Une réunion d'urgence a eu lieu mercredi 18 novembre 2015 dans l'après midi entre les membres de la Fédération tunisienne des directeurs de journaux, le Syndicat national des journalistes et le syndicat de la Culture et de l'Information relevant de l'UGTT, afin de plancher sur les récentes ingérences du gouvernement dans le travail journalistique, à la suite de la décapitation du jeune Mabrouk Soltani. Les représentants des différentes organisations de la corporation journalistique étaient d'accord sur la nécessité de défendre la liberté de la presse, jugée actuellement menacée par le gouvernement.
Le communiqué publié la veille par le ministère de la Justice, faisant part d'une instruction judiciaire sur la base de la loi antiterroriste, à l'encontre des parties ayant diffusé les images de la tête du martyr, représente le dernier épisode de ces ingérences.
Les organisations réunies rappellent, dans un communiqué commun, que les journalistes ne sont pas au dessus de la loi, mais qu'il est impératif que ce soient les instances chargées du secteur qui évaluent et sanctionnent les erreurs professionnelles, sans ingérence du pouvoir judiciaire ou du gouvernement. « Lorsqu'il y a des abus des journalistes dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, et en ce qui concerne leur travail journalistique, ces abus doivent être sanctionnés sur la base du décret-loi 115 relatif à la presse, à l'exclusion de tout autre texte de loi », indique un communiqué commun appelant à ne pas faire immiscer le pouvoir judiciaire dans la bataille opposant le gouvernement aux médias.
Les organisations présentes rappellent également la nonchalance du gouvernement dans le traitement du dossier des médias, en dépit des différents appels de la corporation, en ce qui concerne les moyens alloués aux entreprises de presse. Moyens nécessaires à ces entreprises pour assurer les formations adéquates aux journalistes et la mise en place des mécanismes nécessaires pour le respect des règles professionnelles.
La Fédération tunisienne des directeurs de journaux, le syndicat national des journalistes et le syndicat de la Culture et de l'Information n'excluent pas d'adopter toute mesure légale, y compris la grève générale, pour s'assurer du respect de la liberté d'expression en Tunisie, un des acquis obtenus après la révolution.
L'affaire de Mabrouk Soltani a fait couler beaucoup d'encre depuis la décapitation, vendredi dernier, de ce jeune berger de 16 ans par des terroristes. Les autorités ont tardé à réagir pour contacter la famille de la victime, la recherche de sa dépouille et la récupération de la tête de la victime restée tout au long de la nuit du vendredi au samedi dans le réfrigérateur de la famille. Les médias ont rapidement relayé le scandale et dénoncé le retard pris par les autorités.
D'après des sources syndicales, certains représentants du gouvernement auraient mal accepté d'être si violemment critiqués sur la scène publique, d'où apparemment les réactions disproportionnées en cascade, contre les médias. Il y a eu notamment le limogeage du président de l'Etablissement de la Télévision puis l'annonce de l'ouverture d'une instruction judiciaire sur la base de la loi antiterroriste. D'après ces mêmes sources syndicales, on craint fortement que l'instruction en question touche les journalistes, leur hiérarchie, les monteurs, les techniciens, le vidéaste qui a filmé la scène, ainsi que les personnes qui ont partagé la scène sur les réseaux sociaux. La loi antiterroriste punit jusqu'à cinq ans ce type d'abus, alors qu'il s'agit d'une erreur professionnelle, commise par un rédacteur en chef, déjà limogé par sa direction.