« Une administration efficace et ouverte qui assure des services de haute qualité en faveur des citoyens et des entreprises et qui contribue de façon effective et décentralisée à la relance de la croissance économique », voilà le slogan de la réforme entreprise par le ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance, Abid Briki. A l'horizon 2020, cette administration dont nous nous plaignons tous les jours pour son inefficacité, sa lenteur et la corruption qui y est rampante fera peau neuve ! Des réformes d'envergure qui bouleverseront notre vision des services publics et feront que nous, usagers de ces services, ne verrons plus jamais notre municipalité ou la Recette des Finances de la même manière. Une information délivrée de façon claire et accessible, des agents de guichets à leur poste et heureux de vous recevoir, des pancartes affichant des messages de bienvenue, des files d'attentes réduites et des prestations de service simples et rapides, des discriminations positives en faveur des personnes à mobilité réduite, des ouvertures de services publics adaptées à vos horaires de travail… Non, vous ne rêvez pas, c'est bien ce qui a été codifié dans le projet de modernisation et de mise à niveau de l'administration tunisienne qui compte mettre fin à l'abrutissante bureaucratie. Si on en croit la panoplie de mesures annoncées, régler sa paperasse ressemblera bientôt à une cure de thalasso…
Abid Briki, ministre de la Gouvernance s'est donc retroussé les manches et par la voie de l'élaboration de cette première version du projet de modernisation de la Fonction publique a décidé de s'appuyer sur 4 axes stratégiques qui sont : La satisfaction de l'usager du service public, la refonte du mode de fonctionnement de l'administration, la mise en place d'un processus participatif conforme à notre démocratie naissante et la focalisation sur les programmes et les projets prioritaires de notre pays.
Le projet de sauvetage des institutions publiques a ainsi été élaboré de façon méthodique et s'appuie sur des formules quasi scientifiques qui ont pour but d'améliorer les performances de l'Etat, de relancer la croissance, d'atteindre l'objectif de décentralisation et de lutter contre la corruption. En adéquation avec le plan quinquennal 2016/2020 et en conformité avec les principes consacrés au Chapitre 7 de la Constitution, le plan de modernisation vise tous les ministères et leurs services annexes, les collectivités locales, les institutions et établissements publics à caractère administratif ainsi que tout le secteur des services publics. L'objectif primordial étant d'instaurer une consultation nationale sur le sujet.
La réforme entend, en premier lieu, satisfaire le contribuable-usager en le rapprochant, de manière cordiale, de l'administration. On y annonce que fidéliser le citoyen en lui offrant le meilleur service est une priorité. Ainsi, les procédures lourdes de copies certifiées conformes et de légalisation de signatures seront retirées avec en plus de cette mesure la généralisation du système d'information et de communication administrative à distance (SICAD). Dans les zones enclavées, la déconcentration de l'administration prendra la forme d'un service spécial d'« agents publics mobiles » qui permettra aux citoyens de boucler leur paperasse sans devoir se déplacer jusqu'à l'administration centrale. Mais aussi d'autres mesures telles que la refonte des horaires d'ouvertures des institutions publiques pour une meilleure adéquation avec les disponibilités des citoyens, la généralisation du principe édictant que le silence gardé par l'administration vaut accord, l'appel lancé pour dénoncer des pots-de-vin etla consécration du droit de pétition. Pour mesurer les changements qui auront lieu, des enquêtes de satisfaction seront menées et une commission nationale des usagers du service public verra le jour.
Pour promouvoir l'investissement et attirer les investisseurs de Tunisia 2020, le projet de réforme entend simplifier au maximum les procédures qui, nous le savons, rebutent tout entrepreneur qui entend investir en Tunisie. Le code des marchés publics sera révisé dans le sens de la simplification, les droits des investisseurs dans leur relation avec les institutions seront réaffirmés, les procédures seront unifiées par la voie électronique. Pour que les régions puissent bénéficier des investissements qui seront entrepris, des centres administratifs seront ouverts dans toutes les régions. Les mesures chaleureuses de bienvenue dans les guichets et des sondages mesurant la satisfaction des investisseurs seront également mis en place.
Pour ce qui concerne les fonctionnaires, on peut supposer qu'ils vont nourrir certaines inquiétudes. En effet, l'introduction de logiques venues du secteur privé va bouleverser leurs méthodes de travail. Cette thèse est hypothétique et ce que prévoit la réforme est avant tout la consécration du droit à la formation académique des fonctionnaires. L'émulation au travail et l'élévation de leurs niveaux de compétences sont également conçus dans le projet de réforme comme étant une priorité. Par ailleurs, l'enjeu de la motivation des fonctionnaires de guichets et de la gestion transparente des équipements de l'administration sont prises très au sérieux. D'autres mesures telles que la révision du régime des congés et des vacances des agents de la fonction publique, la promotion du travail participatif, l'établissement des signatures et des correspondances électroniques an faveur des citoyens et des investisseurs verront également le jour. Pour accéder à l'objectif de décentralisation, un redéploiement des agents vers les zones à faible effectif sera entrepris. La réforme administrative qui se veut ambitieuse voudrait passer de 0% de structure publiques utilisant la gestion électronique des documents à 70%...
Au niveau de la stratégie d'étude entreprise, le ministère a opté pour la matrice SWOT (acronyme de l'anglais Strengths (forces), Weaknesses (faiblesses), Opportunities (opportunités), Threats (menaces)). Par ailleurs, le ministre a mis l'accent sur les opérations de sondage qu'il considère comme primordiales. Ainsi, de décembre 2015 à janvier 2016, 8070 citoyens à travers le pays ont été sondés sur la question de leur satisfaction par les prestations des administrations publiques, 77% des sondés pensent que le rendement de l'administration est faible, 77% pensent qu'il y a inégalité de traitement entre les citoyens et 68% dénoncent la corruption qui existe au sein des institutions publiques. D'autres indicateurs, ceux de la Banque centrale démontrent qu'entre 2010 et 2016 l'index de performance dans le secteur public est passé de 70% à 40%. Selon les rapports du forum économique mondial de Davos, la Tunisie est passée de la 23ème place en 2010 à la 76ème place en 2016 en termes de performance de ses administrations.Ces chiffres prouvent incontestablement que l'administration doit muter et changer de peau.
La politique réformiste entreprise par le ministre et syndicaliste Abid Briki a pour objectif de favoriser le climat des affaires insufflé par Tunisia 2020 et aussi de rendre possible un retour de la confiance entre le citoyen et l'administration. Confiance qui a de plus en plus été mise à mal depuis 2011. Il l'a affirmé : cette politique ne pourra voir le jour que si nos mentalités évoluent ! Si nos dirigeants s'engagent d'ores et déjà sur la voie de cette réforme et si elle est bien accueillie par la société, elle pourra peut-être préparer le terrain des élections municipales, dont les préparatifs, sont au point mort jusqu'à aujourd'hui.