La condamnation à mort de l'ancien Premier ministre libyen, Baghdadi Mahmoudi, a sorti Hamadi Jebali d'une certaine torpeur. L'ancien chef du gouvernement a été accusé d'être à l'origine du sort néfaste qui attend Baghdadi Mahmoudi ce qui l'a obligé à se défendre et même à attaquer à son tour. Son parcours depuis qu'il a quitté la présidence du gouvernement est celui d'un homme à la recherche de revanche. L'extradition de Baghdadi Mahmoudi a eu lieu sous le gouvernement Jebali. A l'époque, cette extradition avait provoqué une crise entre les deux têtes de l'exécutif qui ne semblaient pas d'accord sur cette décision. Moncef Marzouki avait même pensé à démissionner. Il s'était « consolé » en virant Mustapha Kamel Nabli de la Banque centrale et en plaçant Chedly Ayari.
Plus tard, Hamadi Jebali et son gouvernement ont subi de plein fouet l'assassinat de Chokri Belaïd qui a finalement donné lieu à sa démission de la tête du gouvernement et son remplacement par Ali Laârayedh. Hamadi Jebali a payé cher sa proposition de mettre en place un gouvernement de technocrates loin des calculs politiques pour établir une certaine sérénité. Sa proposition n'a pas du tout plu à ses amis d'Ennahdha, parti au pouvoir, et ils le lui ont fait savoir. Par la suite, Hamadi Jebali, l'un des piliers d'Ennahdha, a été poussé à la porte du parti.
C'est là que commence la traversée du désert pour Hamadi Jebali. Après avoir démissionné de la présidence du gouvernement, il a vu ses responsabilités diminuer au sein du parti Ennahdha. Depuis lors, il reste à l'écart et se fait rare dans les médias. Ses publications Facebook deviennent très suivies car c'est le seul moyen qu'il ait choisi pour s'exprimer. Par la suite, sont arrivées les élections législatives et présidentielle. Hamadi Jebali a gardé son silence même si Ennahdha l'a ignoré.
En effet, le parti islamiste n'a pas jugé utile de placer Hamadi Jebali, pourtant encore membre du parti sur le papier, dans l'une de ses listes électorales, même pas à Sousse, son gouvernorat d'origine. Le jeune Zied Laâdheri lui a été préféré. Même s'il ne l'exprimera pas publiquement, le fait que le parti ait choisi d'ignorer Hamadi Jebali reste un camouflet.
Toutefois, cette période de traversée du désert semble être révolue et depuis quelques mois, Hamadi Jebali se fait de plus en plus entendre. Principalement à travers sa page Facebook mais aussi à travers des apparitions médiatiques qui deviennent de plus en plus fréquentes. L'affaire de la condamnation de Baghdadi Mahmoudi le fera apparaitre sur tous les fronts même s'il ne s'est pas privé de certaines révélations antérieurement. Par exemple, en janvier 2015, Hamadi Jebali disait que sa présidence du gouvernement a été une erreur. Plus tard, en avril de la même année, Hamadi Jebali déclare qu'il ne ferait partie ni d'Ennahdha, ni du mouvement créé par Moncef Marzouki. Il ajoute qu'il va créer « le front pour défendre les libertés » sans en donner des contours précis.
Aujourd'hui, Hamadi Jebali veut régler ses comptes et se défaire de toute responsabilité dans l'affaire Baghdadi Mahmoudi. Après avoir multiplié les interventions médiatiques pour expliquer ce qui c'était passé, sans grand succès, l'ancien chef du gouvernement a décidé de prendre les devants et de demander la tenue d'une séance plénière sur le sujet. Dans une demande adressée à Mohamed Ennaceur, président de l'ARP, Hamadi Jebali demande à ce que tous les intervenants dans cette affaire soient auditionnés et que le caractère confidentiel des documents la concernant soit levé. A ce jour, cette demande n'a reçu aucune réponse de la part de l'ARP.
L'ancien chef du gouvernement profite aussi de cette polémique pour annoncer certaines de ses intentions. Dans sa plus récente déclaration, Hamadi Jebali dit que la polémique qui le prend pour cible est ourdie par ceux qui redoutent « sa candidature à l'élection présidentielle ». Dans cette déclaration, Hamadi Jebali met sur le tapis sa candidature qui n'a pourtant été évoquée par personne dans cette polémique autour de la condamnation de Baghdadi Mahmoudi.
Implicitement, Hamadi Jebali annonce son intention de se présenter à la présidentielle. Son positionnement politique le lui permet dans le sens où il tentera de piocher dans les « mécontents » d'Ennahdha. C'est un terrain qu'il a déjà préparé de longue date en estimant, par exemple, que l'alliance avec Nidaa Tounes est une erreur. D'autres positions politiques tendent vers l'aile dure du parti islamiste dont plusieurs membres ont du mal à avaler la pilule Nidaa Tounes. Par exemple, Hamadi Jebali s'est montré intransigeant concernant les attaques visant le Qatar en prenant systématiquement la défense de l'émirat. Il s'est également indigné du traitement réservé à l'ancien président égyptien, Mohamed Morsi, ainsi que de l'arrestation en Allemagne du journaliste d'Al Jazeera, Ahmed Mansour.
En somme, Hamadi Jebali reste fidèle aux idées et aux principes qui ont prévalu lors de la première accession d'Ennahdha au pouvoir en 2011. Il balise le terrain en se montrant distant mais sans se faire oublier non plus. Il suit un cheminement comparable à celui de Moncef Marzouki : Annonce d'une obscure initiative, positions de principe martelées à tout va et une position de « défenseur » de la révolution. Naturellement, cette proximité de positionnement amènera les deux hommes, dont les ambitions ne sont pas un secret, à s'affronter. Cette confrontation est inévitable tant il est évident qu'ils vont tenter de piocher dans le même électorat.
Hamadi Jebali est une personnalité qui se cherche encore une place dans le paysage politique tunisien. Toutefois, il a une idée très claire de la place qu'il voudra occuper à l'horizon 2019. Si on ajoute Moncef Marzouki et probablement Mohsen Marzouk, la course à la présidence risque d'être haletante.