Après avoir annoncé son remaniement ministériel, le chef du gouvernement passera devant l'Assemblée des représentants du peuple, dans la journée du 12 novembre 2018, pour avoir la confiance des députés pour sa nouvelle formation. Bien que le passage devant le parlement n'est pas imposé par la Constitution, il demeure la meilleure démarche pour acquérir la légitimité nécessaire face à la situation actuelle de la scène politique nationale. Le chef du gouvernement, Youssef Chahed avait annoncé le remaniement ministériel, il y a déjà une semaine. Cette annonce a ébranlé la scène nationale, pourtant il n'y avait aucune surprise, puisque le remaniement était attendu depuis des semaines, voire même des mois. Toutefois, l'annonce a été suivie par une vague de critiques et de lectures juridiques et constitutionnelles dans leur majorité. D'ailleurs, certaines personnes ont déduit que le chef du gouvernement ne passera même pas devant le parlement pour le vote de confiance, en se basant sur le fait qu'il avait indiqué : « j'ai décidé d'opérer le remaniement suivant ». Pour eux, la formule choisie par le chef du gouvernement impliquait une décision ferme. Outre la polémique déclenchée à propos de la nécessité d'informer ou pas le président de la République. Chose qui a amené, Béji Caïd Essebsi à tenir une conférence de presse pour tirer au clair ce débat et affirmer qu'il a été informé par Youssef Chahed, malgré ses réserves autour de la démarche adoptée, qualifiée de « précipitée », selon lui.
Face à toutes ces lectures et tous les procès d'intention, Youssef Chahed a adopté la démarche traditionnelle et se présentera devant le parlement pour demander la confiance pour sa nouvelle équipe. Un exercice nécessaire afin de pouvoir poursuivre l'action gouvernementale en bénéficiant de « la légitimité » requise au milieu de toutes les voix clamant son départ, et selon lesquelles, Youssef Chahed n'aurait plus aucun soutien politique et devrait quitter son poste, à moins d'obtenir la confiance du parlement.
Ainsi, le chef du gouvernement devra réunir 109 voix pour obtenir la fameuse confiance. En observant de près la nouvelle composition du parlement à la suite du mercato des députés, on constate que le remaniement opéré par Youssef Chahed pourrait récolter, aisément, les voix nécessaires. En effet, le premier parti au parlement, à savoir le mouvement Ennahdha s'est toujours positionné en faveur de la stabilité gouvernementale, auquel s'ajoute le bloc de la coalition nationale, également, favorable au remaniement ministériel. Le troisième bloc qui adhère à ce changement est le bloc Machrouû Tounes. Tout calcul fait, la nouvelle formation de Youssef Chahed pourrait récolter 122 voix. Cela sans compter sur les 51 députés de Nidaa Tounes, qui n'ont toujours pas affiché une discipline exemplaire. On se rappelle, dans ce contexte, du coup de théâtre des députés de Nidaa lors du vote de confiance pour le ministre de l'Intérieur, Hichem Fourati. Après avoir assuré qu'ils n'accorderont pas la confiance au candidat du chef du gouvernement, un changement de décision a été effectué à la dernière minute et tout le bloc a voté en faveur du nouveau ministre. Cependant, le parti vainqueur aux dernières législatives a choisi cette fois-ci de se positionner dans l'opposition, sommant ses ministres de faire le choix entre le parti et le gouvernement. Un choix, apparemment, évident puisqu'aucune démission du gouvernement n'a été enregistrée pour le moment. Hafedh Caïd Essebsi à la tête de Nidaa Tounes n'a plus de mot à dire au sein du parti, ou ce qu'il en reste malgré sa fusion avec Slim Riahi. La dizaine de députés qu'il a pu conquérir à travers cette manœuvre ne lui a, finalement, servi presque à rien, mis à part la perte de plusieurs fidèles du parti qui ont refusé cette nouvelle alliance, estimée contre-nature.
En tout état de cause, le chef du gouvernement procèdera à l'exercice traditionnel de l'Assemblée des représentants du peuple. Une démarche, bien que non imposée par la Constitution, qui lui confèrera la légitimité et l'aisance nécessaire à la poursuite de ce qui reste de son mandat, surtout, avec l'approche à grands pas des échéances électorales. Gagner la confiance du parlement coupera court à tous ceux qui remettent en cause le soutien politique du chef du gouvernement. En choisissant le jeu de la démocratie, il est nécessaire d'en accepter les règles.