Gare à celui ou celle qui ose critiquer le président de la République fraîchement élu, Kaïs Saïed. Sur les réseaux sociaux, le phénomène en devient inquiétant. La somme de haine déversée par les supporters du nouveau chef d'Etat, en est arrivée au point des menaces à peine voilées. Les essaims numériques pro-Saïed, agressifs, dogmatiques et extrémistes à souhait, nous rappellent les méthodes des LPR et autres jeunesse d'Ennahdha sous la Troïka. La différence ici, c'est que ces hooligans de Facebook sont moins identifiables et surtout vouent un véritable culte de la personnalité à celui qu'ils ont propulsés au palais de Carthage. Ces militants-adulateurs du chef se lâchent par milliers sur les réseaux sociaux pour s'attaquer, pêle-mêle, aux adversaires et aux simples critiques visant leur nouvelle « divinité ».
Sans restrictions aucunes, sans qu'ils ne soient affiliés à une seule famille idéologique (on trouvera parmi eux, des apolitiques, des conservateurs, des islamo-révolutionnistes, des anarchistes, etc.), ils font bloc et fonctionnent en meute afin de faire taire toute parole, toute pensée qui s'oppose à cette singulière machine propagandiste. Il s'agit bien d'une propagande 2.0 et d'autoproclamés agents dévoués à la cause du « sauveur du peuple, futur bâtisseur d'un Etat purifié, réalisateur des objectifs révolutionnaires… ». Celui qui émettrait un avis contraire n'aura qu'à en assumer les conséquences. Celles-ci se manifestent par des dérives allant jusqu'à menacer les enfants des journalistes. Parce que oui, les premiers à subir la haine de l'essaim bleu sont les médias. Il ne s'agit pas d'une grande surprise dans cette logique totalitaire.
Déjà, en pleine course électorale les prémices d'une cabale anti-médias ont pointé du nez. En colère contre les chroniqueurs d'Elhiwar Ettounsi (pas très tendres avec le candidat Saïed), des internautes ont lancé une campagne de désabonnement. En à peine 24h, la chaîne avait perdu plus d'un million d'abonnés en plus des centaines de commentaires et de statuts venimeux. Kaïs Saïed n'était pas encore président, que les purges digitales se mettaient en place, efficacement. Les choses ont pris une nouvelle tournure lorsque certains supporters, emportés par l'euphorie de la victoire, ont tabassé les journalistes venus filmer les festivités après la proclamation des résultats. Ça a pris une autre dimension quand certains fans ont suggéré de faire exploser les plateaux de la chaîne Elhiwar ou de lyncher sur les places publiques tous les journalistes de « la honte » (qu'ils soient d'Elhiwar ou autre, peu importe ! l'essentiel c'est de les faire taire).
Un bel exemple de pratiques démocratiques de ces militants de la dernière heure se voulant, pourtant, les défenseurs de la démocratie telle que défendue par leur guide suprême. Aujourd'hui, une journaliste de la Radio nationale s'est vue insultée et menacée par ces énergumènes. On lui a clairement intimé de se tenir à carreau ou ses enfants en feraient les frais. Aujourd'hui, la militante Naziha Rejiba a demandé aux fans de Kaïs Saïed de cesser de le « sacraliser ». Résultat des courses : un torrent d'insanités et de menaces sans noms. (La liste des personnes harcelées et longue) Qu'en sera-t-il demain ? Peut-on craindre que les innombrables menaces virtuelles prennent racine dans la réalité ? Les partisans de Kaïs Saïed opèrent en toute impunité. Ils ont recours à des groupes Facebook fermés, pour la plupart, où ils partagent massivement leurs velléités tyranniques et où ils se mobilisent pour mener leurs attaques ciblées et méthodiques sur la toile. Essayez de devenir membre de l'un de ces groupes, et vous découvrirez un niveau de bassesse et de violence qui crèvent le plafond.
Quand bien même cette machine propagandiste se soit mise en place « spontanément » et sans que le président de la République n'en soit au courant au début, il est temps pour Kaïs Saïed de s'exprimer et de rappeler sa cyber-armée à l'ordre. Dans le cas contraire, et s'il continue à se taire cela voudra dire qu'il cautionne ces comportements. Cela induira qu'il est de ce fait le premier responsable des actes violents qui surviendront irrémédiablement.