Le groupe terroriste Daesh en Libye a annoncé la semaine dernière, l'exécution d'un citoyen tunisien soupçonné d'être un agent infiltré du colonel Hafter. Dans une vidéo macabre, diffusée par Daesh en Libye, le pauvre Tunisien est montré dans ses habits de condamné, balbutiant quelques phrases en guise d'aveux, pleurant de toutes ses larmes avant d'être envoyé à la mort. Salah Khadraoui, parce qu'il s'agit de lui, est un Tunisien d'une trentaine d'années. Il avait quitté son pays, comme des dizaines de milliers de ses compatriotes, bravant les difficultés et les risques à la recherche, pas d'un avenir, il n'y en a plus depuis longtemps, mais d'un revenu lui garantissant une subsistance. Parmi ces jeunes, certains ont dû affronter les pires exactions, d'autres le rapt et le kidnapping collectif. Lui, il a trouvé la mort. Peu importe si ce jeune homme avait travaillé pour ou contre le groupe terroriste Daesh. Ce qui importe c'est qu'il a été condamné à mort d'une manière sommaire, que personne dans son pays ne s'en est ému et que, paradoxalement, cette sentence dramatique, a été acceptée, de facto, par tous.
Depuis presque une semaine, on est resté à épier la moindre déclaration d'un représentant de l'Etat tunisien, d'un responsable de l'un de nos trop nombreux partis politiques, d'un membre de l'une des innombrables organisations des droits de l'Homme tunisiennes, d'un seul parmi tous ces avocats qui nous ont habitués à décrier la moindre exaction, la moindre infraction touchant leurs clients, de préférence riches, connus et médiatisés. Mais rien, sauf peut-être une petite clochette d'alarme tirée en vain par un journaliste isolé, notre confrère Jamel Arfaoui, n'est venu perturber ce silence assourdissant de notre honorable classe politique. Il ne s'agissait pas pourtant de défendre ce jeune tunisien dans un élan de nationalisme exacerbé. Il s'agissait de montrer que nous sommes un pays moderne attaché à des valeurs universelles des droits humains. Il suffisait d'affirmer que nous sommes contre tout jugement de l'un de nos concitoyens par des tribunaux d'exception qui ne sont pas sous le contrôle de l'Etat libyen. Il fallait exiger, comme le stipule les conventions internationales, un jugement équitable. Il fallait tout simplement condamner cet acte de barbarie et dénoncer cet assassinat. Malheureusement, ils ont tous préféré se taire, enfoncer leurs têtes dans le sable, faire semblant de ne rien voir, ne rien entendre. Il ne s'agissait en fin de compte que d'un jeune inconnu, un sans voix. Son assassinat n'a aucun enjeu tactique ou stratégique pour eux. Ce n'est qu'un gueux parmi les gueux qui a juste une famille qui le pleurera dans son coin et qui ne fera jamais son deuil parce qu'elle n'aura pas une dépouille à ensevelir.
Il n'y a pas longtemps, au temps de la Troïka comme au temps du gouvernement actuel, des terroristes libyens, condamnés par la justice tunisienne, ont été libérés en contre partie de la libération d'otages tunisiens détenus en Libye. Ce misérable jeune tunisien n'a pas eu cette chance. Il aurait mérité pourtant un communiqué de condamnation de la part du ministère des Affaires étrangères, une déclaration de la part du consul tunisien en Libye. Cela aurait envoyé un message rassurant à tous les autres Tunisiens coincés en Libye, otages de leurs situations. Sinon, à quoi sert une diplomatie ? A quoi sert un Etat s'il ne défend pas ses enfants ? Salah khadraoui a vécu dans l'anonymat. Il est mort dans l'indifférence. Pourtant, il n'était pas un ver de terre. Il était un être humain et un citoyen tunisien à part entière. Paix à son âme.