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Il manque une Rolex à Kaïs Saïed et Habib Jamli
Publié dans Business News le 16 - 12 - 2019

Sami El Fehri sous le coup d'un mandat de dépôt est recherché et ne peut donc exercer son boulot à la tête de la deuxième chaîne la plus regardée en Tunisie. Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, les journalistes et chroniqueurs d'El Hiwar Ettounsi se sont bien assagis ces derniers temps. Finies les polémiques, les accusations et les rappels colériques des multiples casseroles de nos hommes et femmes politiques.
Nabil Karoui, poursuivi dans une sale affaire, risquant une mise en examen à tout moment et aux avoirs gelés, ne peut exercer, non plus, son boulot correctement à la tête de la 1ère chaîne télévisée du pays. On s'interroge même si ses salariés sont payés à temps et s'il ne va pas y avoir de licenciements à Nessma.
Du côté des autres médias, radios et presse écrite (imprimée et électronique), on est dubitatifs. S'ils ne sont pas poursuivis dans de longs procès épuisants, les patrons de presse ont du mal à boucler leurs fins de mois et à honorer leurs engagements financiers à l'égard de leur personnel. En attendant que cet orage passe et de voir le sort de leurs confrères de Nessma et d'El Hiwar, ils se la bouclent et font « boucler » (autant que faire se peut) les bouches de leurs journalistes.
Un des très rares secteurs qui s'est réveillé de sa léthargie, depuis la révolution, est en train de péricliter de nouveau avant même qu'il n'atteigne le niveau espéré par les citoyens, celui d'une presse libre et indépendante similaire à celle qu'on voit dans les pays démocratiques développés.
Les médias ne sont que le reflet de la société dans laquelle ils évoluent. Nous avons finalement les médias que nous méritons et ceci est, en partie, « grâce » aux dirigeants que nous avons.

La presse tunisienne est donc en train de se faire bâillonner petit à petit et ce par des méthodes assez cyniques. Des dizaines de médias ont dû mettre la clé sous la porte ces neuf dernières années, faute de financement suffisant. Les meilleurs, qui ont pu tirer leur épingle du jeu, se classent en deux catégories : ceux qui ont des poux ou suspectés d'avoir des poux sont intimidés par quelques magistrats aux ordres. Les autres, « clean » ou moins signifiants, sont ignorés et privés d'informations. Un média qui se respecte ne peut jamais vivre sans donner des informations croustillantes à son public. Et ces informations ne sont pas créées de toutes pièces, elles sont récupérées chez les hommes politiques, qu'ils soient de l'opposition ou du pouvoir. Et si ces derniers ferment la porte devant les journalistes, il ne saurait y avoir d'information. Ce ne sont pas les médias que nos politiques privent d'informations, c'est le public, c'est le citoyen, c'est le contribuable, c'est l'électeur. Disons le clairement et sans exagération, en ce qui concerne la liberté d'expression (et pas que) cette période est pire que celle de Zine El Abidine Ben Ali, de Moncef Marzouki et de Béji Caïd Essebsi.
Dans toutes les grandes démocraties, les différents dirigeants (président, ministres, hauts responsables) organisent des rencontres régulières (en off généralement et toujours hors caméras) avec des journalistes influents pour les briefer, leur expliquer leur démarche, les convaincre d'une telle orientation et d'une telle politique. Ces « leaders d'opinion » rencontrent les différents acteurs politiques, récoltent les différents ingrédients ici et là, se font leur propre idée de ce qui se passe et présentent ensuite le concentré de leurs réflexions dans un article d'opinion. Un article systématiquement orienté pour servir une cause et une idéologie dictées par la ligne éditoriale du média.

Quand on lit les articles touchant aux trois présidents du pays, Kaïs Saïed (présidence de la République), Rached Ghannouchi (assemblée) et Habib Jamli (primature), on ne trouve rien de croustillant, aucune analyse profonde, aucune idée de vers où l'on va et ce que l'on veut faire. Les raisons ? Ces trois là font un black out total et se sont emprisonnés tous seuls dans une bulle.
Rached Ghannouchi a déjà essayé la méthode des rencontres off et a pu « tester » tous les « leaders d'opinion » de la place. Il a perdu espoir en eux, il n'a jamais réussi à convaincre. Leur positionnement idéologique anti-islamiste fait que quoiqu'il dise, il reste inaudible. Une précision importante et curieuse, il n'existe aucun média à tendance islamiste vraiment influent et à grande audience.
Avant qu'il ne soit élu président, Kaïs Saïed a toujours entretenu de bonnes relations avec les médias. Sauf qu'il n'a jamais eu de relations rapprochées et de confiance avec des leaders d'opinion. Aucune confidentialité, ni avant, ni après son élection. En la matière, il est à des années lumière de ses deux prédécesseurs, Moncef Marzouki et Béji Caïd Essebsi. Si M. Marzouki n'a pas su entretenir et faire durer ses relations avec ses « amis » journalistes, il est bon de signaler qu'il s'est essayé à l'exercice et a accepté de rencontrer tout le monde ou presque, y compris ses critiques les plus virulents.
Avec feu Béji Caïd Essebsi, c'était le printemps. Les rencontres off avec les leaders d'opinion étaient nombreuses, en groupe ou en solo. Quand l'un de ses « journalistes-amis » multiplie les critiques virulentes et n'est pas d'accord avec sa démarche (notamment en période de guéguerre avec Youssef Chahed), il l'invitait à Carthage pour lui expliquer sa vision et laisse ensuite le journaliste conclure tout seul. Ça explique d'ailleurs comment plusieurs leaders d'opinion ont dû, sur le tard, mettre de l'eau dans leur vin lors des analyses relatives à M. Caïd Essebsi. Cette « vulgarisation » n'était pas destinée aux journalistes eux-mêmes, nous disait souvent le défunt, elle était destinée aux Tunisiens.
Quant à Habib Jamli, il navigue à vue. Il a préféré un format monologue sans contradicteur, celui du dialogue direct, comme le font tous les dictateurs et ceux qui ont un manque de confiance en eux-mêmes. M. Jamli a donc préféré la diffusion de vidéos dans lesquelles il parle pour ne rien dire et évite toute question qu'elle soit à une fin explicative, propagandiste ou critique.

Concrètement, et plus de deux mois après le début de son mandat de soixante mois, Kaïs Saïed n'a rencontré personne ou presque en off. Devant les caméras, par formalisme, il a accepté de recevoir les représentants de la profession. Ceux de la Haica attendent encore et c'est probablement à cause des frictions personnelles avec sa directrice de communication, Rachida Ennaïfer.
Cette dernière a reçu, il y a quelques jours, certains journalistes mais (le comble !) elle a refusé de leur donner son numéro de portable, les invitant à la contacter via le standard de la présidence. Deux mois après son élection, Béji Caïd Essebsi a déjà eu des rencontres avec tous ceux qui comptent dans les médias. Idem pour Emmanuel Macron ou Justin Trudeau et tout chef de l'exécutif qui sait faire de la politique et respecte les médias, la liberté d'expression et le citoyen.
Comment Mme Ennaïfer veut-elle établir de bonnes relations constructives et de confiance si elle méprise ceux qui font l'opinion dans un pays ?! Comment pourrait-elle « vendre » son président si elle agit comme si nous étions un Etat soviétique des années 70 ? Comment est-ce qu'on la contactera en cas d'urgence pour avoir l'information juste et de source digne de foi un samedi à minuit ? Comment son patron de président veut-il réussir sa mission s'il ne communique pas directement avec les « influenceurs » et se suffit des résumés de son équipe ?
La mode actuelle est aux réseaux sociaux. Plusieurs pensent que ce sont eux qui font l'opinion désormais, il suffit de communiquer directement via Twitter, Facebook ou Instagram pour toucher sa cible. La preuve est que c'est grâce à ces réseaux que Kaïs Saïed a gagné. Ce qu'il croit du moins. C'est ce que croyait aussi Moncef Marzouki. Rien n'est plus faux, car le format des réseaux sociaux ne peut être qu'un complément aux médias classiques. Les réseaux sociaux sont juste le modèle moderne et chic de la Pravda. La vérité, l'analyse, la réflexion, la cogitation, les propositions ne se trouvent jamais dans les réseaux sociaux, elles n'existent que dans les médias sérieux. Et c'est pour cela qu'aussi bien Emmanuel Macron que Boris Johnson continuent à recevoir discrètement et très régulièrement des leaders d'opinion de leurs médias les plus influents. D'ailleurs, ce qui alimente le plus les réseaux sociaux (notamment Facebook), ce ne sont pas les bobards et les « انشرها ولك الأجر », mais les articles et les vidéos publiés dans les médias classiques, qu'ils soient sérieux ou people.

Après avoir annoncé que son gouvernement allait être dévoilé au début de cette semaine, Habib Jamli a demandé un délai supplémentaire. Pourquoi ? Quand ? Qu'est-ce qui a bloqué ? Aucune information n'a filtré dans la presse et ce pour les raisons précédemment indiquées. Résultat, il ne renvoie aucune image de sérieux et laisse le public s'amuser avec ses chaussettes-éponge, sa pince à cravate et le cache misère derrière lui dans les vidéos. Il laisse les leaders d'opinion le comparer avec Sanna Marin, la toute nouvelle Première ministre finlandaise de 34 ans qui a composé son gouvernement en 24 heures. Il n'est pas exclu que les retombées de presse auraient pu être pires s'il a eu des entretiens privés avec les journalistes.
Habib Jamli sait-il que le temps c'est de l'argent ? Sait-il que c'est un suicide réel que de perdre le temps (proverbe anglais) ? « Si nous tuons le temps, celui-ci nous le rend bien », dixit un proverbe français.
Idem pour Kaïs Saïed qui s'approche de ses cent jours sans avoir rien accompli de particulier. Compare-t-il ce qu'il fait, et ce que fait son équipe, à ce que pratiquent ses homologues des pays démocratiques développés ? A-t-il une idée de ce qui se passe à l'étranger ? Il est vrai que l'exercice est assez difficile pour quelqu'un dont le passeport est invalide depuis 2014.

« Tout le monde a une Rolex. Si à 50 ans on n'a pas une Rolex, c'est qu'on a quand même raté sa vie », a dit en 2009 le célèbre publicitaire Jacques Séguéla. Séguéla qui a fait gagner François Mitterand et Nicolas Sarkozy et à l'origine des meilleurs slogans publicitaires gagnants.
Habib Jamli, et à degré moindre Kaïs Saïed, cherche à tout prix à soigner son apparat. A cet apparat, il manque donc une Rolex. Ceci sur la forme, s'il tient tant à être chic et ça devrait bien se marier avec sa pince à cravate et ses boutons de manchette.
Sur le fond, il est bon, aussi bien pour lui que pour M. Saïed, de régler leurs montres à la bonne date de 2019-2020. Perdre son temps est suicidaire, les médias sont incontournables pour « vendre son produit », la transparence est de rigueur, rendre des comptes est impératif, bien communiquer est vital, le silence est contreproductif, l'anachronisme est destructeur. Il s'agit là des leçons basiques tirées de l'ensemble des expériences passées des années 70-80 dans lesquelles semblent encore vivre MM. Saïed et Jamli, ainsi que certains de leurs conseillers.


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