Le projet de loi de Finances 2017 et son effet coup de pied dans la fourmilière des professions libérales tunisiennes prend tout son sens au fur et à mesure des discussions de la loi à l'ARP. Les contestations qu'elle soulève sont devenues le feuilleton des Tunisiens et voici venu le chapitre qui concerne les pharmaciens et les grossistes répartiteurs de médicaments. A cette occasion, une AGE s'est tenue mercredi 7 décembre 2016 au siège de l'UTICA à l'issue de laquelle une grève des deux professions a été décrétée les 14, 15 et 16 décembre 2016. Aux citoyens d'anticiper une potentielle pénurie des médicaments et de toute façon ils devront faire avec !
Les citoyens sont prévenus, il leur reste une semaine pour s'approvisionner en médicament avant le démarrage de la grève décrétée par les pharmaciens d'officines et les grossistes répartiteurs de médicaments. En contestation des dispositions de l'article de la LF2017 énonçant l'imposition d'une TVA de 6% sur les médicaments importés mais aussi de la LF2016 qui impose aux deux professions en cause le reversement à l'Etat de la TVA sur les bénéfices pour l'exercice 2016, les pharmaciens et les grossistes ont décrété l'arrêt total des livraisons de médicaments sur tout le territoire. Le citoyen est une nouvelle fois mis au pied du mur mais cette fois-ci face à une probable pénurie de médicaments.
Lors de l'AGE de ce mercredi 7 décembre 2016, le secrétaire général du syndicat des pharmaciens d'officine de Tunisie (SPOT), Rached Garaali a été clair : « L'Etat s'est désengagé du secteur de distribution des médicaments depuis 60 ans. Ce sont des entreprises privées qui ont pris le relai et aujourd'hui , alors que ces entreprises sont déjà en crise, on voudrait, en plus, leur imposer une surcharge fiscale. L'Etat est responsable de cette situation et en protestation contre ce nouvel impôt, nous avons décidé de stopper toutes livraisons de médicaments en Tunisie». Il a précisé que la grève est un message adressé au gouvernement pour qu'il se saisisse de l'ampleur de la problématique. Il a ajouté que la TVA sur les médicaments importée réduira tellement la marge de bénéfices des pharmaciens et des grossistes « qu'il leur sera plus avantageux de fermer boutique ! », avouant plus loin que « le plus grand perdant est, sans surprise, le citoyen ! L'Etat est responsable et nous n'avons pas à fournir de médicaments par charité ! ».
A propos de Faycel Derbel, le porte-parole de la présidence de la République qui était l'invité de Myriam Belkadhi dans l'émission 24/7 sur Al Hiwar Ettounsi, lundi 5 décembre dernier et qui s'est exprimé sur le mécontentement des pharmaciens et des grossistes, Rached Garaali a déclaré : « Le porte-parole du gouvernement est dans notre camps car il a saisi la gravité du danger qui menace notre secteur ». Furieux contre le gouvernement d'union nationale, Rached Garaali a également demandé aux deux professions présentes lors de l'AGE d'être solidaires pour peser davantage dans le « rapport de force » établit avec le gouvernement et surtout « de se méfier des journalistes ». Il a renchérit qu'« Il y a des choses que nous seules sommes capables de comprendre , car les mieux placés et les plus alertes. Si les médias vous posent des questions soyez disciplinés car la manipulation de l'opinion publique est aisée… ». Par ailleurs, le sujet des remises et bonifications effectuées entre les deux professions, a également été abordé.
Le président du CNOPT, Jalel Abdallah a pour sa part indiqué que les pharmaciens et les grossistes sont perçus, à tort, comme des rentiers. Il a ajouté qu'il savait à l'avance que concernant la LF2017 « c'est cuit » mais que l'action contestataire sera déterminante. Il a également fait état de la fragilité du secteur et indiqué : « qu'inconsciemment la LF2017 porte atteinte à l'intégrité du secteur ».
Les pharmaciens et grossistes répartiteurs ont décidé de fusionner les jours de grève en étant solidaire pour avoir un impact conséquent sur le gouvernement qui, dès lors, entamera des négociations, comme pour l'UGTT et comme pour les avocats…. Mercredi 14, jeudi 15 et vendredi 16 décembre 2016, les grossistes ne livreront donc plus de médicaments aux pharmacies d'officines qui, elles, ne fermeront leurs portes que le mercredi 14 et mettront en place un service minimum pour les médicaments de grande nécessité. C'est pour « éviter de prendre les citoyens en otage ». Bien que la contestation de la LF2017 par les deux professions semble complexe et technique, il apparait que le bras de fer pour faire céder le gouvernement est déjà bien élaboré.