L'été pointe son nez et le ramadan le précède. Dans notre culture, tuniso-tunisienne, les familles préparent sérieusement cette période avec le (gros) budget conséquent. Elèves et étudiants préparent, quant à eux, leurs examens après une année scolaire et universitaire assez mouvementée. La période est, pour ainsi dire, assez calme et on est loin des tensions d'il y a quelque temps, notamment les années noires 2012 et 2013. En théorie, une période calme est propice pour booster les troupes, travailler davantage et récupérer le temps perdu. Mais il faut définir d'abord « le temps perdu » et la signification du mot « travail ». Pour les uns, cela veut dire « production » et « croissance ». Pour d'autres, cela veut dire « destruction » et « pousse-toi que je m'y mette ». C'est à cette dernière caste qu'appartiennent les trois à quatre mille manifestants sortis, samedi dernier, crier « Où est le pétrole », « Ouvre le dossier », « A bas la corruption ». Les meneurs de ces manifestants sont connus et représentent le CPR et ses satellites officiels et officieux, comme Attayar, les LPR, Al Harak, Wafa… En bref, tous ceux qui se réclament d'être les « vrais défenseurs de la révolution ».
L'étincelle de ce nouveau mouvement est partie d'Attayar qui prétend combattre la corruption. Un thème qui s'apparente plus à un juteux fonds de commerce qu'à une sincérité réelle de combattre ce fléau. Ouvrir les dossiers de la corruption, et ils existent, peut être ce qu'il y a de plus important pour sauver le pays. Mais quand cela vient d'Attayar, il y a anguille sous roche. Ce parti exploite des problématiques nationales importantes et réelles pour semer le trouble et discréditer tous ceux qui s'opposent à lui. Cela est légitime, sur le fond, mais ce qui est illégitime pour les dirigeants d'Attayar, c'est qu'il mène le public en bateau. Je m'explique. Attayar demande bruyamment d'ouvrir les dossiers du pétrole, mais sans présenter une quelconque étude ou expérience sérieuse prouvant un dysfonctionnement dans l'exploration et l'exploitation pétrolières. Il a certes, organisé une conférence et présenté quelques chiffres pour étayer ses propos, mais au vu du contenu, cela s'apparente à un écran de fumée et non à une véritable étude scientifique convaincante. Attayar parle de transparence, mais n'a toujours pas publié ses comptes de la dernière campagne électorale, ni son bilan 2014 et encore moins ses comptes du premier trimestre 2015. Selon l'article 87 du code électoral, les partis se doivent de rendre publics leurs comptes de campagnes dans un délai de deux mois après la proclamation des résultats. Attayar l'a-t-il fait ? Pas à ce que je sache et que l'on me corrige si je me trompe. Les autres partis non plus, mais les autres partis ne font pas de « la transparence » et de « la probité » leur fonds de commerce. Attayar prône la démocratie, mais il était parmi les plus bruyants et les plus actifs à vouloir exclure ses opposants politiques des dernières élections. Attayar prône la justice, mais sa députée se cache toujours derrière son immunité parlementaire pour ne pas se présenter devant le juge. Attayar prône la liberté d'expression, mais ses hauts cadres ne cessent d'injurier les médias qui ne partagent pas leurs opinions. Et les injures atteignent, parfois, un odieux niveau de bassesse.
Le jour où Attayar deviendra exemplaire dans son comportement avec les autres pans de la société et dans son respect de la loi et de la liberté d'expression des médias, ce jour-là on pourra l'écouter et le respecter. Mais tant qu'il sera adepte du « faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais », sa crédibilité demeure proche du zéro. Oui, Attayar a raison de dire qu'il faut ouvrir les dossiers. Mais ce n'est pas à lui de dire lesquels et encore moins de dicter l'agenda de leur ouverture. Qu'il balaie devant sa porte d'abord. En espérant, dans la foulée, qu'il n'ait pas perdu le registre de ses comptes.
Les autres « meneurs » de la campagne «Où est le pétrole » ne sont pas plus crédibles qu'Attayar. On trouve pêle-mêle des petits voyous, ex-prisonniers de droit commun, comme Yassine Ayari et Imed Deghij, ou encore, l'avocat Cherif Jebali. On ne sait toujours pas ce que ces derniers ont donné au pays, mais ils n'ont jamais cessé de réclamer au pays qu'il leur donne tout.
Tiens, par exemple, quelles sont les ressources financières de Deghij ? Paie-il son impôt comme tout le monde ? J'en doute ! Et Ayari ? Quelqu'un a-t-il vu les comptes de son association « Sawaed » ? J'en doute ! Et l'autre Chérif Jebali, qui traine plusieurs affaires en justice, suite à des plaintes d'abus de confiance de ses clients. Paie-t-il tout son dû à l'Etat ? Passons, ce ne sont que des voyous. Des marionnettes entre les mains de leur maître. Et leur maître s'appelle Moncef Marzouki. Quand il y a un trouble dans le pays, celui-là est rarement loin. Tout le monde aura remarqué que toute cette campagne est née quelques jours seulement après le fameux et fumeux discours de Doha de Marzouki. Un discours où le « droit de l'hommiste » a encore une fois parlé de potences et de terres brûlées. Et tout le monde sait que le Qatar lorgne quelques contrats pétroliers en Tunisie à la place des entreprises (essentiellement européennes) déjà installées. Passons aussi, ce que j'écris risque de s'apparenter à un procès d'intention, je vais me tenir aux faits.
Les faits. Vendredi, tard le soir, Moncef Marzouki pond un article sur FB dans lequel il encourage les promoteurs de la campagne « Où est le pétrole » à descendre dans la rue et réclamer leurs « droits ». J'ai lu l'article et ses contrevérités éclatent aux yeux. Mais ses marionnettes refusent de les voir, bien qu'il y en ait un lot. Je dépasse l'événement en lui-même, j'ai déjà dit que la cause était juste, mais le hic est en ceux qui la promeuvent. Moncef Marzouki était à la tête de l'Etat durant trois ans et connait parfaitement les ressources réelles du pays. Il aurait pu présenter une étude, une expertise, un quelconque document fiable pour étayer ses propos sur la réalité pétrolière en Tunisie. Il ne l'a jamais fait et il ne le fera jamais, car la réalité ne diffère pas, d'un iota, de ce qu'ont déclaré les officiels de l'Etap et du ministère de l'Industrie. Il se défend pour dire qu'il n'avait pas en charge les affaires économiques, alors que l'Institut des études stratégiques était sous sa tutelle et était dirigé par un des dirigeants de son parti.
En tant que leader politique, Moncef Marzouki se doit de rappeler aux citoyens et notamment ses adeptes, le devoir de chaque citoyen envers son pays. Mais il n'a pas dit un mot sur cela. Le mot « devoir » ne figure pas dans son dictionnaire. Pire, le mot « travail » n'existe pas dans son dictionnaire et il n'a pas dit un mot sur la nécessité de travailler et produire. L'ancien président parle de fraude électorale, comme pour dire que les actuels gouvernants ne sont pas légitimes. Qu'ils sont des escrocs de la démocratie. Or l'instance indépendante des élections l'a épinglé, lui, en tant qu'auteur du plus grand nombre de fraudes dans les dernières élections.
Le meilleur du texte de Moncef Marzouki est dans cette phrase « mangez des sardines, elles sont bonnes pour la santé ». Il a de l'humour l'ancien président ! Ça me rappelle sa fameuse phrase « Jabeur Mejri est en prison pour sa sécurité ». Plutôt que de pousser les citoyens vers le mieux et vers l'excellence, Marzouki préfère rabaisser le niveau. C'est là l'essence même de la philosophie de Marzouki et c'est ce qui justifie tout son populisme. Un véritable dirigeant politique incarne l'admiration et non l'identification. Un véritable dirigeant fait rêver et ne cherche pas à ressembler à « tout un chacun ». Un véritable dirigeant se doit d'être extraordinaire et non « normal ». Un véritable dirigeant fait motiver son peuple pour le pousser à travailler et manger du thon, de la daurade et du mérou et ne les réconforte pas dans la culture de l'Etat-providence en leur demandant, entre-temps, de se contenter de sardines.
On sait que le « mangeur » de sardines n'est pas rassembleur, n'incarne pas la valeur travail et se soucie très peu des devoirs citoyens envers leur patrie. Mais même son « intelligence » supposée est sujette au scepticisme. D'un côté, il leur fait miroiter le rêve d'une rente pétrolière, et de l'autre il leur demande de manger des sardines. Même pas le tact de Marie-Antoinette quand elle a souhaité des brioches à son peuple !