Le projet de loi de finances 2017 avait tout d'un projet qui mobilisait tout le monde pour financer les dépenses du budget de l'Etat, en proposant de différer les augmentations salariales convenues dans la fonction publique et d'améliorer les procédures de recouvrement des impôts auprès de certains libéraux dont les avocats et les médecins, en particulier. Deux nouvelles mesures ont été avancées dont une TVA sur les médicaments, une contribution conjoncturelle exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés et l'allègement des procédures de levée du secret bancaire pour l'administration fiscale. Ces mesures ont été suffisantes pour mécontenter une bonne proportion de la population et surtout ses « représentants » supposés et en particulier la centrale syndicale et l'ordre des avocats. La grogne ; les menaces de grèves, les manifestations, les demandes de démission du ministre des finances, et les grèves ont fait suite aux envolées médiatiques sur des plateaux télévisés chauffés à bloc par des animateurs pas toujours neutres ni objectifs. Pour moi c'était un bon signe de la justesse de cette loi des finances car tout le monde s'en plaignait.
Et l'ARP entra en scène pour déculotter le gouvernement en commençant par rejeter les propositions relatives à la levée du secret bancaire, les mesures d'imposition des avocats et la TVA sur les médicaments. Seule la contribution conjoncturelle exceptionnelle sur les bénéfices des sociétés a été retenue, en attendant que nos chefs d'entreprises réagissent ! Pour désamorcer la crise avec l'UGTT, il a fallu aller plus loin et se référer aux vrais gouvernants de Carthage et de Montplaisir. Pourquoi le gouvernement en est-il arrivé là ? Deux raisons majeures me semblent expliquer cette bévue : 1. Un projet préparé sans concertation suffisante avec les parties prenantes et en méconnaissance de la sensibilité et de la spécificité de certains secteurs notamment les médicaments ; 2. Une défaillance de la communication gouvernementale à toutes les étapes du processus, pour mettre le citoyen à contribution et lui permettre de juger. Au lieu d'être proactifs, certains départements n'ont fait que réagir aux mouvements des uns et des autres et c'est là que nous apprenons par hasard que plus de 3000 avocats sont inconnus de l'administration fiscale et que l'UGTT ne représente que 20% des travailleurs…
Au lieu de frapper sur la table et de passer en force, ou démissionner pour s'absoudre de ses bévues et de ses pêchés, notre chef de gouvernement n'a pas trouvé mieux que de signer une charte relative à la bonne gouvernance et à la lutte contre la corruption !
Commençons d'abord par comprendre les nuances linguistiques entre l'arabe et le français. « Fassad » en arabe est traduit en corruption, « rachoua » en arabe, alors qu'il couvre des nuances plus larges qui vont de l'abus au ravage en passant par la perversion. Y a-t-il plus grand abus que de ne pas payer ses impôts ? Y a-t-il plus grande perversion que de cacher des financements occultes sous couvert de bienfaisance ? Contre quel « Fassad » va-t-on lutter ? Quelle bonne gouvernance permet d'imposer doublement des entreprises, même conjoncturellement, alors qu'on les implore d'investir ?
Naïf comme beaucoup de mes compatriotes j'avais cru à la résurrection du prestige de l'Etat, première illusion, et à la réincarnation de Chokri Belaïd brandissant son « Nakfou Ltounes », (tous debout pour la Tunisie), deuxième illusion. N'ayant plus beaucoup à vivre, je voudrais entrevoir le bout du tunnel et voir de très loin cette lueur qui me permet de transmettre de l'espoir à mes petits-enfants.