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L'affaire Maher Manaï : un innocent dans le couloir de la mort
Publié dans Business News le 30 - 05 - 2013


Enquête de Samy Ghorbal et Olfa Riahi
Les rubriques Une d'aujourd'hui et de demain, auront , à titre exceptionnel, pour auteurs, nos confrères Samy Ghorbal et Olfa Riahi qui, pour les besoins de leur livre « Le Syndrome de Siliana – Pourquoi faut-il abolir la peine de mort en Tunisie ? » coécrit avec Héla Ammar et Hayet Ouertani, ont effectué une enquête inédite sur les prisonniers condamnés à mort en Tunisie, leurs conditions de détention, les péripéties qui les ont menés à ce triste sort et les éventuelles bavures pouvant entraîner la condamnation à mort d'innocents, parfois.
C'est le cas de Maher Manaï, condamné à mort en 2004 pour assassinat. Il se trouve que le véritable assassin a avoué et donné les preuves de son crime depuis plus d'un an. Malgré cela, Maher Manaï est encore dans le couloir de la mort… Récit.
Maher Sassi Ali Manaï a 31 ans. Il a passé le tiers de sa vie en prison. Pour rien. Son destin a basculé le 6 septembre 2003, quand il est arrêté par les policiers de la brigade de Sakiet Ezzit, à Sfax. Un homicide vient d'être commis dans son quartier. On le frappe, on le bat, on l'asperge de gaz, on lui fait signer de force des aveux. Il est déféré devant un juge. L'instruction est bâclée. En décembre 2004, au terme d'un procès entaché d'irrégularités flagrantes, le verdict tombe, comme un couperet : il est condamné à mort.
Février 2012 : un dénommé Badreddine S., petit délinquant comme il en existe des milliers, est transféré de la prison de Sfax à celle de la Mornaguia, à Tunis. Pour se donner du courage, il avale un comprimé d'Artane, puissant psychotrope aux effets désinhibiteurs. Badreddine veut impressionner ses codétenus. Il se vante et raconte à qui veut l'entendre que les policiers sont des idiots, que les petits larcins qui lui valent ce séjour en prison ne sont rien en comparaison avec ce qu'il a pu faire dix ans auparavant. Il a été complice d'un meurtre, à Sfax. Un meurtre pour lequel « un pauvre type », un coiffeur du Kef, a été arrêté et condamné à mort…
En l'entendant, Maher Manaï se fige. Il se reconnaît dans la description. Son sang ne fait qu'un tour : le destin vient de placer sur son chemin un des responsables de son malheur ! Il se rue sur S. et commence à le frapper. Alertés par le vacarme, les gardiens font irruption dans la chambrée, et séparent les deux hommes. Manaï alerte ses parents, retournés vivre dans le gouvernorat du Kef. Sa famille mandate un avocat, M° Faouzi Laâbidi, qui dépose plainte, le 24 mars 2012, auprès du procureur de la République près le Tribunal de première instance de la Manouba, pour demander la réouverture d'une enquête. L'affaire est confiée à la brigade de recherche d'El Aouina, qui fait procéder à des auditions. Badreddine S., qui a retrouvé ses esprits, confirme ses aveux et désigne un dénommé Boulbaba S. comme l'auteur véritable du crime. Sa déposition est consignée dans un procès verbal récapitulatif, daté du 28 août 2012.
Ensuite ? Plus rien. Les policiers ont émis des convocations infructueuses. Boulbaba S. et son complice Zouhair ne se sont évidemment pas présentés. Du coup, le dossier est bloqué. En dépit des témoignages qui établissent son innocence, Maher Manaï est toujours en prison et désespère d'en sortir un jour. Oublié de tous, il risque d'y moisir pendant encore de longues années. Le 14 janvier 2012, soit quelques semaines avant l'incroyable rebondissement que nous venons de décrire, sa peine avait été commuée en peine de réclusion à perpétuité. Mais, pour lui, cela ne change absolument rien : si rien n'est fait, il n'est pas libérable avant 2023.
C'est en visitant la prison de la Mornaguia, en compagnie de nos collègues Héla Ammar (juriste et photographe) et Hayet Ouertani (psychologue), pour les besoins d'une enquête sur la peine de mort que nous réalisions pour l'association ECPM (Ensemble Contre la Peine de Mort) que nous avons entendu parler du cas Maher Manaï. Il était connu de l'ensemble de ses codétenus et d'une bonne partie du personnel de la prison. C'était le 12 décembre 2012. Nous avons demandé à le voir pour recueillir son témoignage. Nous lui avons consacré un chapitre édifiant de notre livre Le Syndrome de Siliana (Cérès éditions, mai 2013). Le cas Maher Manaï est exemplaire des dysfonctionnements, des aberrations et de l'arbitraire du système judiciaire tunisien. Aucune des garanties procédurales prévues par la loi n'a été respectée dans son affaire. Le principe de la présomption d'innocence a été foulé aux pieds, pendant l'interrogatoire, pendant l'instruction, orientée par une enquête falsifiée, et pendant le procès, où la voix des accusés est rarement prise en considération.
Maher Manaï était connu de la justice et avait des antécédents : une condamnation à six mois de prison, pour violences. Il pense avoir été victime d'une machination ourdie par vengeance : « Mon frère avait eu des ennuis avec la police, car il s'était disputé avec un chef de poste et l'avait frappé. On m'avait arrêté en sa compagnie et conduit dans les locaux de la brigade de Sakiet Ezzit. Là, les policiers m'ont infligé un tabassage en règle. Cet épisode m'a traumatisé et révolté. C'est à ce moment que mes problèmes ont commencé. Une fois libéré, dès que j'en avais l'occasion, je me querellais avec eux, je les frappais, par bravade, avant de m'enfuir... »
Il se trouvait avec des amis au café à 19 heures, le 6 septembre 2003, à l'heure du crime. Il n'en est sorti qu'à 19 heures 30, pour rentrer chez lui directement. C'est là qu'il a été interpellé, un peu plus d'une heure plus tard. « Ils se sont jetés sur moi, en me frappant et en vociférant, sans aucune explication. Comme j'avais de mauvais rapports avec eux, j'ai pensé qu'ils s'ennuyaient et qu'ils voulaient me donner une leçon. Les coups et les cris n'ont pas cessé pendant ma garde à vue et c'est bien plus tard que j'ai compris qu'ils m'avaient arrêté parce qu'un homme avait été tué dans une maison proche du café où j'avais mes habitudes. Et qu'on voulait me faire porter le chapeau. Les policiers m'ont tendu une feuille, où étaient consignés mes aveux. J'ai refusé de signer. Les coups ont redoublé ». Suspect présumé coupable, Manaï a affronté un véritable déchaînement de violences : les insultes, les coups de poings, les coups de matraques, les chocs électriques, les gaz lacrymogènes. On lui a brisé les doigts. Comme il s'obstinait à ne pas signer, on l'a menotté et lui a trempé le pouce dans une bouteille d'encre, de manière à imprimer son empreinte digitale sur sa déposition…
Pendant son procès, en 2004, le juge qui présidait les débats n'a ni voulu entendre ses dénégations, ni tenir compte de son alibi. Aucun de ses témoins n'a été cité à comparaître. Il fait appel. C'est encore pire. Il raconte : « L'accusation a fabriqué des preuves pour m'accabler. À l'audience, sept soi-disant témoins oculaires se sont manifestés. Je ne les avais jamais vus auparavant. Ils ont ruiné mon alibi. Le système a voulu me broyer ».
La justice tunisienne est une justice à deux vitesses. Par bien des aspects, elle s'apparente à une justice de classe. Les plus aisés sont relativement protégés par leur statut social. Ils peuvent compter sur leurs familles et leurs relations. Ils peuvent s'adjoindre les services de défenseurs réputés, et, au besoin, s'acheter des indulgences. A l'inverse, l'écrasante majorité des condamnés à mort sont d'extraction modeste. Peu ou pas instruits, ils ne connaissent pas leurs droits, ne comprennent rien au fonctionnement de la justice, qu'ils subissent avec un mélange de fatalisme et de résignation. Accommodante avec les forts, la justice ne prend pas de gants avec les zawalis. Combien d'autres Maher Manaï croupissent dans les prisons tunisiennes et ont été condamnés à mort ou à perpétuité ? Impossible à dire. Les recours en révision sont extrêmement rares, et aucune indication sur leur taux de réussite ne nous a été communiquée.
Beaucoup de condamnés que nous avons rencontrés pendant l'écriture de ce livre ont affirmé leur innocence avec une véhémence qui interpelle. Tous ont dit avoir écrit à plusieurs reprises aux autorités pour les alerter sur leur cas. En vain. Or, il est bon de rappeler que, jusqu'à une date récente - mars 2011 -, les condamnés à mort étaient totalement coupés du monde extérieur et avaient pour unique interlocuteur la direction de la prison. Or, l'administration pénitentiaire a une fâcheuse tendance à considérer systématiquement les détenus comme des menteurs ou des affabulateurs. La commutation des peines et le rétablissement du droit de visite ouvre théoriquement la possibilité d'une multiplication des recours en révision. Mais encore faut-il que les ex-condamnés à mort soient restés en contact avec leurs familles et que celles-ci disposent d'un minimum de moyens pour s'adjoindre les services d'un avocat tenace. La réunion de nouvelles preuves, cinq, dix, quinze ou vingt ans après les faits n'est évidemment pas chose aisée. Aussi, il y a tout lieu de craindre que l'injustice ne se perpétue encore longtemps pour ceux qui ont été condamnés par erreur…
(*) « Le Syndrome de Siliana – Pourquoi faut-il abolir la peine de mort en Tunisie ? », par Samy Ghorbal (dir.), Héla Ammar, Hayet Ouertani et Olfa Riahi, Cérès éditions, mai 2013.
Une séance de dédicace, en présence des auteurs, sera organisée le samedi 1er juin à la librairie El Moez, à Tunis.
Fac-similé d'une lettre écrite par Maher dans sa cellule en prison et envoyée à ses parents après l'avoir cousue à un linge sale pour pouvoir la faire passer à l'insu des gardiens.
Un dessin représentant la mère de Maher qu'il a exécuté alors qu'il était en prison


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