En l'absence de modèles adaptés, les économistes recourent à des études d'impact pour évaluer l'effet attendu d'une mesure ou d'un programme. Ils se basent le plus souvent sur des expériences antérieures menées par le pays ou par d'autres pays similaires. C'est notamment le cas de l'évaluation de l'impact d'une amnistie de change sur les réserves en devises. Evidemment le rendement d'une telle mesure dépend de facteurs objectifs (taux de prélèvement sur les capitaux rapatriés, possibilité de maintenir les sommes rapatriées dans des comptes en devises, possibilité d'utiliser librement les montants rapatriés, garantie du secret des informations) et d'éléments subjectifs (climat de confiance dans le pays).
Expériences menées dans ce domaine Plusieurs pays ont procédé à des opérations de ce type : Italie, France, Maroc notamment. La dernière en date est celle menée par le Maroc en 2014. Cette expérience récente peut valablement servir de référence pour l'évaluation du rendement de l'amnistie de change retenue par le projet de réconciliation économique et financière initié par le président de la République.
Non seulement la similitude avec ce pays est importante quant aux structures économiques et aux habitudes et comportements des opérateurs, mais encore plus les conditions telles qu'annoncées par l'amnistie proposée en Tunisie dans la loi sur la réconciliation économique et financière, se rapprochent de celles du Maroc notamment sur deux points :
- Confidentialité des déclarations et du rapatriement des avoirs. - Utilisation du produit de ces mesures pour financer des programmes en faveur de projets sociaux: au Maroc les produits ont alimenté le fonds dit de cohésion sociale ; en Tunisie le projet propose de les consacrer au développement des régions défavorisées.
Le rendement attendu de l'opération De l'avis de plusieurs observateurs, l'opération d'amnistie de change initiée par le Maroc en 2014 a connu un franc succès : 19000 personnes ont fait des déclarations dans le cadre de ce dispositif ce qui a rapporté 2.5 milliards d'Euros, soit quatre fois l'effet attendu, dont 1 milliard d'Euros a été décaissé. Le montant représente environ 4% du PIB marocain, 19% des exportations et 9% des importations.
Dans ce domaine la corrélation du rendement de cette mesure est plus forte avec le commerce extérieur, une grande partie des capitaux à l'étranger étant davantage liée aux opérations d'exportation (non rapatriement des produits d'exportations) ou d'importation (surfacturation des importations).
Sur la base de ces éléments comparatifs, une opération similaire menée dans les mêmes conditions pourrait ramener 594 millions de dinars si l'on se réfère au montant des exportations réalisées en Tunisie durant l'année 2014, et 405 millions de dinars si l'on se base sur le niveau des importations. Au vue de ces données, le rendement de 500 Millions de dinars est à la portée.
Evidemment, l'élément fondamental restera la confiance que les détenteurs de capitaux à l'étranger feront aux garanties données par la loi et la simplicité des procédures qui seraient poursuivies dans cette opération.
*Président de l'Association Tunisienne de Gouvernance (ATG)