Pour diriger sa direction de la communication, le chef du gouvernement Hichem Mechichi a choisi la néophyte Sameh Meftah. Un choix qu'il risque de payer cher s'il ne le révise pas dans les plus brefs délais. La dame multiplie les bourdes et cumule les hostilités et c'est la présidence du gouvernement qui en pâtit. Mercredi 28 octobre, 14 heures, le chef du gouvernement réunit les membres du conseil scientifique pour se pencher sur les nouvelles décisions à prendre dans le cadre de la lutte contre le covid-19. Tout le monde est conscient que les décisions seront douloureuses, mais personne n'a une idée précise de ce qu'elles seront. Médias et réseaux sociaux sont livrés à eux-mêmes et chacun y va de sa propre vision. Au même moment, en France, on bouillonne autour du même sujet. A la différence que les médias ont de vagues idées des décisions qui pourraient être prises, ce qui a pour avantage de préparer l'opinion publique à l'annonce qui sera faite, à 20 heures, par le président de la République lui-même. Des décisions douloureuses sont annoncées dont l'application est programmée pour le surlendemain afin que chacun se prépare. Juste après l'annonce, les médias ont embrayé pour expliquer les points évoqués par Emmanuel Macron, les mesures d'accompagnement aux entreprises frappées par les décisions de confinement, etc. A Tunis, à 20 heures, on attend encore la fin de la réunion de la Kasbah d'où rien ne filtre. Aucune déclaration pour calmer l'opinion publique (le peuple), même pas pour lui dire que des décisions vont être prises. Les journalistes sont appelés à deviner eux-mêmes, par leurs propres moyens, des bribes de décisions sans jamais être sûrs de quoi que ce soit. Il fallait attendre deux heures du matin pour que la Primature décide, enfin !, de publier un communiqué sur sa page Facebook. Deux heures du matin et un communiqué expéditif. Voilà ce à quoi ont droit les Tunisiens.
Si on voulait manquer de respect aux Tunisiens, et à tous ceux qui résident dans le pays, on ne s'y serait pas pris autrement. On a l'impression de vivre sous une dictature où le chef ordonne et le peuple exécute. Les décisions annoncées sont douloureuses et elles auraient dû être annoncées par le chef du gouvernement lui-même. Que nenni ! C'est par communiqué que l'on fonctionne ici ! A partir de quand ces décisions seront-elles appliquées ? Personne ne le sait, le communiqué ne le dit pas. Y aurait-il des mesures d'accompagnement aux entreprises touchées par les mesures prises ? Absolument aucune puisque le communiqué ne le mentionne pas. Que se passe-t-il à la Kasbah ? Pourquoi fonctionne-t-on ainsi ? Personne pour dire au chef du gouvernement que ce n'est pas possible de travailler par communiqués et qu'il est obligatoire, pour lui, d'annoncer lui-même les décisions ? S'il est indéniable que Hichem Mechichi assume toute la responsabilité de ce manque de respect envers les Tunisiens, il serait juste de voir ce qui se passe dans sa cuisine interne pour comprendre pourquoi il nous a servi ainsi ce mercredi 28 octobre. Dans chaque institution, il y a ce qu'on appelle une direction de la communication et c'est cette direction qui est responsable de l'image du dirigeant. A la Kasbah, cette direction est présidée par Sameh Meftah, une ancienne journaliste de la presse écrite où elle a multiplié les casseroles et les infractions à la déontologie. Elle est passée ensuite à Shems FM où elle est devenue animatrice, poste qu'elle cumulait avec un programme TV à Hannibal TV, chaine en situation irrégulière vis-à-vis de la Haica, gendarme de l'audiovisuel tunisien. Elle est l'épouse de Lotfi Mechri, rédacteur en chef à Nessma TV, chaîne également en situation irrégulière vis-à-vis de la Haica. Est-ce par l'effet « vu à la télé » ou par le lobbying de Nabil Karoui, patron de Nessma TV, que Sameh Meftah est entrée à la Kasbah ? On l'ignore. Mettre un journaliste dans un poste de communication, c'est comme appeler un ophtalmologue pour soigner un mal de dent. Les deux sont médecins, mais chacun a sa spécialité.
Pour revenir à cette débâcle du communiqué publié à deux heures du matin, c'est bel et bien la directrice de la communication qui en est responsable. De deux choses l'une. Soit elle a averti le chef du gouvernement que l'on ne peut pas communiquer ainsi avec le peuple, avertissement non suivi par Hichem Mechichi, auquel cas elle n'est pas suffisamment persuasive et elle est donc incompétente pour le poste. Soit elle ne l'a pas averti et elle est donc aussi incompétente. Dans un cas comme dans l'autre, c'est Hichem Mechichi lui-même qui assume la responsabilité d'un tel manque de respect envers ses concitoyens. Sameh Meftah n'est pas à sa première débâcle qui salit l'image de son chef et de la Primature. En cette même journée du mercredi 28 octobre, elle a reçu une délégation du Syndicat national des journalistes tunisiens, du syndicat d'Assabah et du syndicat de Cactus. Elle a refusé que le représentant syndical de Cactus prod, Walid Bourouis, puisse prendre part à une réunion prévue entre une délégation syndicale et le chef de cabinet de Hichem Mechichi, le chargé des affaires sociales à la présidence du gouvernement et Mme Meftah. Elle lui aurait signifié qu'il n'était pas le bienvenu à la réunion car il aurait publié des statuts hostiles au chef du gouvernement sur les réseaux sociaux. Suite à quoi, c'est toute la délégation syndicale qui a décidé de se retirer. Le SNJT a tout de suite publié un communiqué dénonçant ce comportement despotique d'une autre ère qu'on croyait révolue. Précédemment, elle a reçu une demande de tournage d'une agence audiovisuelle spécialisée dirigée par notre confrère Maher Abderrahman. D'habitude, ces demandes de tournage sont signées dans l'heure. Sauf que Sameh Meftah a réintroduit une nouvelle procédure, disparue de la Kasbah depuis près de dix ans. Désormais, elle veut consulter le ministère de l'Intérieur avant de signer ! Les consultations se font par écrit et suivent le cheminement bureaucratique chronophage. Maher Abderrahman avait besoin d'urgence de l'autorisation afin de faire délivrer un visa au journaliste Akram Khouzam appelé à faire un reportage en Tunisie. Sameh Meftah a donc envoyé un courrier au ministère de l'Intérieur pour se renseigner sur ce célèbre journaliste. En guise de réponse, on lui aurait dit que ce dernier travaille à Al Jazeera et qu'il ne serait pas le bienvenu. Elle envoie donc Maher Abderrahman balader. Le hic, c'est que M. Khouzam ne travaille plus à Al Jazeera depuis des lustres. Elle serait une bonne journaliste, Sameh Meftah l'aurait su. C'est soit que le ministère de l'Intérieur n'a pas mis à jour ses fiches, soit que la dame ne dit pas la vérité. Dans un cas comme dans l'autre, Mme Meftah a brillé par son incompétence dans cette affaire car la consultation du ministère de l'Intérieur est une pratique digne d'une dictature. Surtout quand le vis-à-vis est une boite tunisienne en bonne et due forme et que son patron, Maher Abderrahman, fait partie des journalistes connus pour leur professionnalisme et leur sérieux. Le SNJT a été saisi dans cette affaire et il a essayé de débloquer la situation, mais la dame a campé sur sa position.
Pour pouvoir évaluer le travail de la direction de la communication de l'ère Hichem Mechichi, il faut le comparer à ses prédécesseurs. Inutile de comparer à ce qui se pratique en France ou dans les grandes démocraties, on en est à des années lumière. Le dernier en date à occuper le poste fut Adnène Ben Youssef, directeur de la communication d'Elyes Fakhfakh. Avant lui, il y avait Mofdi Mseddi, directeur de la communication de Youssef Chahed. Aussi bien l'un que l'autre avaient des relations extraordinaires avec les médias. Ils étaient là le plus souvent au bout du fil, contrairement à Sameh Meftah qui ne répond quasiment jamais au téléphone. Impossible pour les journalistes d'offrir une bonne matière à leurs lecteurs/auditeurs/téléspectateurs, si le directeur de la communication ne répond pas au téléphone et ne leur donne pas l'information nécessaire et officielle. Que ce soit avec M. Ben Youssef ou M. Mseddi, les choses allaient d'une manière naturelle et toujours dans le droit fil de deux objectifs : pour les médias, c'est offrir une bonne information à leur public ; pour le directeur de la communication, c'est donner une bonne image du chef de l'exécutif. Idem du côté de Carthage avec Béji Caïd Essebsi où Moez Sinaoui et Firas Guefrech étaient toujours joignables et avaient d'excellentes relations avec les médias, leurs patrons et leurs journalistes. Il en est autrement avec l'ancienne directrice de la communication de Kaïs Saïed, Rachida Ennaïfer qui a terni l'image de son chef et entretenu de mauvaises relations avec la presse. Le président de la République a fini par s'en rendre compte et l'a poussée à la démission. Sameh Meftah est dans cette optique et, elle aussi, finira par être éjectée si elle ne se rattrape pas rapidement.
Pour entretenir de bonnes relations avec les médias, il faut tout d'abord respecter l'opinion des journalistes, même si elle est critique, surtout si elle est critique. En « sanctionnant » Walid Bourouis pour ses posts Facebook, Sameh Meftah a démontré qu'elle ne respecte pas l'opinion contraire et qu'elle n'ouvre la porte de la Kasbah qu'aux laudateurs ou aux journalistes susceptibles de le devenir. Ensuite, il faut ouvrir des canaux de communication, en livrant aux journalistes de l'information juste. Hors de question de les envoyer balader, en jouant à l'autruche, comme le fait Mme Meftah. Mercredi dernier, par exemple, elle aurait dû informer les journalistes que les travaux de la réunion s'éternisent, mais qu'il va y avoir un communiqué. C'est une erreur, une faute, que de laisser les médias (le public) sans information. L'idéal aurait été d'obliger le chef du gouvernement à temporiser l'annonce de ses décisions au jeudi pour en informer le public dans une déclaration télévisée. Mofdi Mseddi, Moez Sinaoui, Firas Guefrech ou Adnène Ben Youssef avaient les mots nécessaires pour convaincre leurs chefs de la bonne politique à entreprendre en matière de communication. Et un bon chef, c'est un chef qui suit les conseils de ses équipes. Sameh Meftah est à des années-lumière de ces bonnes pratiques, elle est en train de balayer le terrain pour créer une mauvaise image de son chef. Enfin, pour continuer à avoir de bonnes relations avec les médias, un bon directeur de la communication est dans l'obligation de planifier des tête-à-tête périodiques avec les journalistes les plus influents. C'est ce qu'ont fait tous les prédécesseurs de Mme Meftah. Au lieu de quoi, cette dernière a préféré lui présenter ses copines et ses copains, sans tenir compte du poids de chacun. Quant à ceux qui ne figurent pas dans sa liste d'amis, elle les a envoyé balader, en dépit de leur audience et de leur influence. Si jamais Sameh Meftah ne prend pas acte du communiqué incendiaire du SNJT et ne se rend pas compte de la très mauvaise image de son communiqué de deux heures du matin, elle va mener son chef du gouvernement droit à la dérive, comme a fait Rachida Ennaïfer avec Kaïs Saïed. Soit elle se rattrape dans les plus brefs délais, soit elle va finir comme elle. Tôt ou tard, Hichem Mechichi va se rendre compte de son mauvais casting, c'est inévitable, elle ne pourra en aucun cas lui cacher longtemps son incompétence et son mauvais comportement avec ceux qui étaient ses collègues il n'y a pas si longtemps.