* Parce que la loi électorale est mauvaise. * Parce que le Code des Collectivités Locales est complexe. * Parce que l'ISIE est autiste. * Parce que personne ne sait ce qu'est un conseiller municipal. * Parce que la société civile croit qu'elle doit remplacer les partis. * Parce qu'on fait croire aux gens que ces élections vont ramener le paradis sur terre. * Parce que personne ne communique sur le choix, les critères, les compétences, les conditions de candidature des conseillers municipaux. * Parce que tout le monde s'y voit déjà, sauf ceux qui devraient y être. * Parce que ce n'est pas le moment.
La décentralisation, encore et toujours. Ce paradis promis, ce fantasme nourri de populisme politique. Quand on fait croire aux citoyens que quelques lignes dans la Constitution vont résoudre tous leurs problèmes.
La décentralisation va apporter le développement, créer des emplois, améliorer les écoles, assainir la santé publique, lutter contre la corruption. Mais bien sûr !
La décentralisation est une meilleure répartition du pouvoir entre l'Etat et les régions et les villes. Il ne s'agit pas "d'arracher" des pouvoirs à l'Etat pour les donner aux régions. Il s'agit plutôt d'exercer certains pouvoirs au niveau régional et local parce que cela est plus efficient que la gestion de ces pouvoirs par l'Etat.
Par exemple, cela n'a plus de sens que l'Etat gère les services de propreté, ou l'entretien des écoles, ou l'aménagement urbain des villes. Non pas parce que l'Etat est injuste comme certains souhaitent nous le dire, mais parce que plus le niveau de décision est éloigné du lieu d'exécution de la décision, plus le processus est long et lent.
Toutefois, en contrepartie de cette nouvelle répartition de pouvoirs, il y a des ajustements à opérer. Ainsi, les communes qui vont exercer ces nouvelles prérogatives vont avoir besoin de moyens financiers et humains qu'elles n'ont pas. Le nouveau Code des Collectivités Locales prévoit ainsi une nouvelle structure fiscale pour les impôts locaux et également pour les contributions budgétaires de l'Etat.
Le Code prévoit également des dispositions qui permettront le transfert d'agents et cadres de l'administration vers les instances locales, à travers la mobilité administrative, la délégation, le détachement, les incitations financières et autres formules.
Demain, c'est-à-dire après les élections municipales, l'Etat ne va pas disparaitre des villes et des régions. L'Etat restera présent à travers les administrations locales, les représentations des différents ministères. Il continuera à exercer les prérogatives qui sont les siennes, à gérer les services et infrastructures publiques qui ne relèvent pas de l'autorité locale.
Quelles sont donc ces infrastructures? Quelles seront les prérogatives locales? Quels agents ou cadres relèveront de la commune? Quelles seront les ressources financières des communes? C'est le Code qui le décidera, selon les dispositions qui seront votées.
Alors quel est le rôle des municipalités dans tout cela? Les municipalités exerceront une grande partie des nouveaux pouvoirs locaux, en attendant la mise en place globale de la décentralisation avec les conseils régionaux entre autres.
La totalité du territoire tunisien est aujourd'hui couverte par le nouveau découpage municipal. Il y a au total 350 municipalités. Une municipalité est un territoire géré par un conseil municipal, dont le nombre des membres, conseillers, varie selon la taille, l'étendue, le nombre d'habitants de la commune. Tous les membres du Conseil seront élus. Après les élections, le Conseil se réunira, désignera son Président et décidera de la répartition des tâches et responsabilités.
Et au lieu du paradis instantané, les difficultés commenceront. Un cadre législatif à peine voté (espérons que l'ARP le votera à temps), un nouveau système d'exercice de l'autorité non rodé, un transfert de ressources humaines à mettre en place, une nouvelle budgétisation à négocier, de nouvelles responsabilités à assumer, un équilibre de pouvoir à trouver avec un code électoral qui favorise encore l'effritement.
L'élément le plus important dans ce nouvel enjeu sera l'élément humain, c'est-à-dire les conseillers municipaux. Et cela relève de notre responsabilité. Qui choisir? Comment établir des listes de candidats? Pour qui voter?
Combien de listes de candidats? Les listes de candidats sont-elles des listes d'amis, des listes contre les partis, des listes de voisins? S'agit-il d'énumérer un nombre de personnes selon les quotas d'hommes/femmes/jeunes/handicapés requis?
Vote-t-on pour des personnes, pour un parcours, pour un thème, pour un programme, pour une étiquette? Vote-t-on contre un parti, contre des partis? Vote-t-on par amitié?
A-t-on expliqué tout cela aux électeurs? Qui doit le faire? D'ailleurs qui est cet électeur? Celui qui est supposé s'inscrire, le faire en plein été, décider d'abord sur quelle municipalité s'inscrire pour voter, ensuite produire les justificatifs administratifs dans ce sens et trouver un bureau de l'ISIE pour le faire. Cet électeur qui n'a pas toujours conscience des autorités qu'il délègue par ce vote, des services qu'il ou elle est en droit de recevoir de ses représentants, à qui on a promis tout et son contraire.
Et surtout un électeur qui reste d'abord citoyen d'un Etat, la Tunisie.