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La politique de voisinage de l'Union européenne, un écran d'illusions ?
Publié dans Business News le 01 - 05 - 2016

La 19ème édition du Forum international de Réalités s'est tenue jeudi et vendredi, sous le thème « Enjeux et défis de la nouvelle politique de voisinage de l'Union Européenne».
Plusieurs intervenants ont ainsi débattu de la portée politique, économique mais aussi philosophique du voisinage nord-sud de la méditerranée, en mettant l'accent sur les relations d'amitié ancestrale qui unit l'Europe et le Maghreb. Au débat également, le contexte actuel tendu, tant en occident qu'au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, qui met désormais à mal cette amitié pourtant si chère aux deux parties.


Laura Baeza, chef de la Délégation européenne en Tunisie a souligné, lors de son mot d'ouverture, que l'Union européenne, sous l'égide de la Haute Représentante de l'Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, a engagé un cycle de consultations en mars 2015 « afin de mieux répondre aux exigences de la région ». Il a été clair que l'Union européenne devra développer une approche « plus flexible prenant en compte les spécificités de chaque partenaire dans un contexte géopolitique en pleine mutation et rendre ainsi plus opérationnelle et mieux adaptée la coopération» a-t-elle expliqué.

L'Union européenne peine à construire un discours digne de son histoire et de ses idéaux
Le président de l'Assemblée nationale française, Claude Bartolone, a indiqué, dans ce cadre, que l'UE peine à construire un discours cohérent, crédible, digne de son histoire et de ses idéaux, affirmant que plusieurs chefs d'Etats européens ont radicalisé leur position concernant les réfugiés faisant apparaitre un certain nombre de fractures européennes. « La méditerranée ne doit pas être un tombeau, la méditerranée est un berceau, le berceau de la civilisation de l'art, de la philosophie et de la liberté » a déclaré Claude Bartolone, ajoutant que l'Europe peine à voir en cette méditerranée une « mer intérieure » l'appréhendant plutôt comme une « barrière infranchissable ».
« La question des réfugiés est une question humaine à traiter mais doit aussi nous appeler à nous remettre en question les uns les autres. Si l'UE ne fait pas attention à ces divisions philosophiques qui apparaissent sur cette question, elle se reniera en oubliant que la construction européenne n'a jamais été depuis son origine un devoir de mathématiques, mais un devoir de philosophie » a-t-il souligné.

Eviter l'émergence de nouvelles lignes de divisions entre l'UE et ses voisins
La politique européenne de voisinage (PEV) a été mise en œuvre dans le cadre de l'élargissement de 2004 de l'UE, et vise à éviter l'émergence de nouvelles lignes de division entre l'UE élargie et ses voisins. L'UE offre à travers cette politique des relations privilégiées à ses voisins, basée sur un engagement mutuel aux valeurs communes (la démocratie et des droits de l'Homme, l'Etat de droit, la bonne gouvernance, les principes d'économie de marché et le développement durable). La PEV propose en plus des relations existantes, des relations politiques plus approfondies et une intégration économique. Ces documents sur mesure sont négociés avec chaque pays, et se basent sur les besoins et les capacités du pays, ainsi que sur leurs intérêts et ceux de l'UE. Ils définissent conjointement un ordre du jour des réformes politiques et économiques en fixant des priorités à court et à moyen terme (1-5 ans). En ce qui concerne les politiques du marché intérieur, les plans d'action prévoient des mesures visant à améliorer les systèmes réglementaires respectifs sur les questions telles que les droits de propriété industrielle et intellectuels, les services et les services financiers, les marchés publics, la libre circulation des capitaux, le droit d'établissement et le droit des sociétés.

L'UE et le Maghreb, tout autant responsables des insuffisances de la politique de voisinage
Sid Ahmed Ghozali, ancien premier ministre d'Algérie, a affirmé, que l'Union européenne et le Maghreb sont tous les deux responsables dans les insuffisances et les résultats de la politique de voisinage de l'UE.
Il a ajouté que de par son expérience, tant en Algérie que du Moyen-Orient, il fonde des espoirs considérables dans le processus tunisien, qu'il a qualifié d' « intelligent ». Cette intelligence, précise-t-il, est l'héritage de Habib Bourguiba, qui est parti depuis longtemps mais ce qu'il a laissé a compté pour beaucoup dans la conduite du processus démocratique actuel. Néanmoins, « la Tunisie est bien seule dans ce processus et je ne parle pas uniquement des européens mais aussi des maghrébins ».

L'Europe a trop de problèmes avec l'Europe pour qu'il reste une place pour les pays du Sud
« Qu'a fait l'Algérie pour la Tunisie ? Pour ce qui est du tourisme par exemple ? Il faut savoir qu'il n'y a aucune politique gouvernementale en la matière et que les Algériens viennent en Tunisie spontanément, parce qu'ils ont ici des choses qu'ils n'ont pas chez eux ». La problématique tunisienne n'est pas propre à la Tunisie, « elle se relie comme toutes les autres problématiques à la question fondamentale de la relation qui existe entre nous dans le sud et les Européens dans le nord » a affirmé l'ancien ministre algérien, soulignant que « l'Europe a trop de problèmes avec l'Europe » pour qu'il reste une place pour le Sud de la méditerranée.

Il n'y a qu'à se rappeler de la conférence de Barcelone en 1995, où les chefs s'étaient réunis sur le thème de la sécurité et les dirigeants de l'UE et des pays riverains du sud avaient reconnu qu'il ne pouvait y avoir de sécurité sans développement, ni de développement sans bonne gouvernance relevant à son tour de l'Etat de droit. Ce paradigme était censé fonder le nouveau partenariat Euro-méditerranéen mais a été délaissé par les deux côtés et demeure plus actuel, plus frais et plus nécessaire que jamais. En effet, l'art de gouverner dans tous les pays, affirme l'ex-responsable algérien, consiste à libérer les énergies créatrices humaines à tous les niveaux, individuels et collectifs, afin de produire une richesse basée sur la production humaine et non quasi uniquement sur les ressources comme c'est le cas en Algérie.

La problématique du terrorisme se nourrit en partie de la complaisance des occidentaux vis-à-vis des pouvoirs totalitaires
« Nous sommes responsables de nos turpitudes et il est normal que nous en payons le prix. Cela dit il ne faut pas oublier le facteur externe qu'est l'occident et qui fait que nous devons payer doublement le prix. Nous payons aujourd'hui, deux factures celle de nos propres faiblesses et celles qui sont issues de l'erreur de nos partenaires occidentaux dans leur évaluation de leurs propres intérêts chez nous. Il y a un problème très grave, quand les dirigeants occidentaux viennent chez nous, ils viennent en tant que porteurs d'intérêts nationaux alors que nous ne nous présentons pas à eux comme étant porteurs d'intérêts nationaux pour notre malheur nous nous présentons à eux en tant que pouvoir politique et cela crée une dissymétrie totale dans nos relations. Il y a aussi la problématique du terrorisme, qu'il faut savoir bien définir et qui se nourrit du désespoir du peuple mais aussi de la complaisance des occidentaux vis-à-vis des pouvoirs totalitaires. Chaque fois où les occidentaux ont eu à choisir dans nos pays entre un système démocratique et un pouvoir totalitaire ils ont choisi le pouvoir totalitaire et c'est la grande tragédie » a-t-il ajouté.

Sid Ahmed Ghozali conclut par dire que ce qui s'est passé à Paris puis à Bruxelles devrait nous rapprocher et faire comprendre aux occidentaux que cela n'arrive pas qu'aux autres, que quand un non musulman est tué, il y a dix mille musulmans qui le sont aussi. « Le terrorisme, c'est un totalitarisme qui tue plus de musulmans que de non musulmans et que la lutte contre le terrorisme ce n'est pas des tirs depuis des avions mais travailler à laisser les peuples se libérer de leur despote. Pour moi, la solution est la suivante : travailler entre nous, c'est travailler ensemble dans l'intérêt de nos populations il faut adopter les méthodes pour augmenter nos échanges. L'Europe a dans le Maghreb une région 4 fois et demie plus vaste que sa partie méditerranéenne et 2 fois moins peuplée, nous sommes en train de très mal nourrir 100 millions d'habitants alors que nous avons les moyens de nourrir et d'accueillir 300 millions d'habitants. »

Le thème de l'union méditerranéenne cache en réalité une désunion profonde
Hélé Béji Ben Ammar écrivaine Tunisienne est ensuite intervenue en donnant son point de vue sur cette politique européenne de voisinage, et a commencé en disant : « L'Europe est un rêve qui a commencé à se concrétiser après la chute du mur de Berlin. Cet évènement est sans doute la révolution pacifique du 21ème siècle comparable, mais dans une moindre mesure a la révolution Tunisienne avec la chute du parti unique.

Mme Ben Ammar explique qu'en même temps que se constituait donc cette Europe se redressait le rideau de fer en méditerranée et donc plus les Européens créaient l'Europe, et plus ils se détachaient de leurs voisins méditerranéen. « Le thème de l'union méditerranéenne qui a été célébré il y a quelques années et auquel on a tous adhéré profondément cache en réalité une désunion profonde ». Pour elle, la raison étant que la méditerranée aujourd'hui n'est plus du tout une voie de passage, une passerelle, un pont entre les cultures et croisement entre orient et occident, « cela était le cas auparavant mais malheureusement c'est devenu en deçà de la figure de l'humaniste qui nous liait. L'humaniste est celui qui est capable de porter en lui le prisme de l'orient tout en étant occidental et inversement. Il y a ici une espèce d'alchimie méditerranéenne qui a créé le monde que nous connaissions, qui a créé cette civilisation exploratrice basé sur une grande capacité de voyager. »

L'écrivaine a continué en expliquant que chaque être humain qui nait veut aller vers l'horizon et sortir du petit village dans lequel il vit. « Aujourd'hui les hommes voyagent vers la lune, c'est un besoin inné. Le voyage est l'outil de la connaissance du monde et maintenant que s'est construite la civilisation occidentale, on commence à parler de migrants, d'émigrés, de réfugiés mais encore d'exilés et on ne parle plus de voyageurs ». Or il y a chez nous des gens qui veulent simplement voyager, partir et revenir et ce partir et revenir nous est interdit, a-t-elle relevé. « Les jeunes Tunisiens ne pourrons donc jamais voir le monde dans sa grandeur, il ne le verront que dans les réseaux sociaux ou bien à travers le petit écran ce qui ne pourra que causer une déformation majeur de l'esprit avec une vision mutilé du monde car condamné à vivre dans leurs différence culturelle. Privés du contact avec le monde, ils deviennent des fanatiques. La civilisation méditerranéenne n'existe donc plus et ce bien commun qu'est la méditerranée est devenu un espace de mort. Le voyage qui est un droit de l'Homme nous a aujourd'hui été enlevé. »

Le libre-échange ne fait pas le développement
Dans son intervention, l'expert et analyste en économie, Radhi Meddeb, a quant 'à lui, indiqué que le libre-échange ne fait pas le développement et bien des exemples le prouvent. De cela découle une recommandation importante, à savoir de mettre en avant des politiques publiques d'accompagnement du libre-échange. Ce sont ces politiques publiques qui sont utiles pour le pays et qui peuvent contribuer à améliorer la compétitivité du tissu économique et à projeter le pays dans la modernité et faciliter son insertion dans un espace économique plus large. Faut-il accepter l'ALECA telle que proposée par l'Europe ? « Non il faut la négocier » rétorque l'expert.

« Sauf que les Européens ont tendance à nous dire : ne faites pas de préalable de l'évaluation introspective, ne demandez pas trop ces choses-là, alors à la fin on se demande si nous sommes dans une négociation ou s'il nous est offert une convention d'adhésion ». Il faut mettre sur la table des exigences qui limiteraient la dissymétrie et réduiraient les inégalités, a-t-il souligné. « Je pense surtout à l'agriculture. Notre agriculture est essentiellement extensible. Elle a un rôle de production, mais surtout d'extension du territoire et d'assurer la stabilité à l'intérieur du pays pour des millions de personnes qui ne résisteraient pas aux normes européennes et à l'ouverture brutale du marché ».

Pour Radhi Meddeb, il faudrait d'abord faire un travail de longue haleine de mise à niveau et de mise au cœur du processus de développent de l'agriculteur et non de l'agriculture pour aider ces personnes à rester et à prospérer là où elles sont. La deuxième exigence concerne la mobilité professionnelle et celle des étudiants.
L'expert a ainsi rappelé que dans les années 70 il n'y avait pas de visa et pourtant tous les Tunisiens ne sont pas en France. « Demandons que nos hommes d'affaires, nos entrepreneurs et nos étudiants puissent bénéficier de la libre circulation dans la région », a-t-il martelé.

Un plan Marshall pour la Tunisie
Une autre condition avancée, est l'accès au fonds structurel. « Je prône un plan Marshall pour la Tunisie qui est totalement à la portée de l'Europe et je pense aussi et surtout à cette proposition qui est d'élargir l'accès Erasmus à nos 270.000 étudiants tunisiens. Si nous donnons la possibilité à nos étudiants de partir passer 6 mois en Europe, à Belfast, à Londres, à Berlin et ailleurs nous aurons offert à nos jeunes le meilleur vaccin contre l'obscurantisme, l'extrémisme et nous en aurions fait des citoyens globaux. Nous partageons et avons décidé de partager avec l'Europe ces valeurs universelles, nous nouons avec l'Europe d'immenses relations historiques. Aussi si cela se passe mal ici, ça se passera mal en Europe. Il faut que l'Europe arrête de privilégier la valeur de ses intérêts et enfin s'occupe de l'intérêt de ses valeurs » avait conclu M. Meddeb.

Ce panel proposé dans le cadre du Forum international de Réalités, met en exergue les difficultés qui sous-tendent les relations Nord-Sud. L'Union européenne étant le premier partenaire de la Tunisie , cette politique de voisinage ne pourrait réussir véritablement, qu'en se basant sur la nécessité de tenir compte des besoins spécifiques de notre pays.


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