L'annonce, la veille de la tenue de la Conférence internationale sur l'investissement, par l'UGTT d'un préavis de grève générale dans la fonction publique signe-t-il la rupture des négociations avec le gouvernement sur les augmentations de salaires dans le secteur? C'est en tout cas un véritable coup de poignard dans le dos du gouvernement de Youssef Chahed. La Conférence internationale sur l'investissement en Tunisie, Tunisia 2020, a connu son point d'orgue, hier par les successives conférences de presse du chef du gouvernement, Youssef Chahed, et du ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération, Fadhel Abdelkefi, formulant un bilan préliminaire sur cette rencontre qui a vu une participation record de bailleurs de fonds et d'investisseurs. Une évaluation qui curieusement ne s'est fondée, essentiellement, que sur le critère financier. Certes, le soutien financier, entre promesses et engagements, formulé par plusieurs bailleurs de fonds, à l'occasion de la conférence, est appréciable, 35 milliards de dinars environ. A postériori, il justifie la formule utilisée par Youssef Chahed, à l'ouverture de la rencontre : La Tunisie est de retour. Néanmoins, il aurait été plus opportun, lors de ces conférences de presse, de mettre en perspective la mission qui attend, désormais, le pays pour transformer ses promesses en réalités. La balle est en effet dans le camp de la Tunisie. Car maintenant, il s'agit de démontrer que l'économie du pays possède « la capacité d'absorption » suffisante pour un tel flux financier. Cette tâche incombe au gouvernement. Mais pas seulement. Elle incombe aussi à tous les acteurs économiques du pays. Malheureusement, cela ne semble pas être de l'avis de l'UGTT qui, à la veille de la manifestation, s'est fondue d'un communiqué annonçant un préavis de grève générale dans la fonction publique le 8 décembre prochain.
La contribution de la centrale syndicale s'est pitoyablement réduite, pour l'occasion, à tenter de torpiller un rendez-vous crucial pour mobiliser les ressources financières absolument nécessaires au développement du pays, et cela dans le seul but de faire plier le gouvernement et l'obliger à inscrire les augmentations salariales dans la fonction publique au titre de 2016 et 2017 dans le prochain exercice budgétaire. Par cette attitude, la centrale syndicale est loin d'avoir fait montre de sa puissance. En revanche, elle a donné la mesure de ses capacités de nuisance. Car la volonté de fragiliser la crédibilité extérieure du gouvernement est ici manifeste. Et pire encore lorsqu'elle s'apparente aisément à un coup de poignard dans le dos du gouvernement.
N'obéissant qu'à son propre agenda, l'UGTT a pris, de fait, la responsabilité d'une rupture des négociations avec le gouvernement et pris le pari de la confrontation en mettant en jeu sa carte maîtresse de la grève générale. Il s'agit de savoir maintenant quelle sera la réaction du gouvernement.
En relevant le pari, il sait qu'il met en jeu sa propre survie. Mais il démontre aussi l'attachement à ses convictions selon lesquelles la transition économique - tout comme d'ailleurs avant elle la transition politique - n'est possible qu'à travers de douloureuses mesures et de pénibles sacrifices. A cet égard, l'expérience de la Grèce mérite, une fois de plus, d'être méditée. Qu'on se rappelle : les grèves générales à répétition et les manifestations, parfois violentes, qu'a connu ce pays n'ont pas donné raison à ses initiateurs, syndicats et partis politiques de gauche, qui, à l'épreuve du pouvoir et face à la cruelle réalité, se sont résolus en fin de compte à des mesures draconiennes d'austérité comme la baisse des salaires dans la fonction publique, la réduction des montants des pensions de retraite, l'arrêt des recrutements, les privatisations tous azimuts...
Faudra-t-il qu'on en arrive à de telles limites au lieu et place de se suffire, momentanément, d'un gel des salaires. Juste le temps de redresser, un tantinet soit peu, les finances publiques et permettre à la croissance économique de reprendre son souffle. La réponse ne saurait tarder. Ça passe ou ça casse.