Après plus de six mois de retard sur les délais ordinaires, la Banque de l'Habitat (BH) a fini par tenir son Assemblée générale ordinaire pour l'exercice 2013 le mercredi 18 février 2015, sous la présidence de son PDG Ahmed Rjiba. Une assemblée marquée par des tensions et aucours de laquelle des actionnaires ont exprimé leur mécontentement des résultats affichés. Crêpage de chignon, cris et échanges verbaux violents étaient au rendez-vous. La BH a enregistré, pour l'exercice 2013, un résultat net négatif de 220,1 millions de dinars (MD) bien que la banque a généré un produit net bancaire (PNB) de 207,2 MD, en hausse de 3,8%, grâce notamment à la hausse de la marge d'intérêt de 6,6 MD et confortée par la révision à la hausse du TMM durant 2013. En effet, les créances improductives ont affiché un total de 537 MD, en hausse de 75,6 MD par rapport à 2012. Cette hausse émane à hauteur de 90% du portefeuille contentieux. Pour leur part, les créances classées ont atteint 1.218,1 MD en hausse de 41%, avec un taux de couverture de 65,3% contre 66,8% en 2012. A cet effet, et en application de la loi, la banque a dû faire des dotations aux provisions nettes d'une valeur totale de 270,2 MD outre des modifications comptables (60,8 MD dont 55 MD représentant des provisions additionnelles sur les exercices antérieurs). De ce fait, le résultat a été irrémédiablement impacté. Par ailleurs, dans leurs rapports, les commissaires aux comptes Hatem Ounally et Zied Khedimallah ont pointé du doigt plusieurs lacunes et manquements notamment dans l'actualisation des données de la banque, dans les états de rapprochements, dans l'inventaire physique etc. Ils soulignent, aussi, «les insuffisances majeures au niveau des procédures susceptibles d'impacter l'efficacité du système de contrôle interne et concluent que le système d'information en place referme de sérieux risques d'altération de données». Le rapport général note, également, qu'une grande partie des engagements d'entreprises publiques ont été classés mais que d'autres présentant des difficultés financières n'ont pas été provisionnés à cause la garantie implicite de l'Etat. Le document souligne que les fonds propres nets de la banque, après correction, ne lui permettent pas de se conformer aux normes prudentielles édictées par la réglementation de la Banque centrale de Tunisie (BCT). Les commissaires aux comptes suggèrent, pour y remédier, d'injecter des fonds propres supplémentaires d'un montant au moins égal à 198,73 MD. Autre point important, dans une assemblée générale extraordinaire (AGE) qui a précédé l'assemblée générale ordinaire (AGO), plusieurs décisions ont été prises, notamment, l'augmentation du capital social à hauteur de 80 MD : 30 MD par incorporation des réserves et la distribution d'actions gratuites à raison d'une action nouvelle gratuite pour trois anciennes et 50 MD par la création de 10 millions d'actions à raison de cinq actions nouvelles souscrites pour neuf actions anciennes. Prenant la parole lors de la séance de débat, l'actionnaire Saïd Zaddam s'est interrogé sur le fait que le PDG soit nommé par décision politique. «Avec tout mon respect aux personnes qui ont été nommées à ce poste, pourquoi ne pas y nommer un cadre supérieur issu des rangs de la banque ? Pourquoi on nous présente pas le CV des PDG qu'on nomme !», s'est-il insurgé. Il a, également, demandé la recette miracle qui permet à la banque de redresser la barre et passer d'un résultat négatif à un résultat positif en seulement 6 mois. Il a aussi réclamé la facture de la célébration du 40ème anniversaire de la Banque. Son intervention, qui a trainé en longueur, a agacé non seulement certains administrateurs mais également quelques actionnaires. Ces derniers n'ont pas manqué de l'exprimer ce qui a valu quelques échanges verbaux violents entre M. Zaddam et les mécontents. Il en est de même pour le président de l'Association des actionnaires minoritaires ADAM, Khaled Ahres, qui s'est fait réprimander par des actionnaires irrités par la lenteur de la procédure, alors qu'il essayait de présenter son association aux personnes présentes. Pour le reste, la majorité des actionnaires, qui sont intervenus, avaient des questions directes et précises. Certains réclamaient un assainissement définitif des comptes, notamment en ayant recours à un cabinet externe pour le faire, au lieu de faire des provisions d'un montant faramineux. D'autres, bien que compréhensifs vis-à-vis de la non responsabilité des administrateurs en place, se sont interrogés sur les mesures prises par ces derniers pour remédier aux difficultées rencontrées par la banque. Des actionnaires ont demandé comment la banque compte-elle combler le reste des fonds propres manquants constatés par les commissaires aux comptes. Quelques-uns se sont interrogés sur le résultat de l'audit alors que d'autres ont demandé si la banque a fait des efforts pour récupérer les promoteurs dont un grand nombre a quitté la banque pour se diriger vers la concurrence. En réponse à ces interrogations, M. Rjiba a apporté plusieurs éclaircissements. Le PDG a tenu à préciser qu'une commission technique a été mise en place pour assainir définitivement les comptes de la banque, chose qui sera effective d'ici la fin de l'exercice 2015. Il a souligné que le résultat enregistré en 2013 émane des mutations que vivent actuellement les banques publiques tunisiennes, qui font l'objet d'un projet de réforme structurelle résultant d'un full audit lancé par les autorités financières tunisiennes. D'ailleurs, l'exercice 2013 a été marqué par l'assainissement du portefeuille et le renforcement des fonds propres et impacté par l'effort de provisionnement, notamment lié aux nouvelles dispositions de la circulaire du 30 décembre 2013. L'objectif de tout ceci est de conserver les acquis et préparer la BH à sa véritable relance avec l'achèvement du full audit et la mise en place des recommandations avancées par le comité d'experts. A cette démarche s'associe le changement du mode de gouvernance de la banque avec la séparation des pouvoirs entre le président du Conseil d'administration et le directeur général, décidé lors de l'AGE. Cette décision permet l'instauration de règles de bonne gouvernance à travers la séparation des pouvoir du président du Conseil chargé de mettre en place la stratégie de la banque, de ceux du directeur général chargé de l'application de cette stratégie. M. Rjiba a noté que contrairement à ce que pensent plusieurs actionnaires, suite à l'application de la circulaire de la banque, le résultat de 2012 de la banque est devenu négatif. «Nous ne nous désengageons pas de nos responsabilités envers la banque, mais le Conseil d'administration n'a aucun intérêt à falsifier des documents», a-t-il clarifié. Autre point, le PDG a indiqué qu'un business plan a été mis en place, qui a permis en 2014, l'amélioration du résultat net, la baisse des créances classées et la récupération de certains bons promoteurs de la place. En outre, il a été décidé de diversifier l'activité de la banque. On notera que lors de cette AGO, il a été décidé l'émission d'un emprunt obligataire et/ou subordonné d'un montant plafonné à 150 MD, qui comblera le manque de capitaux propres. Il a été, aussi, décidé de résorber par les réserves le résultat négatif (reporté et de l'exercice 2013) de 220,1 MD. Dans un communiqué publié ce jeudi 19 février 2015, la BH souligne qu'en en dépit de la conjoncture économique et sociale peu favorable au développement de l'activité, l'année 2014 a été marquée par une progression de l'encours des crédits (+589,9 MD ou +14,1%) et par un effort plus important dans la mobilisation des dépôts de la clientèle (+551 MD ou +13,5%). L'exercice a, également, affiché la meilleure évolution du PNB du marché à savoir +17,8%. Avec le retour des investissements et d'un climat des affaires plus propice, la banque compte consolider les efforts de 2014 en poursuivant sa stratégie de relance pour 2015. Stratégie qui implique, notamment, l'amélioration de son efficacité à travers la consolidation de la part de marché dans le secteur de la promotion immobilière et de l'Habitat, la diversification et l'élargissement du portefeuille crédits en s'orientant vers le financement de projets industriels et de services, le lancement de nouveaux produits, packages ainsi que le développement des produits de bancassurances, l'amélioration de l'efficacité opérationnelle en optimisant l'organisation de toutes les lignes de métier et le soutien du développement de l'activité par l'acquisition de nouvelles solutions et applications informatiques.