Wided a osé ! Elle a brandi la menace ultime, celle de fermer toutes les entreprises en guise de contestation contre la Loi de finances telle que présentée par le gouvernement. Elle avait auparavant dit que l'UTICA se retirerait de l'Accord de Carthage si cette Loi de finances n'était pas révisée. Le moins que l'on puisse dire c'est que Wided Bouchamaoui n'a pas l'habitude de faire ce genre de déclarations. Elle n'est pas coutumière de la menace et des déclarations tonitruantes, mais les choses semblent avoir atteint un niveau intolérable pour les entreprises et le vase a largement débordé. D'autant plus que parmi toutes les propositions de l'UTICA, rien ou presque n'a été retenu.
Il est vrai que cette menace est plus symbolique qu'autre chose. Il est difficile d'imaginer toutes les entreprises fermer d'un coup car ces entreprises doivent trouver de quoi payer leurs employés et leurs charges, elles. Il est vrai aussi que cette menace ne s'accompagne pas d'un pouvoir de nuisance conséquent. Une simple grève des transporteurs d'hydrocarbures a plus d'impact sur l'opinion publique que les menaces de l'UTICA. Cela n'a, évidemment, pas empêché les réactions aux propos de la patronne des patrons. A commencer par celle du toujours élégant Sami Tahri, secrétaire général adjoint de l'UGTT, qui s'est demandé si les fermetures d'entreprises concerneraient les « dépôts à torchons » et les « garages de bagnoles », faisant ainsi référence aux activités commerciales de la famille Bouchamaoui. Comme si l'UGTT était la mieux placée pour s'indigner des menaces et des chantages. C'est peut-être le fait de voir leur fonds de commerce menacé qui les fait réagir de la sorte.
Mais la réaction la plus scrutée est celle de l'exécutif, représenté par Youssef Chahed. Ce dernier s'est rebiffé et a déclaré que le gouvernement ne travaillait pas sous la menace. Il a aussi déclaré, en passant, que l'UTICA était un partenaire stratégique dans l'Accord de Carthage, le dialogue était toujours possible, et autres banalités sans importance. Quoi qu'il en soit, le chef du gouvernement a refusé la menace. Une posture de vrai homme d'Etat qui mérite d'être saluée et qui rentre dans le cadre du rétablissement du prestige de l'Etat. Encore faut-il qu'il soit cohérent, et qu'il refuse la menace d'où qu'elle vienne. Ce qui n'est pas le cas. Revenons à l'UGTT. La centrale syndicale a bien joué son coup en se posant comme le seul vrai protecteur politique de Youssef Chahed. La baliverne de l'unité nationale et les laïus du consensus ne résistent pas longtemps devant la réalité des faits et des chiffres. Donc, la seule « ceinture politique » dont dispose le chef du gouvernement lui est fournie par l'UGTT. Cette dernière se permet donc de dicter sa loi et de, non seulement menacer le gouvernement, mais en plus de lui assigner ses champs d'intervention. Sans même remonter loin dans le temps et en s'épargnant le pénible exercice de l'inventaire des menaces de l'UGTT, il suffit de relire le dernier communiqué à propos de la Loi de finances. Une phrase cristallise tout le pouvoir de l'UGTT et illustre l'incapacité du gouvernement à rétorquer : « les entreprises publiques sont une ligne rouge ». Réponse du gouvernement : il n'y a pas de ligne rouge et on discute de tout avec l'UGTT. Admirez ici la fermeté et l'intransigeance du gouvernement qui « ne travaille pas sous la menace ». Le syndicat ajoute également qu'il n'est même pas question de revoir, de négocier ou même de reporter les augmentations de salaires, le gouvernement n'a encore rien dit –de concret s'entend- à ce propos. Inutile de rentrer dans le détail des autres décisions du syndicat que le gouvernement s'empressera d'exécuter sans broncher.
Donc, c'est bien de se montrer ferme, intransigeant, de fanfaronner et de tancer les uns et les autres. Toutefois, il faut être cohérent et avoir ces qualités avec tous les partenaires sociaux. Il faudrait tracer sa voie et la faire aboutir, n'en déplaise à ceux qui font des calculs de court terme. N'est-ce pas monsieur Chahed…