Les chefs et représentants des partis politiques, présents presque quotidiennement sur les plateaux radiotélévisés, crient à qui veut bien les entendre qu'ils sont les défenseurs des intérêts de la Tunisie et des citoyens tunisiens là où ils se trouvent à travers les régions du pays, surtout si ces partis sont représentés au sein de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Ces politiciens, qui parlent au nom du peuple et se croient en être les vrais représentants, seront désagréablement surpris suite à la douche écossaise que leur fait subir un récent sondage effectué par Sigma Conseil avec l'aide de la Fondation Konrad Adenauer Stiftung.
Les résultats de ce sondage-enquête, réalisé durant la période allant du 6 au 10 mai 2016, ont été rendus publics le 12 de ce même mois. Intitulée « les partis politiques à l'épreuve des aspirations des régions », cette enquête par sondage a ciblé une population de référence de 1021 Tunisiens, hommes et femmes, âgés de 18 ans et plus, avec des quotas par région, genre, âge et par participation aux élections législatives, sachant que le taux d'erreur maximal varie entre plus ou moins 3%. Concernant le fond de l'enquête, elle vise l'obtention de réponses claires à certains points d'interrogation, à savoir : Quelle perception a le Tunisien des partis politiques ? Les partis politiques sont-ils à l'écoute des préoccupations des citoyens ? Prennent-ils des décisions en fonction des intérêts des citoyens ? Le Tunisien a-t-il confiance en les partis politiques et quelle image il en a ? Quels rôles jouent les partis politiques dans les régions ? Traitent-ils sérieusement les problèmes régionaux ? Et quelles sont les principales attentes des Tunisiens des partis politiques ?
Selon les réponses, les auteurs de l'enquête aboutissent à de nombreuses conclusions sous forme de constats révélateurs et significatifs dans le sens où une large majorité des sondés se dégage pour exprimer la mauvaise image qu'ils ont des partis politiques. Qu'on en juge : Tournant autour des 70%, les Tunisiens estiment que les partis ne leur sont pas proches, qu'ils sont là juste pour enrichir leurs membres à travers l'accès aux fonds publics à en tirer profit.
Plus grave encore, concernant l'intérêt qu'ils sont censés accorder aux régions qu'ils représentent et sur les listes desquelles leurs membres ont été élus, ils sont plus de 86% à dire qu'ils ne représentent pas leurs régions dont ils ne se rappellent l'existence que durant les campagnes électorales. Ainsi, ils constituent une bonne majorité ceux qui affirment que les dirigeants des partis et leurs élus ont failli à leur mission principale, en l'occurrence, l'écoute des électeurs dans le régions, qu'il est difficile d'avoir des contacter directs avec eux et que la communication est très mauvaise, voire totalement absente.
D'autres constats préoccupants, est cette conviction enregistrée chez les citoyens se déclarant insatisfaits des partis politiques à cause des mensonges et le non respect des promesses lancées à tout bout de champ lors des campagnes électorales, sans oublier les lenteurs de leurs actions au cas où il y en a. Du coup et selon la même enquête, les Tunisiens n'ont pas confiance en les partis politiques qui ne tiennent pas leurs promesses. Là, la proportion atteint une cote alarmante avec plus de 80%. De même, les trois quarts des Tunisiens assurent qu'ils sont très mal informés sur les activités des partis dans les régions sachant qu'ils sont plus de 50 pour cent à estimer qu'ils sont « très mal informés ».
Les Tunisiens sont à plus de 80% à considérer que les partis politiques ont échoué dans l'accomplissement de leur rôle consistant à résoudre les problèmes des citoyens. Pis encore, ils sont 58% à être persuadés qu'ils n'ont du tout rempli cette mission.
Quant aux attentes, les Tunisiens souhaitent, en premier lieu que les partis politiques tiennent leurs promesses et fassent entendre et passer la voix des citoyens. Ils pensent encore que les partis doivent jouer, dans les faits, un rôle plus déterminant en matière de lutte contre la pauvreté, l'exclusion sociale, dans la création des postes d'emploi et de mieux gérer la cherté de la vie. Une remarque s'impose dans la mesure où pour les grands dossiers, les plus fortes proportions de mécontents du rendement des partis, de leurs dirigeants et de leurs élus sont enregistrées dans le Sud du pays, à travers ses deux « ailes », est et ouest, ainsi que la ville de Sfax où 54,1% ont une très mauvaise image des partis politiques.
Une première lecture dans ces résultats du sondage-enquête confirme l'idée répandue voulant dire que les politiciens passent plus de temps à s'afficher et discourir sur les plateaux radiotélévisés que de se tenir près des citoyens, notamment dans les régions où les problèmes se posent avec une acuité accrue. Comme on le constate dans les faits, les dirigeants des partis sont davantage préoccupés par les postes de responsabilité à que par les besoins et les attentes des élus, notamment dans les zones défavorisées où les citoyens ont le plus besoins d'être défendus. Ce qui est très rarement le cas.
Les analystes estiment que la tendance avérée à travers cette enquête trouverait son origine, ou du moins en partie, dans le mode de scrutin basé sur les listes et les plus forts restes. En effet, si en théorie, ils multiplient les slogans creux comme quoi ils représentent le peuple et parlent en son nom, ils sont rarement sur le terrain pour communiquer avec les citoyens électeurs et répondre à leurs attentes.
Il faut dire que le code électoral stipule que les candidats se trouvant en tête des listes, notamment pour les grands partis, soient assurés d'avoir un siège au Parlement, donnant ainsi des résultats biaisés puisque des candidats qui n'a rien à voir avec sa région peut se retrouver, sans le moindre effort, un élu de la Nation ! Autrement dit, mieux vaut être en bons termes avec les « barons » de son parti qu'avec les électeurs.
Ainsi et en dépit de la multiplicité des facteurs, les résultats sont là : froids, alarmants et préoccupants quant à cette rupture entre les partis politiques et les citoyens, plus précisément dans les régions. Reste à savoir comment remédier à cet état des lieux. Mais là, c'est une autre paire de manches…