La situation économique, l'état de nos finances publiques et les solutions de sortie de crise ont fait l'objet d'une interview accordée ce lundi 31 juillet 2017 à l'émission Expresso sur Express Fm, par l'expert économique Ezzeddine Saïdane. Ainsi, l'expert a expliqué qu'on ne peut pas sauver notre pays avec des solutions instantanées et du bricolage. «Le défi actuellement pour la Tunisie est économique et financier. Sauver la Tunisie est possible mais à certaines conditions. Il faut, d'abord, une volonté politique en ayant la conviction que le gouvernement veut sauver l'économie nationale et les finances publiques. Il faut sauver la Tunisie du piège de l'endettement extérieur exorbitant et la protéger de la tutelle d'autrui. La deuxième condition est de faire le diagnostic de la situation économique, en présence de toutes les composantes et parties, et qui permettra la mise en place d'un programme de réforme structurelle avec l'appui et l'accord de toutes les parties, dont l'objectif est d'arrêter l'hémorragie de l'économie, des finances publiques et des finances extérieures», a-t-il estimé. Et d'ajouter : «Nous sommes capable de le faire et on a tous les moyens nécessaires : un programme d'un et demi à 2 ans. Pour avoir, à la fin, une économie capable de faire plus de 7% de croissance et de créer plus de 100.000 emplois par an».
Concernant les torts, M. Saïdane pense que nous sommes tous responsables de la dégradation de la situation économique ainsi que celle du dinar car nous ne sommes pas en train de travailler. En outre, il a expliqué que le gouvernement doit mettre en place des politiques et des mesures et faire attention à ses déclarations, qui peuvent se retourner contre lui. C'est le cas de la dernière déclaration en date du ministre des Finances par intérim à l'Assemblée des représentants du peuple où ses propos ont été interprétés par plusieurs médias étrangers comme étant un aveu de faillite de la Tunisie. Il a, également, pointé la dualité du discours du même ministre qui parlait 3 jours auparavant d'une embellie économique et affirme, ensuite, que l'Etat n'a pas de quoi payer les salaires de août alors qu'en est en juillet. La situation a été comprise comme étant celle d'un ministre qui a perdu le contrôle.
S'agissant des chiffres les plus explicites sur les problèmes rencontrés par l'économie tunisienne, Ezzeddine Saïdane a rappelé que la dette publique en 2000 était de 58% du PIB. Entre 2000 et 2010, la Tunisie a gagné un point par an pour atteindre en 2010 un taux d'endettement de 38% du PIB. «Actuellement nous avons atteint un taux d'endettement de 75%, sans compter les garanties accordées par l'Etat aux entreprises publiques. Si on avait suivi ce rythme, on serait à un taux d'endettement de 40% du PIB. Ceci aurait permis à la Tunisie de changer sa politique de change, d'investir dans l'infrastructure, d'améliorer les services publics (éduction, santé, justice, sécurité, etc.).», a-t-il précisé. Le budget de l'Etat est passé de 18 milliards de dinars en 2010 à 32,4 milliards dinars en 2017, soit une augmentation moyenne de 10 à 11% par an alors que l'économie était en stagnation. On avait donc un déficit budgétaire, qui a dû être comblé par un endettement intérieur et extérieur, et d'une façon exorbitante. Ainsi, chaque citoyen, quelque soit son âge, doit supporter une dette extérieure (et non pas publique) de 6.000 dinars contre 2.800 dinars en 2010.
Il a, également, considéré que certains commentateurs font des comparaisons qui ne sont pas appropriées concernant la dette tunisienne, en la comparant par exemple à celle du Japon qui est de 200%. Il a précisé que le Japon n'a aucune dette extérieure et que c'est une politique choisie par ce pays. Le Japon prête au FMI, à la Banque mondiale, à la BAD ainsi qu'à d'autres pays. Si la Tunisie réalisait une croissance de 6% à 7%, un taux d'endettement de 80% ne serait pas alarmant. Mais avec notre situation économique, un taux d'endettement de 60% est inquiétant. «Pour être réaliste, si le FMI n'avait pas débloqué les fonds le 13 juin dernier, que serait-il passé ? On aurait été dans une situation financière grave», a-t-il noté.
Pour lui, nos politiques, choix et manière de gérer les affaires publiques ont conduit à ce désastre économique. La politique "Go&Stop" a été choisie pour gérer le budget public dès 2012, ouvrant les dépenses pour activer l'économie. Ce qui a été une mauvaise décision, notamment en faisant des recrutements par dizaine milliers dans la fonction publique, sans que l'administration soit dans le besoin ou que l'Etat ait la capacité de prendre en charge des augmentations salariales exorbitantes, les dédommagents, etc. alors que l'investissement a pratiquement cessé.