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Les médecins internes et résidents, cette main d'œuvre « qualifiée et bon marché »
Publié dans Business News le 21 - 10 - 2016

Longtemps accusés à tort de faire partie de l'élite « gâtée et choyée », les jeunes médecins tunisiens, en voie de spécialisation, vivent pourtant une situation peu enviable. En cause, un cadre juridique boiteux, des conditions de travail extrêmes et un concours de spécialisation plutôt hasardeux. Au choix, certains choisissent de quitter le pays afin d'exercer « sous de meilleurs cieux », les autres continuent à servir de « main d'œuvre qualifiée et bon marché », aux hôpitaux publics tunisiens.

« Ni argent, ni respect ». Cette phrase récurrente a ponctué les nombreux témoignages qui nous ont été livrés à la rédaction de cet article. Les médecins en cours de spécialisation, du moins ceux interrogés par Business News, nous livrent le même constat : « Nous avons le sentiment d'être exploités dans notre propre pays. Et ce sentiment ne date pas d'hier ». En effet, si la législation a récemment changé, les conditions de travail demeurent les mêmes, depuis plusieurs années, de l'avis des médecins résidents interrogés.
« Les résidents et les internes sont les esclaves de leur hôpital. Si les internes effectuent leurs gardes gratuitement, les résidents, eux, sont payés environ 1 à 2 dinars par heure pour ces gardes », nous explique notre interlocuteur. « Il faut savoir qu'avec une garde, un interne/résident arrive à cumuler 30 heures de travail d'affilée, avec un rythme d'une garde tous les 4 jours en moyenne (tous les 2 ou 3 jours dans certains services). Ajouter à cela le manque de moyens, la vétusté du matériel et l'absence d'un repos de sécurité post-garde ».

Dans des pays comme la France, le « repos de sécurité du service normal de jour et du service de gardes et astreintes » est une obligation réglementée par l'article 1er de l'arrêté du 14 septembre 2001 relatif à l'organisation et à l'indemnisation des services de garde et à la mise en place du repos de sécurité dans les établissements publics de santé autres que les hôpitaux locaux. Cet article stipule que : « Le repos de sécurité, d'une durée de 11 heures, est constitué :- dans les activités de service continu définies à l'article 8 ci-dessous, par une interruption totale de toute activité, prise immédiatement après chaque garde de nuit effectuée ;- pour les autres activités, par une interruption de toute activité clinique en contact avec le patient, prise immédiatement après chaque garde de nuit ». Un repos salvateur, aussi bien pour les médecins exerçant, que pour les patients auxquels ont fait subir des risques, qui n'est que rarement appliqué.
D'un autre côté, il est à savoir qu'un résidanat reçoit entre « la moitié et le tiers de la rémunération d'un spécialiste », [1100 DT pour un résident en fin de cursus et 800 DT pour un interne]. Si ces salaires, sont à près de 3 fois le SMIG national, ils restent jugés comme étant « au-deçà » de la mission accomplie. « Ce sont les internes et les résidents qui font tourner les hôpitaux durant les gardes et qui constituent la quasi-totalité des médecins présents pendant cette plage horaire. Les assistants et/ou professeurs, qui sont beaucoup mieux payés, font souvent leurs gardes à domicile ».

Ces étudiants constituent donc, pour l'Etat, une main d'œuvre très bon marché, en plus d'être qualifiée et malléable à souhait. De quoi permettre de réaliser des économies non négligeables en n'ayant pas besoin de recruter des médecins spécialistes qualifiés. Mais ces « économies », suscitent chez les jeunes étudiants en médecine l'amer sentiment d'être exploités.
« Ce sentiment d'exploitation était, auparavant, accompagné, en contrepartie, d'une image positive et d'un certain respect, en retour, dans la société tunisienne », explique notre interlocuteur. Une image qui s'est inversée à l'époque de l'ancien ministre de la Santé, Abdellatif Mekki, cadre d'Ennahdha, nous indique-t-on. Au cours de ce qu'il a qualifié de « l'épisode Mekki », les jeunes médecins ont découvert « la haine portée au corps médical par leurs concitoyens ». « Nous avons été victimes d'épisodes d'agressions. Certains d'entre eux ont été menacés durant l'exercice de leurs fonctions, d'autres ont été agressés et même mutilés ». Des cas d'agressions marginalisées et contre lesquels l'administration ne fait rien pour assurer la sécurité de son personnel médical. Pire, on exerce des pressions pour que « le travail continue à se dérouler normalement ».
Il semblerait que « l'épisode Mekki » ait affecté les étudiants en médecine. « Abdellatif Mekki a décidé que nous avions une dette à régler envers la société puisqu'un étudiant en médecine coûte trop cher à l'Etat tunisien. Si la loi Mekki a aujourd'hui été abandonnée, l'ancien ministre de la Santé a réussi, en poussant le bouchon trop loin, à réveiller un sentiment d'indignation chez des résidents jusque-là blasés. Des mouvements syndicaux ont essayé de voir le jour et nous avons reçu le soutien indirect de plusieurs partis politiques et organisations de la société civile mais toute tentative de ce corps pour s'organiser syndicalement, et de manière indépendante politiquement, a été grandement sabotée ».

Face à ce constat, nombreux jeunes médecins tunisiens sont tentés de « prendre la fuite ». Quitter le pays pour obtenir leurs diplômes de spécialisation en Europe et ailleurs, ce qui semble une alternative alléchante pour nombre d'entre eux. La France et l'Allemagne sont les deux destinations les plus prisées pour cette jeunesse qui, une fois partie, a toutes les chances de vouloir exercer dans son pays d'accueil. Un véritable manque à gagner pour l'Etat tunisien !
Mais cette « fuite de cerveaux » est aujourd'hui fortement mise à mal par un nouveau cadre législatif qui limite le déplacement des étudiants en médecine à l'étranger. Un déplacement qui n'est désormais plus possible avant la fin des 4 années de résidanat (5 ans pour les spécialités dites « lourdes » telles que la chirurgie, la psychiatrie, l'anatomie, l'ophtalmologie, etc.).


Au-delà des conditions de travail et du sentiment général de dévalorisation exprimé par les jeunes étudiants en médecine, le mécanisme même du concours est mal vécu et constitue une des raisons principales qui font que ces derniers partent à l'étranger pour faire leur spécialité. Ou, à défaut, vivent cette spécialisation comme une véritable tourmente.
Le concours du résidanat est, en effet, jugé « injuste » et « hasardeux » par nombre de ceux qui le passent. « La formation médicale au cours de l'internat et du résidanat est insuffisante, voire confisquée même par certains chefs. Certains résidents en chirurgie finissent leur cursus sans avoir assisté à une seule opération lourde ».
Aucun support de cours complet et « règlementé » n'est disponible. Les étudiants doivent faire face à une montagne de documentation et de littérature, collectée par ceux qui ont déjà passé le concours. Parfois même, les réponses à certaines questions de l'examen sont loin de créer un consensus entre les différentes écoles.

De plus, les critères de sélection du choix de spécialité en Tunisie sont fortement critiqués. « Près de 2000 candidats passent le concours chaque année, pour qu'au final, 500 seulement soient retenus pour les spécialités proposées » et ce, suivant le barème du premier classé, premier servi. En effet, les différences de notation entre le premier arrivé et le dernier sur la liste sont parfois minimes et ne dépassent pas les 2 points. « Si cela se joue au millième près, ce classement influera, à vie, sur la spécialité choisie et donc sur tout le choix de carrière du candidat ».

(copyright photo : Aymen Bettaieb)

Un système complètement différent de celui pratiqué dans des pays comme la France où on passe les « épreuves classantes nationales » (ECN) l'équivalent de l'ancien concours d'internat. En Allemagne, en revanche, nul besoin de concours pour obtenir le droit d'étudier la spécialité de son choix. Pour accéder à la spécialisation, il faut passer un examen général ainsi qu'un oral pour faire reconnaitre son diplôme et obtenir le permis d'exercer sa médecine en Allemagne. Après des années de travail rémunéré, en tant que résident, un examen de spécialité permet d'obtenir son diplôme de spécialiste.

En plus d'être relativement bien rémunérés, les résidents en médecine, en Allemagne, bénéficient d'une certaine souplesse qui leur permet d'effectuer des pauses durant leur cursus ou de travailler à mi-temps. Un confort non négligeable compte tenu des nombreuses années d'études demandées avant la spécialisation finale.

De l'autre côté, en Tunisie, les internes et résidents en médecine ont un statut plutôt paradoxal : ils sont, à la fois, les éléments clés des hôpitaux tunisiens, mais continuent pourtant à être flanqués du plus bas statut de la hiérarchie médicale. De quoi pousser nombre d'entre eux à partir à l'étranger, là où ils sont mieux accueillis, ou « au pire », de snober les hôpitaux tunisiens au grand dam de la recherche médicale et du service public.


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