l'issue de la rencontre avec le chef du gouvernement, Ghannouchi déclare que son parti a reçu de nouvelles propositions, « positives » et « satisfaisantes ». On apprend qu'Ennahdha a proposé quelques noms qui devront être intégrés au gouvernement en attendant l'aval de Habib Essid… Exprimant le souhait que les consultations aboutissent à un large consensus, Rached Ghannouchi insiste sur la mise en place d'un gouvernement d'union nationale, sous peine de revenir à la case de départ, et de ne pas accorder la confiance à la formation… Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire a été, de son côté, invité à la table des négociations, annonçant la détermination de Habib Essid à opérer des changements et élargir les concertations, en vue d'arriver à un consensus. Le Front populaire considère toutefois, que le programme du gouvernement, « n'en est pas un », selon les propos de Ahmed Seddik, ce qui impose de tout revoir… Afek Tounes n'est pas en reste et ses dirigeants ont été appelés à donner leur position. Des modifications et remaniements sont donc à attendre, pour que le gouvernement puisse passer au vote de confiance, reste à savoir lesquels. On sait de prime abord, qu'il y aura un nouveau ministre des TIC, Karim Skik s'étant retiré. Certains évoquent le désistement du ministre de l'Intérieur controversé, Mohamed Najem Gharsalli et d'autres, d'un ministère du Tourisme qui ne sera plus entre les mains de l'UPL, et Mohsen Hassan. Le gouvernement proposé par Essid est composé essentiellement de membres de Nidaa Tounes et de l'UPL, ainsi que de compétences indépendantes. La question qui se pose, est si Habib Essid ira jusqu'à intégrer les islamistes, tant contestés par les bases électorales de Nidaa, au sein de son gouvernement, faisant avancer comme argument un certain pragmatisme politique. Dans le cas où, la situation ne se débloquerait pas et que le gouvernement n'arrive pas à obtenir la confiance de l'ARP, la Constitution prévoit que « le président de la République engage des consultations avec les partis politiques […] en vue de charger la personnalité la plus apte à former un gouvernement dans un délai maximum d'un mois ».