Il y a quelques années, lorsqu'un banquier de la place avait osé mettre en doute l'efficacité d'une loi qui n'avait pas plus de quelques années d'âge, cela a fait grincer des dents, aussi bien chez les patrons que du côté de l'administration. La loi, relative au redressement des entreprises en difficultés économiques, date de 1995. Elle a eut un taux de réussite et sauvetage de pas moins de 51 % des entreprises candidates à la faillite et sauver par la même un grand nombre de postes d'emplois qui auraient pu être perdus pour l'économie du pays, si ce n'est la diligence des ministères de l'industrie et de la justice. Ensemble, ils ont contribué à la mise au point d'un système de sauvetage et de résolution, à l'amiable ou par décision de justice, de problèmes financiers de l'entreprise avant l'irrémédiable mise en faillite et liquidation. En huit ans d'existence, la loi a cependant finit par mettre à nu ses failles et montrer ses limites. L'exécutif en est conscient, qui a donné instruction, depuis janvier 2002, de réviser cette loi afin de colmater ses brèches et qu'elle serve les nobles principes pour lesquels elle a été mise au point. Pour y remédier, un projet de loi, modifiant la loi d'avril 95 est actuellement en commission chez les députés. L'exposé des motifs du projet de loi, fait d'entrée de jeu remarquer que « certaines entreprises ont essayé de profiter, indûment, des dispositions de cette loi et utilisé pour cela des procédures et des instruments divers, avec pour objectif de se soustraire à l'obligation de payer leurs dettes ». Et l'exposé de motifs d'ajouter que « l'abus dans l'utilisation de cette loi, a porté préjudice aux entreprises de crédits, comme les banques et les entreprises de leasing ». Cela semble les principaux reproches faits à la loi relative au redressement des entreprises en difficultés économiques et qui ont motivé sa révision. De nouvelles conditions et des précisions La première et la plus importante nouveauté qui serait introduite, concernerait les conditions d'éligibilité au bénéfice des prérogatives de cette loi. Le projet de loi comblerait ainsi un vide qui expliquait le « courroux » des banquiers. Dans son article 1er, la loi de 95 stipulait que « le régime de redressement tend essentiellement à aider les entreprises qui connaissent des difficultés économiques à poursuivre leurs activités, à maintenir les emplois et à payer leur dettes », sans autre forme de précision. C'est le projet de loi qui les apportera. Ce dernier exclurait en effet du bénéfice de la loi, d'abord les entreprises dont les difficultés ne l'y habilitent pas « et dont le but est de ne pas payer ses dettes », ainsi que celles dont les difficultés ont atteint un niveau qui rend leur sauvetage impossible. Et le projet de préciser à ce sujet que ceci concerne les entreprises en cessation complète d'activité pendant une période de plus d'une année. Les entreprises éligibles à l'intervention de l'administration pour leur sauvetage seraient donc désormais, « les entreprises dont les pertes ont atteint ou dépassé tous les fonds propres, les entreprises dont le cumul des pertes pendant 3 années a atteint les trois quarts des fonds propres ». Encore faut-il que tous ces indices ne rendent pas impossible son sauvetage, tant il est vrai que le coût de sauvetage de certaines entreprises peut être plus cher que la création d'une autre ! La seconde nouveauté, de taille celle-là, qu'apporterait ce projet de loi, serait la définition de la notion de cessation de paiement qui donnait jusqu'ici droit au parapluie de la commission de suivi des entreprises économiques, communément appelée « SOS entreprises ». L'article 8, de l'actuelle loi 95-34, précise que « peut bénéficier du règlement judiciaire, toute entreprise en état de cessation de paiement de ses dettes ». Cette définition serait révisée pour placer la notion de cessation de paiement, au-dessus des simples difficultés financières et au-dessous de la situation désespérée. Désormais, la cessation de paiement ne sera « valide » et donc prise en compte par la commission, que si elle signifie « insuffisance de tout ce qui est susceptible d'être transformé, immédiatement ou à court terme, en liquide (liquidité ou équivalent en moyens de paiement) pour payer les dettes et faire face aux engagements ». C'est alors que l'entreprise peut espérer être éligible à un règlement judiciaire. Tant qu'elle a de quoi payer, l'entreprise devra le faire et ne pourra pas de « cacher » sous l'ombrelle de SOS entreprises. Avec ces deux révisions, ne pourra plus s'appeler entreprise en difficultés économique et bénéficier de l'intervention des autorités, administratives et judiciaires, qui veut ! Responsabiliser actionnaires et auditeurs La troisième importante nouveauté qu'apporterait le projet de loi, on le rappelle encore en discussion à la chambre des députés, sera au niveau des mécanismes, des personnes et des structures en charge de donner l'alerte ou notification des signes précurseurs des difficultés. Jusqu'à présent, sur le papier, inspection du travail, CNSS, comptabilité publique et institutions financières sont chargé de tirer la sonnette d'alarme auprès de la commission de suivi des entreprises en difficultés. En amont, il y a aussi ladite commission outillée d'un observatoire qui centralise et analyse les données de ces entreprises dans le cadre d'un réseau informatique. En réalité, il n'y a pas encore d'observatoire et les données sont sur papier et non encore en réseau. Chacune des autres parties fait son travail, mais comme le précise l'exposé des motifs du projet de loi il y avait « refus des différentes parties d'honorer l'obligation, qui leur est faite par la loi, d'informer les parties concernées de l'existence d'entreprises en difficultés ». C'est pourquoi le projet de loi se propose d'allonger cette liste des obligés à la notification, en y ajoutant les actionnaires et tout participant au capital de ces entreprises, dès qu'elles commencent à être en difficultés. La responsabilisation atteint son point culminant pour l'auditeur de l'entreprise, qui pourrait désormais, selon le projet de loi, encourir une sanction pécuniaire en cas de non notification des prémisses de la détérioration de l'état de santé de l'entreprise. Comme nous l'avons maintes fois signifié, le projet est encore en discussion au sein des différentes commissions de la chambre des députés et certainement entre les différentes parties concernées. Nous y reviendrons donc, lorsque nous aurons plus d'infos surs les nouveautés qui seront introduites par cette loi.
Management & Nouvelles Technologies 20-10-2003 à 07:00