Pour qui voter ? La question tracasse une grande partie des Tunisiens en cette période électorale. Et si certains hésitent encore et cherchent un choix qui pourrait répondre à leurs aspirations, d'autres ont déjà pris leur décision et ont opté pour le fameux vote blanc. Mais, finalement cela veut dire quoi au juste ? « Le bulletin blanc : tout bulletin de vote ne contenant aucun signe de quelque nature qu'elle soit », précise, ainsi, le Code électoral tunisien. Concrètement, c'est le fait de ne voter pour aucun des candidats, ou aucune des propositions dans le cas d'un référendum. Et même s'ils sont comptabilisés et séparés des bulletins annulés, les suffrages blancs n'entrent pas en compte dans le calcul du quotient électoral. Malgré cela, cette option est envisagée par plusieurs personnes qui ne sont convaincues par aucun des deux candidats retenus au second tour de la présidentielle. Considérant que ni Kaïs Saïed aux alliances dangereuses et au programme théorique inapplicable, ni Nabil Karoui aux suspicions de corruption et de blanchiment, ne les représentent et ne répondent à leurs aspirations, ils ont choisi de voter blanc. Ce vote entre l'abstention et le vote nul constitue un geste citoyen et une façon d'exprimer plutôt une position, d'autant plus que le vote blanc n'entre point dans le résultat définitif des élections si ce n'est que conforter la position du favori. Dans ce contexte, Kamel Jendoubi, avait indiqué dans une longue tribune : « Aucun des deux candidats gagnants du premier tour ne m'inspire confiance. Aucun des deux ne me rassure sur l'intégrité de l'Etat et sa bonne conduite. Je refuse donc de choisir entre Kaïs Saïed et Nabil Karoui. La vérité est que je ne les connais pas. Ils sont sortis de l'ombre d'une Tunisie que je côtoie mais que je n'ai pas suffisamment pris la peine d'analyser. […] Alors quel choix dois-je faire? Celui de l'abstention et du refus de voter ! Assurément pas, moi qui ai milité toute ma vie […]. Il ne me reste donc que le bulletin blanc : « un bulletin de vote qui ne comporte aucun signe quel qu'il soit ». J'irai voter même si ma voix ne sera pas comptabilisée parmi les voix exprimées. En faisant partie du comptage des bulletins blancs, mon vote exprime et signifie que ce qui m'est proposé ne me convient pas ».
Toutefois, l'option du vote blanc reste contestée par de nombrex observateurs qui estiment que « l'heure est tellement grave » qu'il est nécessaire de départager les deux candidats en votant pour l'un d'eux. Que ce soit en faveur de Kaïs Saïed ou Nabil Karoui, chacun a ses arguments, considérant qu'il est tout à fait inutile de voter blanc, dans la mesure où, le bulletin n'est pas comptabilisé et que c'est plutôt une voix perdue. C'est d'ailleurs, ce qu'a indiqué, l'universitaire Olfa Youssef. « Pratiquement, le vote blanc n'a aucune valeur, parce que notre législation ne le considère, malheureusement, pas. D'un point de vue procédural, le vote blanc permet de mettre une croix pour l'un des deux candidats, le mieux c'est barrer ou d'écrire sur le bulletin de vote et dans tous les cas, ça sera considéré comme un bulletin annulé. Politiquement, le vote blanc est une manière de fuir le combat. Ethiquement, le vote blanc est respectable s'il s'agit d'une problématique de conscience de l'électeur, c'est une responsabilité individuelle et morale. Toutefois, elle ne permet pas de se positionner dans l'opposition dans la mesure où celui qui a voté blanc n'est pas responsable de la suite des évènements. Il est similaire à celui qui profite des augmentations sans être affilié au syndicat ou encore celui qui « profite » de la réduction de son salaire au profit des bénéficiaires de l'amnistie générale », a-t-elle écrit sur sa page.
En tout état de cause, le vote blanc est beaucoup plus une expression et une manière de faire parvenir sa voix. A mi-chemin entre l'abstention et le vote nul, il constitue un message à la classe politique et une manière de jouir de son droit au vote sans avoir à faire un choix dont on n'est pas convaincu. Cela dit, et sur le plan pratique, cette manière de s'exprimer n'est qu'un simple chiffre annoncé lors de la proclamation des résultats sans le moindre impact sur le résultat final. Cette tendance serait-elle donc une manière d'exprimer son mécontentement de l'offre politique qui se présente ? Ou bien un moyen de se dérober de sa responsabilité face à un choix déterminant de l'avenir de la Tunisie durant les cinq prochaines années, voire même plus? Une chose est sûre cependant, selon le code électoral tunisien, voter blanc ne changera rien au résultat des votes et n'aura donc aucune incidence « réelle »...