Plus de quatre mois après son investiture au Palais de Carthage en tant que président de la République, Béji Caïd Essebsi a accordé ce soir du vendredi 8 mai 2015 sa première grande interview à un média tunisien, en l'occurrence la chaîne de télévision Al Hiwar ettounsi, et ce dans le cadre d'une émission spéciale du « Huitième Jour »animée par Hamza Belloumi, Sofiène Ben Hamida et Mohamed Boughalleb. Prié de donner son avis sur les propos d'Adnane Manser quant à «la vacance du poste de la présidence de la République », il a commencé par dire que « ce monsieur pêche en eau trouble » avant d'affirmer « Et puis, je ne lui répondrai pas ».
Réitérant qu'il est le président de tous les Tunisiens et qu'il s'occupe des dossiers de la politique étrangère et de la sécurité nationale, BCE a eu à traiter de la crise sévissant dans le secteur des phosphates. « C'est une question de sûreté nationale, j'ai déjà examiné la situation avec le chef du gouvernement, et la situation sera réglée dans une dizaine de jours au maximum », a-t-il indiqué en substance avant de préciser qu'il s'intéresse aux différents dossiers de son ressort, d'une manière progressive dans le sens où il a été élu pour cinq ans, et qu'il a le temps pour concrétiser ses promesses, sans que cela ne s'éternise.
Questionné sur ses émoluments, Béji Caïd Essebsi a déclaré que contrairement à ce que prétendent certains, il ne touche pas un salaire mirobolant. « Je viens de percevoir mon premier salaire qui est de 20760 dinars tout en assurant qu'il était en faveur de la réduction des salaires des hauts responsables y compris le sien.
S'attaquant, ensuite, à la politique étrangère proprement dite, M. Caïd Essebsi a commencé par la Libye. « La situation dans ce pays voisin est très compliquée. Et en tant que premier pays intéressé par ce qui s'y passe, nous sommes tenus de ne pas nous mettre sur le dos aucune des deux parties au pouvoir », a-t-il affirmé. « Concernant l'affaire de Sofiène Chourabi et de Nadhir Ketari, on ne peut pas faire plus que ce qui a été fait jusqu'à présent », a-t-il martelé.
Pour la Syrie, il a assuré que l'erreur a été déjà commise avec le renvoi d'un ambassadeur qui n'était pas présent chez nous. Or, il n'est pas dans l'intérêt de la Tunisie de le recevoir de nouveau dans l'état actuel des choses.
Evoquant les relations avec les Etats-Unis d'Amérique où il doit se rendre prochainement, BCE a tenu à affirmer qu'il s'agit d'un pays ami de la Tunisie et qu'Obama s'est intéressé à la situation dans notre pays depuis 2011, un intérêt qu'il a réaffirmé une nouvelle fois, ces derniers temps.
Passant à l'évaluation de l'action gouvernementale, le président de la République a estimé que le gouvernement a accompli son devoir et il est apte à résister longtemps, mais tout remaniement ministériel reste du ressort du chef du gouvernement.
A propos de ses relations avec Nidaa Tounès, Béji Caïd Essebsi a indiqué qu'il n'appartient plus à ce mouvement dont les dirigeants ont des difficultés à s'adapter à la nouvelle situation. Dans le même ordre d'idées, il a évoqué les bruits concernant le potentiel poste de Mohsen Marzouk à Nidaa Tounès. « Si M. Marzouk veut devenir le secrétaire général de Nidaa, il devra quitter le Palais présidentiel », a-t-il tranché.
A la dernière partie de l'interview, le président de la République a eu à répondre à plusieurs questions assez pointues. A propos des accusations quant à d'éventuelles ingérences dans le travail des médias, notamment ceux publics, BCE a démenti formellement ces allégations. « Donnez-moi des cas et des noms précis et je remettrai les pendules à l'heure immédiatement, car il est facile de parler en l'air », a-t-il indiqué.
Pour une éventuelle venue d'Al Qardhaoui en Tunisie, le président de la République a été formel : « Non, je dirai non à sa visite dans notre pays, car il sera nuisible à la Tunisie ».
Quant à l'affaire de l'hôtesse de l'air empêchée d'exercer son métier à cause de son port du voile, BCE a affirmé qu'il ne faut pas opter pour les attitudes extrêmes, ni dans un sens ni dans l'autre. Si la nature de son travail lui permet de s'acquitter de sa mission malgré le voile, pourquoi pas… ».
Et pour terminer, il a réitéré d'une manière claire et ferme qu'il respecte et respectera la liberté de la presse sans laquelle il ne peut y avoir de démocratie. Tous les journalistes peuvent parler et écrire librement. Ils ont la liberté, de proposer, d'analyser, de commenter, de critiquer et même de nuire ».