« Marzouki n'est pas le méchant de l'histoire ». Ces mots ne sont pas de moi, mais de l'élue du Courant démocratique Samia Abbou qui, face aux insanités débitées par Moncef Marzouki, a tout de suite affirmé que la vidéo de ses insultes est un « fake ». « Ces propos sont dangereux et ne peuvent donc avoir été proférés par l'ancien président de la République », dit-elle. Si Abbou parle de la partie où l'exemple syrien a été sorti de son contexte, alors ce qu'elle dit est vrai. Il y a en effet, eu montage. Un honteux montage, il faut l'avouer. Mais il est ridicule de croire que Marzouki est très peu habitué des discours diviseurs et des propos haineux. Ce n'est pas lui qui a traité les laïcs d'extrémistes en appelant à leur dresser des potences en 2013. Non ce n'est pas lui qui a profité de ses apparitions dans les médias étrangers, et surtout arabes, pour dénigrer ses adversaires politiques, au risque même de discréditer la transition démocratique en Tunisie. Non Marzouki n'a jamais rien dit de tout cela. Il n'a jamais rien dit de dangereux.
Dans son dernier discours à Doha, diffusé comme d'habitude sur la chaîne Al Jazeera, Marzouki à peine la tête sortie du bourbier dans lequel il s'est engouffré depuis les élections, a réaffuté ses armes. Une bataille reste encore de mise selon lui. Dans sa tête, la Tunisie a toujours été divisée entre les révolutionnaires et les contre-révolutionnaires, entre les démocrates et les autocrates, entre le peuple et les bourgeois, et aujourd'hui, entre les idiots et les intelligents. Et bien sur, cela va sans dire, Moncef Marzouki se place du côté des intelligents. Il est en effet très intelligent pour un homme politique et un ancien président de traiter les Tunisiens d'idiots et de les menacer de voir des potences dressées contre eux. Il est intelligent de critiquer ses adversaires qui « tentent par tous les moyens de rester au pouvoir, quitte à le faire par la voie de la démocratie ». Il est intelligent de revenir sur son dernier échec en jouant les mauvais perdants et en accablant l'adversaire de toutes sortes de maux : tricheries, argent sale, médias corrompus, etc. Il est tout aussi intelligent de prendre comme exemple une phrase célèbre de la révolte syrienne : « nous nous débarrasserons de vous par tous les moyens, quitte à brûler le pays », pour évoquer la ténacité des peuples de se débarrasser des anciens régimes. Cet ancien régime contre lequel il se bat encore aujourd'hui, par tous les moyens.
Dans ce discours, Marzouki a commis la bourde de trop. En tant qu'ancien président de la République, qui s'est momentanément retiré de la politique pour préparer son « grand » retour, il se devait de respecter son devoir de réserve. Il se devait de faire peau neuve, non de ménager ses adversaires, mais de ménager ses ardeurs, sa colère et sa rancœur, nettement perceptibles dans son discours. Il se devait de s'élever au-dessus des règlements de compte minables. A cette ultime épreuve avant son « grand » retour, Marzouki s'est planté.
Mais ses partisans continuent à le défendre sans se soucier du ridicule. Ils ne trouvent pas mieux que de prétendre que ces propos ont été sortis de leur contexte, ou que la vidéo n'est qu'un montage. En réalité, ces propos sont trop dangereux pour être vrais, mais ils le sont malheureusement. Samia Abbou devrait être la première à le savoir. Samia Abbou devrait arrêter de se couvrir de ridicule pour défendre son ancien poulain. N'est-ce pas Mohamed Abbou, président de son parti et son époux dans la vie, qui a appelé lui-aussi à pendre tous ceux qui sortiraient manifester pour la chute du régime de la Troïka ? Régime dont il faisait partie à l'époque.
Marzouki a traité ses adversaires d'idiots en disant : « Lorsque vous refusez la chance historique d'assurer une transition pacifique qui profitera à tous et que vous préférez continuer sur le même schéma, vous commettez une idiotie historique ». Mais n'est-ce pas cette même idiotie historique que vient de commettre Moncef Marzouki ?