La loi de Finances 2019 a bel et bien été votée au parlement. Et bien qu'elle ne contienne aucune disposition polémique, certains députés ont réussi à en créer, laissant apparaître une face communiste qui, jusque-là, a démontré, dans une certaine mesure, ses limites. Débats houleux et manœuvres législatives, focus sur les communistes du parlement. La loi de Finances pour l'année 2019, a été adoptée à l'Assemblée des représentants du peuple le 10 décembre 2018, avec 113 voix pour, 36 contre et 11 abstentions. Et comme à l'accoutumée, les débats étaient houleux et mouvementés, malgré le fait que certains experts, à l'instar de l'ancien ministre Hakim Ben Hammouda, estiment que le PLF 2019 présenté par le gouvernement manque d'imagination et de créativité et s'inscrit dans une logique de continuité de son précédent, avec des politiques financières et une vision des plus classiques. D'autres experts vont, même, jusqu'à estimer qu'il s'agit d'un PLF électoral qui ne représente aucune ambiguïté.
Toujours est-il, plusieurs députés n'ont pas dérogé à la règle caractéristique de notre parlement, et se sont lancés dans des débats hystériques pour défendre des propositions additionnelles au projet présenté par le gouvernement, dévoilant une tendance communiste. Ce fût le cas, pour la proposition formulée, principalement, par les députés du bloc démocrate. Il s'agit de l'article additionnel 22 qui prévoit le financement des caisses sociales à travers une contribution exceptionnelle de 1% du chiffre d'affaires des banques, des assurances, des opérateurs de télécommunications et des sociétés pétrolières. Défendue farouchement par certains députés, à l'instar de Salem Labiadh ou encore Zouheir Maghzaoui, cette proposition a été approuvée avec 81 voix pour, 37 contre et 16 abstentions. Sauf que « les nouveaux communistes » de l'ARP n'ont pas eu suffisamment de temps pour crier victoire, puisque la mise en application de cet article a été reportée pour l'année 2020, sur proposition du gouvernement. Cette proposition a été adoptée, un jour plus tard, avec 100 voix pour, 30 contre et 11 abstentions. Ces députés ont crié, donc, au scandale, accusant certains hommes d'affaires et autres lobbys d'avoir exercé des pressions sur le ministre des Finances ainsi que sur les députés pour bloquer « cette mesure révolutionnaire », tançant, par la même occasion, le rétropédalage du bloc d'Ennahdha qui est revenu sur le soutien qu'il a accordé à la proposition initiale.
Outre les interventions embrouillées des députés du bloc démocrate, on enregistre, aussi, les positions tranchées des députés du Front populaire qui ont estimé qu'il s'agit d'une loi de Finances sur-mesure répondant à exigences des lobbys et à une certaine minorité riche, qui financent les campagnes électorales au détriment du simple citoyen. D'ailleurs, le président de la commission des Finances à l'ARP, Mongi Rahoui a assuré que certains articles de la LF 2019 ont été taillés sur mesure pour certaines personnes et ne répondent pas à des critères objectifs. « Une enquête sera ouverte à cet effet. Passer ce genre d'articles est suspect et implique une corruption pour servir les intérêts de certains. Les députés de la coalition au pouvoir étaient même prêts à bloquer toute la loi de Finances si ces articles ne seraient pas votés ! »
Face à tout ce débat, l'expert en économie, Moez Joudi s'est exprimé appelant à arrêter ce qu'il appelle tromper les Tunisiens. « L'impôt sur les bénéfices pour les banques, les sociétés pétrolières, les sociétés de telecoms, les franchisés et les concessionnaires de voitures est de 35%, ce qui est considérable. L'impôt sur les bénéfices pour les grandes surfaces est de 25% et il est prévu qu'il passe à 35% le 1 janvier 2020, ce qui est aussi considérable. Ces sociétés ont des commissaires aux comptes et des auditeurs qui les scrutent à la loupe, l'administration fiscale les suit au quotidien et elles paient leurs impôts au millime près avec des contrôles fiscaux réguliers. Dans d'autres pays développés, l'IS est à 10% et 15%, donc en Tunisie il est relativement élevé. Avec ça, vous voulez quoi ? Un impôt sur les bénéfices de 50% ? C'est quoi ce communisme qui s'est installé dans ce pays ? Depuis 2011, la Tunisie est gérée économiquement à l'extrême gauche et le résultat est là: une situation de quasi-faillite économique et financière! Trop d'impôt tue l'impôt, c'est une règle élémentaire! Quand on taxe à 40% et à 50%, il n'y aura plus de prise de risque, il n'y aura plus d'initiative privée et il n'y aura plus d'investissements ni de production ni de création d'emplois! C'est le secteur privé qui est entrain de tirer l'économie du pays et de créer le minimum de richesses qui restent! Taxer à 40% et à 50% pour en faire quoi ? Des salaires dans l'administration en plus et des dépenses publiques encore plus faramineuses ! Taxer à 40% et à 50% pour en faire quoi ? Pour développer et consolider encore l'économie informelle et parallèle ? On est déjà dans le précipice dans ce pays et on creuse, on creuse, on creuse…on ne s'ennuie pas de creuser encore et encore et de s'enfoncer encore plus! ». Une autre réponse à cette polémique est venue droit de l'ancienne secrétaire d'Etat à la Jeunesse, Faten Kallel, qui, elle, a opté pour l'ironie dans sa réaction. « Chaque année, on découvre l'existence de tendances communistes ! Je suggère une bonne fois pour toutes d'exclure toutes les activités économiques privées notamment les grandes surfaces, l'importation des véhicules, des vêtements et des aliments, les activités pétrolières, les banques, les hôtels et les opérateurs téléphoniques. Je suggère également de fermer ou nationaliser les activités lucratives. C'est inacceptable qu'il y ait des personnes qui s'enrichissent alors que nous regardons ! Toutes les entreprises doivent être comme les entreprises publiques en sureffectif et en faillite ! Ainsi, nous réaliserons la justice et reviendrons à la Tunisie des années 80 ! »
En tout état de cause, la loi de Finances a toujours été le sujet de débat survolté et source de polémique. Cela dit, face à la situation de crise économique que traverse le pays, il est nécessaire que tous les acteurs de la scène nationale fassent preuve de pragmatisme et de créativité, évitant les clichés populistes au profit de réelles mesures afin d'impulser les moteurs économiques et favoriser la croissance et la création de richesse. Et comme le disait Winston Churchill dans une fameuse répartie : « Sous le capitalisme, les gens ont davantage de voitures et sous le communisme ils ont davantage de parkings ».