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Le sauvetage des entreprises en difficulté sous la loupe des experts
Publié dans Business News le 08 - 07 - 2015

Depuis la révolution de plus en plus de sociétés se trouvent en difficulté et certaines sont obligées de mettre la clé sous la porte. Les raisons sont multiples : manque de liquidités, manque de financement, grèves à répétition que cela soit dans l'entreprise elle-même où dans les institutions et entreprises avec lesquelles elle coopère, lenteur administrative et au niveau des ports, baisse des commandes, etc. Ceci dit, pour ouvrir une société, l'Etat a mis un guichet unique à l'APII pour que l'entrepreneur soit aidé et pris en charge totale dans sa démarche, mais qu'en est-il pour les entreprises en difficulté. Où peuvent-elles trouver assistance ?

Le législateur a mis un cadre juridique des entreprises en difficulté, ce qui est communément appelé la loi n°95-34. L'amendement de cette loi est en cours et le ministère de la Justice a soumis un projet d'amendement à l'Assemblée des représentants du peuple depuis octobre 2013, qui sera prochainement discuté par la commission de la législation générale. Avant que cela se fasse, l'UTICA a réuni les différentes parties prenantes (chefs d'entreprises, les experts judiciaires, les avocats et magistrats, les experts comptables et les représentants des ministères concernés) pour prendre part à une table ronde tenue à ce sujet ce mardi 7 juillet 2015 à son siège à Tunis, et exprimer leurs avis.

A l'ouverture de cette table ronde Kamel Ben Yaghlene, membre du bureau exécutif de la Fédération nationale de la chimie (UTICA), a mis en relief l'importance de la mise en place d'une batterie de mesures pour aider les entreprises à surmonter les difficultés et à assurer leur survie, leur pérennité et leur durabilité.

Pour sa part, le premier vice-président de l'UTICA, Hichem Elloumi a souligné l'importance de déclarer l'Etat d'urgence pour l'économie : «Nous sommes dans l'urgence économique. Il faut protéger le tissu économique de la Tunisie. Il y a des secteurs sinistrés», a-t-il affirmé, notant que la majorité des investissements sont des extensions et non pas de nouveaux projets.
«Tout ce qui bloque l'économie, donc tout sabotage économique doit être puni : les autorités doivent criminaliser tout ce qui est obstruction du travail», a martelé M. Elloumi, ajoutant «tout ce qui affecte le pays doit être puni, c'est une responsabilité nationale».

Présentant le projet, le juge chercheur au Centre des études juridiques et judiciaires relevant du ministère de la Justice, Issam Yahyaoui, a rappelé que le Code du commerce prévoit une section qui concerne la faillite des entreprises. En 1995, le législateur a procédé à la promulgation d'une nouvelle loi 34-95 relative au redressement des entreprises en difficulté économique, dénotant de sa volonté d'aider les sociétés qui passent par des problèmes. Le hic, c'est que cette loi a posé des problèmes d'ordre pratique, d'où sa réforme à deux reprises en 1999 et en 2003. Depuis 2007, le ministère de la Justice a décidé la refonte de cette loi et une équipe a été chargée d'élaborer le projet de loi relatif aux procédures collectives, qui a été soumis au final à l'ANC le 21 octobre 2013, sous la référence 057/2013.

Ainsi, les grandes lignes de ce projet, selon M. Yahyaoui, sont, dans la forme, son intégration dans le Code du commerce, et sur le fond, un ensemble d'améliorations au niveau de la proclamation (la liste des personnes avertissant élargie), du règlement à l'amiable, du règlement judicaire ainsi qu'au niveau des appels et même de l'ordre de remboursement des créanciers, jusqu'à la déclaration de la faillite de l'entreprise. Les délais ont été très bien délimités alors que les procédures ont été simplifiées, pour qu'aucune partie ne soit lésée, note le magistrat. En outre, plus de pouvoirs ont été accordés au juge de l'affaire qui pourra, entre autre, réduire les intérêts de la dette. Par contre, l'échelonnement de la dette ne dépassera pas les 7 ans sauf accord entre les parties prenantes.

La nouvelle loi impose que la vente du patrimoine de la société ne se fasse qu'après l‘accord du magistrat outre le fait de permettre de transformer la dette en une capitalisation dans l'entreprise.
Pour la déclaration de la faillite concernant les entreprises qui ne peuvent pas être sauvées, les procédures ont été simplifiées et les délais écourtés, tout en vendant la société ou les unités de production si cela est possible. En ce qui se rapporte à l'ordre des créanciers, les caisses de l'Etat sont prioritaires mais pour le principal de la dette et non pas les intérêts et les employés devance la CNSS.

Autre point, les gérants de sociétés ayant fait faillite ne seront plus considérés comme des « pestiférés », qui n'ont plus le droit de retenter leur chance dans le monde des affaires et n'auront plus droit à des crédits bancaires.
Ceci dit Issam Yahyaoui pense que ce projet devra être complété par la mise en place de magistrats spécialisés dans ce genre d'affaire.

La première réaction à chaud de la présentation de ce projet de loi fut celle de Hichem Elloumi qui a estimé qu'il y a trop de remarques à faire à propos de ce projet et qu'il faudra plutôt retirer cette version du projet qui va causer du tort aux sociétés.


Le directeur général chargé de l'assistance aux entreprises au sein du ministère de l'Industrie, de l'Energie et des Mines, Sadik Bejja a voulu remettre ce projet dans son contexte, rappelant que la loi 34-95 est née pour aider à sauver les entreprises et non pour les mettre en faillite, ce qui clairement énoncé dans son article premier. D'ailleurs, le bilan montre que depuis 1995 et jusqu'à juin 2015, 2.767 entreprises sont passées sous le coup de cette loi, dont 1.084 ont trouvé un accord à l'amiable, 1.437 sont passées à un règlement judiciaire. 1.042 ont été sauvées et seulement 743 ont fait faillite (alors que 600 dossiers sont toujours en cours) pour un endettement total de 7.000 millions de dinars. Ainsi, selon ces statistiques 2 entreprises sur 3 sont sauvées, soit environ 60.000 emplois et un taux de 65% de réussite.

Pour lui, la loi34-95 souffrait de 4 lacunes majeures : le mécanisme de prévention était en panne, la période de règlement judiciaire durait pour certains dossiers des années causant un préjudice pour les créanciers, la discrimination entre les créanciers et l'absence de synergie entre les différents intervenants (entreprise, administrateur judicaire, le tribunal et la commission consultative).

L'ancien directeur au sein du ministère de l'Industrie, Mbarek Khameassi, a expliqué que la loi de sauvetage des entreprises est une loi délicate car ne pouvant réunir un consensus autour d'elle. D'ailleurs vu son importance, cette loi fait partie du premier lot de réforme imposées par la Banque mondiale, le FMI et la BERD. Il a souligné qu'il ne faut pas stigmatiser les chefs d'entreprises et leur faire des procès d'intention, notant que l'article 591 entre dans ce cas (une peine de 6 mois à 3 ans et une amande allant de 1.000 à 10.000 dinars) à tout chef d'entreprise qui n'informe pas le tribunal de ses difficultés. « Mais quel entrepreneur digne de ce nom n'a pas chaque mois un tas de problèmes à résoudre et comment un jeune promoteur sans expérience peut-il savoir qu'il est dans une mauvaise posture », s'est-il interrogé. Pour lui, il faut s'inspirer des exemples d'autres pays pour qu'on évite aux sociétés qu'elles se retrouvent dans l'impasse.

Pour le président de la commission économique au sein de l'UTICA, Nafaâ Ennaifer, ce qui manque au projet est la vision de personnes qui connaissent la réalité du terrain. Il a souligné la nécessité de mettre en place des Tribunaux de commerce, avec des magistrats spécialisés compétents. Il aussi noté que parfois les chefs d'entreprises ont des difficultés de trésorerie et ne sont pas en difficulté, trouvant aberrant que par exemple la CNSS informe des difficultés d'une entreprise car elle ne lui a pas payé un trimestre de cotisations. Pour lui, les banques commerciales sont incapables de suivre les entreprises et il faut que les banques de développement reprennent leur rôle d'accompagnateur de projets et d'entrepreneurs.

Farhat Toumi, avocat à la Cour de cassation, affirme que le problème en Tunisie c'est « qu'on ne dispose pas de structures intermédiaires, qui permettent d'aider les entreprises avant qu'elles atteignent le stade de la procédure judicaire. En contre partie, nos banques sont compétemment "out" ». Pour lui, il faut réfléchir à un modèle économique sur la base des statistiques, comme par exemple le cas de l'Allemagne qui impose que la banque fasse partie du conseil d'administration de la société pour qu'elle soit sensible au besoin de la société qu'elle finance. L'échec donc est partagé.
Autre point, le magistrat, formé à cet effet, devra avoir les pleins pouvoirs dans ce genre d'affaire, notamment en réduisant le principal de la dette ou en imposant un plan de sauvetage. En outre, il devrait y a voir des corps spécialisés, de magistrats, d'administrateurs judicaires et d'administrateurs de liquidation. Il a noté que malgré le fait que la loi prévoit des amendes pour les parties qui ne respectent pas le plan de sauvetage, la loi n'a jamais été appliquée avec toutes les infractions répétées, notamment par les banques.

Pour sa part, l'expert et administrateur judicaire Taoufik Mrad Rekik a mis en relief tous les efforts déployés par les magistrats, soulignant que leurs bras sont liés par les dispositifs de la loi, le manque de leur formation économique et le manque de temps. Il a fustigé les représentants du fisc et de la CNSS qui n'ont aucun pouvoir et qui sont incapables de prendre des décisions pour le compte de leurs employeurs, ce qui est une aberration en-soi. Il a, également, sévèrement critiqué les banques qui refusent les plans de sauvetage sans offrir une solution de rechange.

M. Rekik a réclamé la mise en place d'une loi réaliste dan son application. «Savez-vous qu'en tant qu'administrateur judicaire, je n'ai pas le droit de contracter un prêt pour le compte de la société que je gère. Comment pourrai-je assurer la continuité de la société et la pérennité des emplois, si j'ai les mains liées. Il faut que tous les partenaires de la société prennent part à son redressement : banques, STEG, SONEDE, etc. pour que l'opération puisse réussir», a-t-il expliqué.

Plusieurs entreprises ont témoigné de leur mésaventure, de leur déboire et des répercussions de cette loi. Certains ont évoqué qu'alors ils étaient en pleine discussion sur la plan de sauvetage de leur société, la banque ne s'est pas gênée pour saisir leur bien de garantie ou ceux de leurs garants. D'autres ont parlé de leur classification comme clients non solvables, les empêchant de revenir dans l'univers des affaires, et les traitant comme des « pestiférés ».

Le témoignage le plus sidérant fut celui d'un Italien, Franco Capelli venu en Tunisie pour créer son entreprise, un projet de 40 millions d'euros et qui est retenu de force en Tunisie depuis la révolution. En effet, lors de la révolution, le véhicule de la société a été incendié. Mais la douane n'a rien voulu savoir et lui a imposé une pénalité de 1 million de dinars. Bien que l'affaire a été réglée entre lui et la douane, le juge d'instruction du bureau 30 du Tribunal de première instance de Tunis le retient en Tunisie depuis 14 mois, sans motif raisonnable, sauf des soupçons infondés de corruption, alors que l'homme est malade : il a une tumeur et son traitement lui coûte 9.300 euros par mois. Mais sans compter sur la compassion du juge d'instruction qui persévère et refuse de lui rendre son passeport confisqué.

Prenant la parole, la magistrate au Centre des études juridiques et judiciaires, qui a pris part à l'élaboration du projet, Salma Abida, a expliqué qu'il est possible de modifier certains articles de la loi et qu'il suffit à l'UTICA d'envoyer un courrier officiel. Elle a expliqué que le but de cette nouvelle loi est d'avoir une meilleure lecture du texte et un regroupement des lois, tout en apportant une réponse aux lacunes de la loi 34-95 et en étant conscient de l'importance du projet de création des Tribunaux économiques. Un avis partagé par son collègue Issam Yahyaoui, qui a noté que le ministère de la Justice a voulu mettre en place une loi équilibré qui ne lèse aucune partie et qui fait porter la responsabilité à toutes les parties. Ila souligné qu'ils sont ouverts à toutes propositions concrètes.

La loi de sauvetage des sociétés en difficulté est très importante, notamment dans cette période délicate de l'histoire de notre pays, où les entreprises ont été fragilisées par les événements politiques majeurs ayant secoué le pays, par les revendications sociales et qui maintenant subissent les répercussions du terrorisme et ses ravages sur le pays. Aider le maximum d'entreprises sera le nouveau challenge du gouvernement si des solutions radicales ne sont pas vite trouvées pour le salut de notre économie.


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