« Il suffit de deux gouttes d'eau pour que le pays s'arrête », « Un quart d'heur de pluie et on est dépassés ! », « Il se passerait quoi s'il neigeait ? », voilà le genre d'interrogations que se posent les Tunisiens à chaque fois qu'ils constatent que les infrastructures ne sont plus suffisantes pour absorber, en serait ce qu'une petite pluie. En réalité, les responsabilités sont bien plus partagées qu'on ne le pense.
L'arrivée d'une pluie aussi généreuse en Tunisie, en ce début de mois d'août, devrait être une excellente nouvelle, surtout en ces temps de disette hydrique. Même si le fait de savoir que le niveau des eaux augmenté à Medjerda par exemple, ne peut que nous faire plaisir, il serait malhonnête de faire l'impasse sur toutes les limites qu'ont montré les infrastructures tunisiennes. Ainsi, après à peine dix minutes d'une forte pluie, les rues commençaient à se remplir, les maisons commençaient à être envahies d'eau et même les égouts commençaient à régurgiter l'eau au lieu de l'absorber. Quelque soit la saison, chaque pluie vient mettre à jour l'incompatibilité des infrastructures tunisiennes avec les réalités climatiques que l'on connait déjà depuis des années.
En parlant de problème d'infrastructures, il est utile de signaler l'effondrement d'un pont entre les villes de Testour et de Touboursouk au niveau de Oued Toubech sur la RN 5. Pour les non coutumiers de cette route, il est utile de savoir qu'il s'agit d'un axe routier très fréquenté qui dessert pratiquement toutes les régions du centre ouest. C'est dire que l'effondrement de cette parcelle aurait pu avoir des conséquences bien plus graves que ce que l'on a vu. Toutefois, il faut également saluer la réaction extrêmement rapide des services du ministère de l'Equipement qui ont travaillé une grande partie de la nuit pour que la route redevienne au moins praticable dès le lendemain matin. Le ministère promet également, dans un communiqué daté du 5 août 2018, qu'une « étude approfondie sera menée pour connaitre les raisons du glissement de la route, les moyens de la réparer et de la protéger dans les plus brefs délais ».
Malgré cela, il serait trop facile de tout mettre sur le dos des infrastructures et des ministères concernés. L'état de saleté des rues tunisiennes est tel que la majorité des canalisations d'évacuation des eaux de pluie sont obstruées par les bouteilles, les sachets en plastique et autres déchets. Certes, il y a eu, au printemps dernier, une campagne pour tenter de déboucher les canalisations et pour draguer les canaux d'évacuation, mais il y en a tellement qu'il est impossible d'en venir à bout en si peu de temps. Quoi qu'il en soit, ce sont les déchets jetés par les gens dans la rue sont l'une des principales causes d'inondation par la suite. D'ailleurs, la saleté des rues et la situation environnementale ont fait partie des principaux thèmes abordés par les candidats aux élections municipales. Maintenant, que les gagnants de ces élections sont en poste, les attentes en termes d'hygiène et d'environnement sont grandes à travers toute la Tunisie et les responsables locaux vont devoir se retrousser les manches pour venir à bout de ce fléau.
Entre le ministère de l'Equipement, les collectivités locales et l'ONAS, la responsabilité de la gestion des canalisations et de l'évacuation des eaux de pluie semble diluée entre plusieurs centres de décision. Entre temps, à chaque intempérie, les mêmes problèmes continuent de se poser aux Tunisiens : inondations des maisons, transport en commun indisponible, difficulté de circulation des véhicules et des personnes… Et la résolution de ces problèmes dans l'urgence mobilisera encore de gros moyens, en attendant de trouver des solutions structurelles à un problème récurrent.