L'ancien directeur général de Tuninter, Moncef Zouari, a été arrêté dimanche dernier à Vienne suite à un avis de recherche émis par Europol à la demande de la justice italienne. Il a été inculpé à 9 ans de prison ferme dans l'affaire du crash du vol 1153 Tuninter, survenu en août 2005 au large de la Sicile. Croupissant en prison depuis dimanche, il a été libéré sous caution ce jeudi, en attendant de comparaître devant le juge en vue de son extradition vers l'Italie. Le verdict avait suscité la polémique, considéré comme une première jamais enregistrée dans les annales de l'aviation civile. Retour sur une affaire qui risque de se finir mal pour un innocent, à moins qu'une mobilisation du coté tunisien s'organise.
Le 6 août 2005, le vol 1153 Tuninter faisait un amerrissage d'urgence, au large de la Sicile. Avant l'accident, l'appareil avait subi quatre inspections dont, la dernière, remonte au 25 mars 2005. Ces inspections n'avaient révélé aucun problème technique particulier. Le vol avait décollé de Bari à destination de Djerba, avec à son bord, quatre membres d'équipage tunisiens et 35 passagers de nationalité italienne.
Au cours du vol, les deux moteurs se sont mis à l'arrêt, obligeant l'équipage à contacter la tour de contrôle de l'aéroport de Palerme, demandant d'effectuer un atterrissage d'urgence. Toutefois, l'appareil n'a pas le temps d'atterrir et le commandant a entrepris une manœuvre d'amerrissage qui a contribué à la survie de plusieurs rescapés.
En heurtant la surface de la mer, l'avion s'était scindé en trois morceaux. Parmi les 39 personnes à bord, 16 sont mortes. Trois victimes n'ont pas été retrouvées. Parmi les survivants, 6 ont été retrouvés dans un état grave. Les 3 corps manquants sont remontés lors des opérations de récupération de l'épave, entre le 27 août et le 2 septembre.
L'enquête ouverte par la suite a révélé que, lors du vol précédent Tunis-Bari, l'avion se posa à Bari avec juste 305 kg de kérosène. Ce niveau aurait dû générer une alarme indiquant une quantité trop faible de carburant. Mais la jauge indiquait que les réservoirs de l'ATR72 contenaient encore 2300 kg de kérosène. L'équipage décida donc de n'ajouter que 265 kg de carburant supplémentaire pour aller à Djerba. Mais cela ne faisait, en réalité, que 570 kg de kérosène, ce qui est loin d'être suffisant, alors que la jauge indiquait 2700 kg. Par ailleurs, aucune alarme indiquant que le niveau de carburant était bas n'a retenti pendant le vol. La cause de cette défaillance est l'installation sur l'ATR72 d'une jauge prévue pour un avion plus petit : l'ATR42. Cette jauge non adaptée indiquait donc une quantité de carburant erronée. Sauf que le résultat de l'enquête n'a pas empêché le Tribunal de Palerme d'inculper les dirigeants de Tuninter, dont M. Zouari, à de lourdes peines, véritable précédent, alors que le constructeur franco-italien de l'appareil, avait été acquitté.
Le pilote et le copilote ont été condamnés à 10 ans de prison. Une condamnation considérée comme injuste à l'heure où les deux pilotes avaient réussi à sauver des passagers en dépit de la violence de l'accident. Au lendemain du prononcé du verdict, L'Association internationale des pilotes de ligne a dénoncé les lourdes peines de prison auxquelles ont été condamnés le pilote et le copilote de Tuninter, assurant qu' « Une fois de plus, l'obligation d'imputer les fautes l'emporte sur la nécessité encore plus impérieuse d'améliorer la sécurité du transport aérien». Les pilotes italiens ont de leur coté observé une grève de protestation en guise de soutien avec leurs confrères tunisiens de Tuninter.
Le directeur général de la compagnie aérienne et le directeur technique ont été condamnés, pour leur part, à 9 ans de prison chacun et deux responsables techniques se sont vus infliger 8 ans de prison. Se rendant à un séminaire à Vienne, Moncef Zouari s'est retrouvé arrêté et incarcéré par les autorités autrichiennes, en attendant d'être extradé en Italie. Libéré aujourd'hui sous caution, il sera déféré devant le procureur de la République qui devra statuer sur la demande italienne d'extradition, le 22 juin 2015.
Une chose est certaine, jamais dans l'histoire de la navigation aérienne, un dirigeant d'une compagnie aérienne n'a été condamné à une peine de prison après un crash, même si sa responsabilité aurait été prouvée. Ce n'est pas le cas de M. Zouari, qui se retrouve dans une situation inextricable, hors de son pays, alors que son état de santé est très fragile.
Il est indéniable que les autorités tunisiennes se doivent de se porter au secours de l'ancien directeur général de la compagnie nationale. Business News a contacté le ministère des Affaires étrangères pour en savoir plus sur les démarches entreprises par la diplomatie tunisienne auprès des autorités italiennes en faveur de M. Zouari. Nous attendons leur réponse. Mais ce que l'on sait, c'est que l'ambassade de Tunisie à Vienne, s'est mobilisée dès l'arrestation de Moncef Zouari.
L'iniquité du procès et le jugement sans précédent, renforcent le sentiment d'injustice, alors qu'un ancien haut responsable est menacé d'une incarcération de 9 ans. A Moncef Zouari, coupable malgré lui, l'Etat tunisien est tenu de le soutenir et d'intervenir en sa faveur.