Ils sont plus de 10 mille fidèles tunisiens qui effectuent en ce mois d'août 2018 le pèlerinage de la Mecque. Le cinquième pilier de l'Islam n'est obligatoire que pour les personnes qui en ont la capacité financière et physique. Aux yeux de beaucoup de nos concitoyens, le grand pèlerinage aux lieux saints représente le projet d'une vie à accomplir au moins une fois. Sauf que voilà, le Hajj est devenu un business et son coût ne cesse de flamber, ce qui pousse des milliers de Tunisiens à s'endetter pour l'accomplir. C'est un rite religieux millénaire qui puise son origine d'une tradition antérieure à l'Islam, un rite chargé de spiritualité auquel aspire tout musulman. Ce fantasme absolu pour les uns, fait le bonheur et surtout remplit très bien les poches des autres. Le Hajj est la deuxième source de revenus après le pétrole pour le royaume des Saoud qui, depuis quelques années, accélèrent le développement du tourisme religieux. Il faut dire que les revenus du pèlerinage rapportent des milliards de dollars au royaume wahhabite et la tendance est à la hausse. Pour engranger plus de bénéfices, les Saoudiens ambitionnent d'accueillir encore plus de pèlerins. Les grands chantiers et les transformations notamment au niveau de l'esplanade de la Grande mosquée en témoignent. Mais ce n'est pas fini, en businessmans halal, ils imposent de nouvelles taxes à certains pays. C'est le cas de la Tunisie.
Sous nos cieux, les frais du Hajj pour la saison 2018 ont été fixés à 11.710 dinars par personne. Cela doit comprendre le paiement du billet d'avion, les services relatifs au pèlerinage et l'hébergement. Bien évidemment, le pèlerin est amené à avoir des dépenses personnelles. Les boutiques aux abords de la Grande mosquée de la Mecque ne désemplissent pas. On s'y rue pour acheter souvenirs et cadeaux. Pour ce faire l'allocation touristique du pèlerin tunisien est fixée aux environs de 5000 dinars. En 2017, les tarifs du pèlerinage avaient été fixés à 9.510dt, la hausse de cette année s'explique par l'imposition d'une nouvelle taxe par les Saoudiens. Le PDG de la société des Services nationaux et des résidences, Moez Boujamil a ainsi précisé que l'augmentation du tarif du pèlerinage est principalement justifiée par l'augmentation du prix de change du riyal saoudien et des nouvelles taxes saoudiennes appliquées aux services liés au pèlerinage. Nos réserves en devises déjà en crise s'en ressentiront, mais ça, c'est une autre paire de manches…
A l'annonce donc de la hausse des tarifs, toute une campagne a été menée sur les réseaux sociaux pour inciter les potentiels pèlerins à boycotter le Hajj. D'aucuns invoquaient la nécessité de préserver les réserves en devises, d'autres celle de ne pas renflouer les caisses de la monarchie wahhabite. Le syndicat des imams tunisiens s'était joint à cette campagne en interpellant le mufti de la République afin d'annuler le pèlerinage à travers une fatwa. Ils avaient alors fustigé le coût exorbitant qui poussera certains Tunisiens à se saigner pour accomplir les rites sacrés. Une position qui a fait réagir le mouvement Ennahdha qualifiant ces appels au boycott de « douteux » et « pouvant parasiter les relations étroites entre la Tunisie et l'Arabie Saoudite sous des prétextes économiques et idéologiques ». La Fédération tunisienne des agences de voyages et de tourisme (Ftav) avait, elle aussi dénoncé l'augmentation des tarifs du pèlerinage de la Mecque. Une hausse qui s'élève à 2200dt par rapport à l'année précédente. L'une des solutions pour réduire les coûts selon la Ftav, est que les autorités tunisiennes libéralisent le marché au profit des agences de voyages tunisiennes, d'autant plus que celles-ci avaient démontré leur professionnalisme lors de l'organisation de la Omra, avec des prix abordables et un service de qualité. Ainsi, la libéralisation du marché devra avoir un impact positif sur la qualité des services, qui ne peuvent être améliorés tant que le secteur reste monopolisé par un seul prestataire. La concurrence aboutira à une régulation des prix offerts aux pèlerins. Selon la Ftav, le pèlerin tunisien a le droit de choisir son voyagiste, puisque un seul prestataire ne peut s'occuper de 10 mille pèlerins à la fois. Chose confirmée par les drames survenus durant ces dernières années. Rien qu'en 2017, des centaines de pèlerins se sont perdus pendant plusieurs jours, sans parvenir à les retrouver, laissant les familles sans nouvelles du sort des leurs.
A la procédure complexe (les Tunisiens doivent déposer leurs dossiers pour le tirage au sort avec un temps d'attente qui s'étend sur plusieurs années), s'ajoutent des tarifs qui ne cessent d'augmenter à chaque saison et des services qui ne sont pas toujours satisfaisants au final. Certains de nos concitoyens, décidés à fouler le sol des lieux saints à tout prix, iront même jusqu'à s'endetter auprès des banques. Ceux qui ne peuvent pas accéder aux services bancaires emprunteront auprès des membres de leur famille ou même des voisins ! D'autres iront même jusqu'à vendre des biens ou des propriétés familiales pour accomplir « le voyage d'une vie ». Tout cela pour alimenter les caisses de la dynastie des Saoud qui ont fait du pèlerinage une vaste entreprise commerciale ne reculant devant rien pour accroître leurs profits, quitte à raser, à titre d'exemple, les maisons des compagnons du prophète et même celle du prophète. Une mainmise sur une manne en or qui exploite les convictions religieuses de millions de musulmans dans le seul intérêt de rapporter plus de revenus.