En ces temps de début d'une nouvelle assemblée passablement agitée et de désignation chaotique d'un nouveau gouvernement, toute la médiasphère est tournée, et avec elle toute l'opinion publique, vers les tractations politiques, avec ce qu'elles comportent de rumeurs, d'affirmations suivies de démentis. Un tumulte auquel d'évidence il est difficile d'échapper ! Les questions : Quel gouvernement ? Pour quel soutien parlementaire ?... occupent de manière lancinante et agacée, si ce n'est de manière pénible et oppressante l'essentiel de nos compatriotes. Au même moment, mais passé inaperçu, dans cette effervescence cacophonique, le FMI sort de son silence. Le représentant résident du FMI se fend d'une interview publiée par « Il Boursa » site web discret, inconnu du grand public, mais à destination des élites économiques et politiques. Une interview qui intervient tout juste après celle filmée du représentant résident de la Banque mondiale, et qui dit en substance les mêmes choses. Répétition volontaire à caractère pédagogique ? Sans nul doute ! Même langage diplomatique, même insistance thématique, même admonestation, même préconisation. On aurait d'ailleurs quelque mal à déceler la moindre différence même entre les lignes. Le résident du FMI a de toute évidence choisi son timing : Celui où se décident les contours politiques du gouvernement. Autant dire « un homme averti en vaut deux, au cas où certains l'oublieraient ! »
Le représentant du FMI se refuse d'emblée à tout commentaire sur la dernière revue (5 depuis 2016), -à la différence d'un ministre des finances, enjoué et réjoui, qui se félicite des progrès accomplis-, pour prendre de la hauteur, et revenir sur l'accord approuvé en 2016 au titre du mécanisme élargi de crédit (MEDC) et ses attendus. En substance, et de manière mimétique au résident de la BM, il distingue deux moments forts: Celui de l'aide et de l'appui dans la phase de transition difficile et qui a trait pour l'essentiel au soutien budgétaire (1.6 Mds US$), et celui non moins important et crucial de l'accompagnement de la transformation des structures économiques du pays (1.2 Mds US$). En clair et sans fards : « Argent-contre-Réforme ». Une constante de la politique du FMI et de ses affidés, sous tous les cieux, à quelques nuances près !
Le représentant du FMI pointe habilement les mêmes manquements que ceux que l'on retrouve dans l'interview du résident de la BM: absence de maîtrise de la dépense publique, déficience du secteur des entreprises publiques. Il égrène alors avec circonspection les mêmes réformes structurelles qui pourraient être opportunément conduites par le nouveau gouvernement : Réduction graduelle des subventions énergétiques, la réforme des entreprises publiques….A bon entendeur ! Deux enveloppes distinctes mais complémentaires répondant à des objectifs communs. La première ne semble manifestement rencontrer aucune difficulté ni obstacle majeurs. La seconde, véritable objet de l'interview, n'a pas encore débouché sur de réelles concrétisations. Le résident du FMI, comme celui avant lui de la BM, se garde bien de tout jugement sur les gouvernements tout en ajoutant dans la foulée que les autorités ont tardé à entamer le processus de réformes structurelles.
Reste donc au final, une véritable inquiétude, pour ne pas dire impatience ! Un empressement dans les propos (il faut lire les 2 interviews) d'autant plus fort que l'accord vient à échéance au printemps 2020. On ne peut alors qu'être surpris par l'en-tête de l'interview du représentant du FMI que nous reproduisons sciemment : « Quand la Tunisie a emprunté en 2016, elle s'est engagée à mener des politiques destinées à surmonter des problèmes économiques et structurels. Cet engagement est axé sur des réformes structurelles qui s'attaquent aux faiblesses institutionnelles et économiques, en plus des politiques propres à préserver la stabilité macroéconomique. Au regard du contexte politique global que connait la Tunisie, le FMI pourrait très bien couper le robinet et ne pas aller aux termes du programme ». (Souligné par nous).
Quand on connait la minutie dans les choix des mots, le soin méticuleux apporté dans la formulation des propos habituellement faits par le représentant du FMI on ne peut que s'étonner que l'interview n'ait pas donné lieu à un démenti, ou pour le moins à une correction de la déclaration attribuée au résident. Encore un doute ? Que dire du titre paru en gros caractères et en gras « Faute d'avancement rapide des réformes, les 1.2 milliards restent en suspens ». Négligence de relecture, silence délibéré…mais nous voilà tout de même prévenus !
* Hédi Sraieb, Docteur d'Etat en économie du développement