Vous êtes l'un des rares ministres de ce gouvernement dont la nomination a été unanimement saluée. Plusieurs personnes dignes de foi ont estimé que vous êtes l'homme de la situation et que le portefeuille de la justice ne pourra que mieux se porter sous votre égide. J'aimerais attirer votre attention sur une injustice qui perdure depuis bientôt 11 ans. Celle de Maher Sassi Ali Manaï, âgé de 32 ans. Il a été arrêté en 2004 à Sfax car il était soupçonne de meurtre. Son arrestation, l'enquête le concernant et le procès, ont été émaillés d'irrégularités flagrantes. Maher a été emmené au poste à Sakiet Ezzit et a été battu et torturé. La violence dont il a été victime a été telle qu'on lui a brisé les doigts. Ensuite, les policiers ont trempé son pouce dans l'encre et ont, ainsi, paraphé la déposition selon laquelle Maher Manaï avoue son crime. Le procès a également été, pour le moins, bâclé. A l'heure du crime, Maher Manaï était dans un café avec une bande d'amis. Le juge n'a pas jugé opportun de citer à comparaitre ces personnes qui auraient pu innocenter Maher. Pire encore, sept témoins à charge sont apparus dans l'enquête et ont ruiné l'alibi de l'accusé. Au final, Maher a été condamné à la peine capitale. En février 2012, un certain Badreddine S. a été transféré de Sfax à la prison de la Mornaguia, là où Maher Manaï est incarcéré. Sous l'emprise d'un médicament puissant, Badreddine s'est vanté d'avoir été complice d'un meurtre à Sfax et du fait que la police n'y a vu que du feu en arrêtant un innocent. Cet innocent est Maher ManaÏ. Cynique ou avisé, le destin a fait que le codétenu de Maher soit l'un des vrais coupables. La brigade de recherches de l'Aouina s'est saisie de l'affaire et Badreddine S. a confirmé ses aveux. Il a même évoqué deux autres complices qui auraient perpétré le meurtre avec lui. La brigade a donc émis des convocations à leur encontre et les malfaiteurs ne se sont toujours pas présentés. L'affaire s'est arrêtée à ce moment là et Maher Manaï, pourtant innocent, croupit toujours en prison.
Monsieur le ministre, L'un des principaux fondements de la justice est la doctrine selon laquelle 10 coupables en liberté valent mieux qu'un innocent en prison. Parmi les chantiers que vous allez devoir entamer il y a celui du rétablissement de la confiance des citoyens en leur justice. Mais comment voulez vous qu'une telle confiance voie le jour alors qu'une telle injustice continue ? Si rien n'est fait, Maher Manaï ne pourra être libéré qu'en 2023. L'Etat aura ainsi volé 19 ans de la vie d'un jeune homme trentenaire. Maher n'est pas un ange, il a déjà été en prison avant tout cela. Mais ce n'est pas non plus un assassin et la justice ne peut le punir pour un crime qu'il n'a pas commis. Joseph Joubert disait « La justice est le droit du plus faible », Maher Manaï fait partie de ces faibles-là. Il n'a pas d'amis influents, il n'a pas de connaissances bien placées, il n'a pas d'argent. Je vous laisse imaginer sa détresse en prison, je vous laisse imaginer dans quel état peut se trouver un homme incarcéré pour un crime qu'il n'a pas commis. Monsieur le ministre, Les dossiers doivent s'amonceler sur votre bureau. Les réformes et les mesures à prendre en faveur de la justice tunisienne sont urgentes et vitales pour l'avenir du pays. Sans justice, il n'y a ni développement ni progrès. Pourtant, cette même justice maintient en prison un homme innocent. Au nom de Maher Manaï, de ses parents et de toutes les personnes qui tentent de le faire libérer, je vous prie, monsieur le ministre, d'accorder toute votre attention à ce sujet. Il est intolérable, dans un pays qui prétend à la démocratie, de maintenir un homme innocent en prison. Pour le bien de Maher Manaï, pour le bien de la justice et pour l'intérêt national, faites quelque chose pour cet innocent.