Les fêtes de fin d'année approchent et qui dit fêtes de fin d'année dit bilan et résolutions. La fin de l'année est aussi l'occasion de revenir sur les faits insolites qui ont ponctué les contenus médiatiques, les réseaux sociaux, la scène politique et toutes les incartades qui ont fait le bonheur du public friand de quolibets et de « tanbir » comme on le dit en Tunisie. S'il est néanmoins un fait à retenir en cette année en Tunisie, c'est bien les élections législatives et le parlement haut en couleurs dont elles ont accouché et qui promet déjà d'être très drôle… Ingrédient surprise des législatives de 2019, les bien « piquants » députés d'Al Karama. Le parti essentiellement constitué de révolutionnistes proches des anciennes LPR obtient 21 sièges au parlement et se place ainsi en quatrième position après le parti vainqueur Ennahdha, Qalb Tounes et Attayar. C'est donc un nouveau florilège de bévues en tous genres que servent aux observateurs, depuis le moins d'août, ces personnages revenus de l'ombre et sur lesquels sont désormais braqués tous les projecteurs. Le président d'Al Karama, Seif Eddine Makhlouf, en est la parfaite illustration. Lui qu'on qualifie d' « avocat des terroristes » ne rate pas une occasion pour répandre ses lumières sur les médias ou sur les réseaux sociaux. Lui qui estime que le terrorisme est un épouvantail et qui qualifie le porte-parole de Ansar al-Chariâa d' « ami », ne cesse de s'attaquer aux fondements de la République et à ses fondateurs. Ainsi, il a déclaré que le portrait de Bourguiba devrait être enlevé des murs du palais de Carthage et remplacé par des tableaux représentant Al Quods. « On dépense pour ses anniversaires des milliards de dinars de l'argent des Tunisiens, il a fait de nous un pays sous-développé et a volé nos richesses » a lancé le député fraîchement élu lors d'un passage très remarqué à la télé. Seif Eddine Makhlouf avait également accusé les sécuritaires d'être impliqués dans les opérations terroristes en collaboration avec des parties étrangères. Propos qui ont poussé le Syndicat national des forces de sécurité intérieure à appeler le ministère public à l'ouverture d'une enquête contre Makhlouf.
Abdellatif Aloui, autre député de la coalition Al Karama a aussi enrichi le débat avec une « tribune » publiée sur les réseaux sociaux. Sous le titre « un peuple qui ne peut uriner à son aise, ne peut vivre heureux dans son pays », le député a rédigé un long texte où il est question des besoins naturels, pour condamner l'absence de toilettes publiques. Vraisemblablement très embêté par l'absence de toilettes publiques quand le besoin s'en fait urgent, le député y va de ces termes : « Chez nous, si le père et sa famille sont de sortie, ils rentreront après quelques heures au pas de course, tenant leurs « tuyauteries » pour ne pas mouiller leurs dessous » ! « Nous ne demandons pas de développement, ni d'électricité ou d'eau potable, ni transports en communs, ni d'espaces verts ! Nous voulons des toilettes. Si ce n'est pas possible, nous demandons à l'Etat de fournir aux citoyens des bouchons en liège ou en caoutchouc de toutes les tailles, afin qu'ils puissent boucher leurs orifices pour ne pas salir l'environnement ! » a enfin lancé l' « élu ».
Toujours dans ce même état d'esprit, et apparemment les plus « grands » se sont rencontrés à Al Karama, le député Zied Hechmi qui prêtait serment à l'ARP lors de la séance inaugurale n'a trouvé mieux pour entamer son mandat que de faire le signe de Rabâa. Les quatre doigts en l'air, l'élu reproduisait ainsi un signe des Frères musulmans pour s'opposer au coup d'Etat contre le président islamiste en Egypte, Morsi. Le député au sang chaud a aussi été impliqué dans un clash avec la présidente du PDL, Abir Moussi, qui n'a pas la langue dans la poche et qui a traité les députés Al Karama de Daechiens. « Tout ce que tu mérites c'est un seau d'eau et une serpillère », lui a lancé Zied Hechmi, très remonté. Encore une réplique qui en dit long sur l'esprit illuminé du député.
Autre nom, mais même profil, le député Maher Zid illumine aussi de sa présence l'hémicycle. Celui qui a assuré que les Djihadistes retranchés dans les montagnes ne sont que des chercheurs de trésors et qui pond à tout va des théories du complot plus aberrantes les unes que les autres, semble prendre son rôle de député très au sérieux. Tellement au sérieux, qu'il a très vite créé une page sur les réseaux sociaux nommée « le bureau du député Maher Zid » et s'est empressé d'aller au secours des voyageurs opprimés dans l'aéroport Tunis-Carthage où il est intervenu en faveur d'un passager concerné par la mesure S17. Rappelons que la procédure en question est imposée par le ministère de l'Intérieur aux personnes jugées suspectes. Elle stipule que ces personnes sont tenues d'informer l'administration des frontières de leurs voyages à l'étranger et même de leurs mouvements à l'intérieur du pays, et donne la possibilité aux autorités de leur interdire de se déplacer.
Le député Rached Khiari ne s'est pas fait attendre lui pour afficher ses positions extrémistes et dès la proclamation des résultats des élections, le député fraîchement élu a prononcé un discours enflammé devant le théâtre municipal de la capitale appelant à l'arrestation de l'homme d'affaires et lobbyiste Kamel Letaïf et au renvoi de l'ambassadeur de France à Tunis, Olivier Poivre d'Arvor. Déjà célèbre pour ses propos controversés, tout comme ses confrères, il avait par exemple invité la militante Bochra Belhaj Hamida, sur un plateau télé, à se marier et rester chez elle et affirmé qu'il allait revendiquer la peine de mort pour Abir Moussi, une fois au pouvoir. Des positions gonflées à la testostérone que le député de la Coalition Al Karama a bien résumé dans un post publié sur les réseaux sociaux le jour de la séance inaugurale du parlement. « Le bruit des bêtes était irritant mais nous sommes d'excellents cowboys » a écrit Rached Khiari commentant le clash qui a eu lieu entre la députée du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi et Rached Ghannouchi, président de la séance inaugurale et député d'Ennahdha. C'est vrai qu'à ce rythme, il ne manque que les chevaux aux élus Al Karama pour que le tableau soit complet.
Les positions des élus de la Coalition Al Karama ne sont un secret pour personne. Ils ont d'ailleurs été élus par ceux qui estiment que leur misogynie, leur révolutionnisme primaire ou encore leur extrémisme feraient d'eux de bons députés. Si leurs élucubrations sur les réseaux font rire les internautes, l'avenir risque toutefois d'être moins drôle. Ces mêmes personnes sont, en effet, aujourd'hui là pour légiférer et pour participer à gouverner la Tunisie…