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L'insoutenable dette tunisienne
Publié dans Business News le 19 - 01 - 2020

La dette de la Tunisie est insoutenable. C'est ce que pensent les experts. Depuis la révolution, la dette n'a cessé d'augmenter. Elle a plus que triplé mais sans pour autant qu'elle ne soit dirigée vers l'investissement. Elle a servi à combler des dépenses de gestion et notamment la masse salariale et la compensation.

La question de l'endettement de la Tunisie préoccupe de plus en plus l'opinion publique, surtout que le pays s'apprête à aggraver ses dettes avec un nouvel emprunt de plus de 11 milliards de dinars pour parachever le financement du budget de l'Etat et en particulier les dépenses de gestion. Le tout corrélé à une situation politique inquiétante jusqu'à cette heure et malgré des élections anticipées, la Tunisie n'a pas de gouvernement, ce qui augmente l'incertitude et le manque de visibilité, impactant négativement l'économie nationale, les acteurs étant dans l'attentisme.
Déjà l'année dernière, la croissance n'était pas au rendez-vous. On était très loin des 3% prévus par le gouvernement, l'économie tunisienne ayant enregistré une croissance de 1,1% pour les 9 premiers mois de 2019 et à peine 0,2% de croissance au 3ème trimestre 2019, selon l'INS. Et le champ gazier Nawara sur lequel il comptait pour réaliser cette croissance n'est toujours pas entré en activité. Ce qui est assez problématique comme ce sera expliqué ultérieurement dans cet article.

Ainsi et pour se pencher sur ce sujet important, le Cercle Kheireddine et le Forum Ibn Khaldoun pour le développement ont organisé samedi 18 janvier 2020 au siège de l'Utica une rencontre-débat qui a pour thème "La soutenabilité de la dette tunisienne" animée par deux commis de l'Etat qui ont passé une grande partie de leur carrière dans le "plan" : Lamia Zribi, l'ancienne ministre des Finances et actuelle présidente du Conseil national de la statistique et Abdelhamid Triki, ancien ministre du Plan et de la Coopération internationale et qui fait partie depuis 30 ans des commissions de négociation avec les bailleurs de fonds.

Faire un état des lieux de la dette tunisienne et dégager les voies et les moyens qui sont de nature à préserver la soutenabilité de la dette, à moyen et long termes, et de réinscrire la Tunisie dans une trajectoire de croissance durable sont l'objectif de cette rencontre.
Il faut dire qu'à partir de 2011, la Tunisie est entrée dans une spirale d'endettement croissant, à un rythme sans précédent. Des financements acquis à des conditions de moins en moins avantageuses, qui pèseront lourdement sur les choix des prochaines générations et qui, au lieu de relancer les investissements ou de préparer les transformations structurelles de l'ensemble du tissu économique du pays, sont venus gonfler des dépenses improductives, nourrir l'inflation et aggraver les déficits (masse salariale du secteur public et dépenses de compensation, notamment énergétiques).
Pris dans l'étau des «déficits jumeaux» budgétaire et commercial, et de la très grave détérioration de son solde courant, le pays a de plus en plus besoin de recourir à des financements extérieurs et se trouve entrainé dans un cercle vicieux qui se referme par myopie, ou par manque d'efficacité, de productivité et de réformes courageuses.


Ainsi et selon les chiffres de la Banque centrale de Tunisie (BCT) rapportés par Mme Zribi, la dette extérieure totale (Etat + entreprises) a atteint plus de 78,2 milliards de dinars en 2018 (74% du PIB dont 60,21 milliards de dinars pour l'administration et 17,99 milliards de dinars pour les entreprises) et 76,97 milliards de dinars en 2019 (67,3% du PIB dont 59,4 milliards de dinars pour l'administration et 17,57 milliards de dinars pour les entreprises). Entre 2010 et 2018, la dette a augmenté de 36,6 points de pourcentage de PIB et plus de 50% de cette hausse est directement imputable à la dépréciation du dinar. Entre 2010 et 2019, la dette de l'administration dans l'ensemble de la dette extérieure est passée de 66% à 77%.
Quant au service de cette dette, il a connu un bond spectaculaire à partir de 2017, avec un doublement par rapport à la moyenne 2011-2015. Côté dette publique (hors entreprises publiques et caisses sociales), elle est passée de plus 25 milliards de dinars en 2010 (40,7% du PIB) à 82,89 milliards de dinars en 2019 (75% du PIB).
Autre fait inquiétant, la dette à court terme a triplé entre 2010 et 2019 passant de 7,1 milliards de dinars à 24,2 milliards de dinars (+11,6 points de pourcentage de PIB).
Ce qui est rassurant c'est que 71% de la dette tunisienne est à un taux fixe (89% de la dette est contracté à un taux d'intérêt compris entre 0 et 5% en 2018), même si ce taux a diminué après la révolution.


2020-2025 sera une période de fortes tensions sur les finances externes de la Tunisie : au taux de change actuel du dinar vis-à-vis des principales monnaies internationales, un montant annuel moyen de 10 milliards de dinars devra être remboursé aux créanciers, soit le triple de la moyenne de la période 2011-2015. Un à deux prêts seront remboursés chaque année notamment en 2021 et 2024. Les années 2021 et 2024 seront assez contraignantes avec deux remboursements avec respectivement plus de 11 et 10,7 milliards de dinars de service de la dette à rembourser.



Or, compte tenu de la rigidité de son cadre macro-financier (en particulier, une croissance molle et un déficit énergétique incompressible à moyen terme s'établissant à un minimum de 7% du PIB (40% du déficit commercial de la Tunisie en 2019 était énergétique, certes l'entrée en activité du champ de Nawara va diminuer la pression mais ne va pas résoudre la problématique du pays)), la Tunisie ne pourra honorer sa dette sans lever des fonds auprès de ses partenaires internationaux d'un montant avoisinant le service de sa dette. Avec l'incertitude qui règne et le capital confiance et sympathie de la Tunisie qui s'érode ainsi que les évolutions géopolitiques qui rajoutent de la confusion, le pays aura de plus en plus de mal à s'acquitter de ses dus surtout si les réformes nécessaires ne sont pas entreprises pour redresser la situation.
D'ailleurs, le Fonds monétaire international (FMI) n'a pas procédé aux décaissements programmés, considérant que les réformes et les mesures de redressement promises par le gouvernement n'ont pas été mises en œuvre. Les autres institutions financières internationales ou régionales ont certes décaissé les prêts programmés, mais elles partagent la même analyse et posent les mêmes questions.

En effet, les deux experts pensent que la dette de la Tunisie n'est pas soutenable. Une dette étant soutenable si le pays dégage des ressources en devises suffisantes pour rembourser sa dette sans affecter sa capacité à investir et à se développer en continuant à recourir à des crédits à des conditions non couteuses.
Or selon Mme Zribi, le taux d'intérêt de la dette extérieure est en train de croitre plus que le taux de croissance du PIB ce qui entraine un effet boule de neige. Le tout corrélé à une épargne nationale et un investissement en baisse, ce qui impacte directement l'endettement qui monte en flèche. Le taux d'épargne est passé de 15,7% en 2011 à 8,5% en 2019 et le taux d'investissement de 21,9% à 18,5% pour cette même période, ce qui est alarmant. Le pays a du mal à capter des ressources en devise, d'ailleurs le retour du tourisme en 2019 a été une bouffée d'oxygène, les répercussions sur les avoirs en devises en nette hausse.
Selon M. Triki, la soutenabilité de la dette extérieure dépend donc de plusieurs facteurs dont les plus importants sont la croissance du PIB et la dynamique d'exportation. Même si la Tunisie ne se situe pas parmi les pays les plus fortement endettés, le problème réside dans la manière d'utilisation des fonds qui n'a pas servi au développement de secteurs clés, à l'infrastructure ou à un environnement favorable.

Les tirages effectués sur les crédits à moyen et long terme ont atteint sur l'ensemble de la période 2011-2018 environ 50 milliards de dinars dont essentiellement : 10 milliards de dinars au titre des crédits obligataires sur le marché financier international ou garantis ; 8,6 milliards de dinars d'appui budgétaire mobilisés auprès de la Banque mondiale, la BAD et la Commission européenne ; 5 milliards de dinars du FMI au titre des crédits Stand by et de la facilité élargie. Ils sont constitués, pour près de la moitié, de crédits à décaissement rapide, non liés à des projets, et ont permis de financer des dépenses courantes du budget, notamment les salaires et la compensation surtout pour l'énergie. Il n'y a pas eu donc de réformes qui changent radicalement l'environnement pour stimuler l'investissement et la croissance.
M. Triki souligne que la mobilisation de ressources auprès des bailleurs de fonds multilatéraux sera très limitée compte tenu du niveau élevé d'engagement atteint et que le recours au marché financier international à des conditions favorables sera difficile après les dégradations successives de la notation du risque souverain de la Tunisie (sept fois depuis 2011).

L'ancien ministre estime que si la croissance de la dette se poursuit dans les conditions actuelles, la dette sera explosive, ce qui se traduit à terme par un défaut de paiement. Soit il faudra créer les conditions de soutenabilité pour que le remboursement de la dette baisse à des niveaux tolérables. Ceci implique le renversement de la tendance observée au niveau de l'évolution du taux d'endettement, à travers la relance de la croissance et la limitation du recours à l'emprunt (amélioration de situation de la balance des paiements) ; Soit via le recours à l'austérité qui s'imposera avec la réduction des dépenses courantes (compensation, salaire, etc…), donc avec des actions sévères très difficile à mettre en œuvre pour des considérations politiques et sociales.
Il pense que le recours au rééchelonnement de la dette entrainera nécessairement l'imposition par les bailleurs de fonds de programmes d'austérité peut-être encore plus durs que les programmes que nous aurons à prendre de façon souveraine. Pour lui, la Tunisie a intérêt à consolider sa crédibilité pour pouvoir mobiliser des ressources de financement en progression aux meilleures conditions. Il recommande un plan d'action basé sur 3 axes : la relance de la croissance et la stimulation des exportations, la rationalisation des dépenses courantes et la diversification des ressources de financement.
« La marge de manœuvre se réduit d'année en année. Le potentiel de croissance s'inscrit dans une tendance baissière. La réduction du déficit budgétaire, outre le fait qu'il ne prend pas en compte la situation des entreprises publiques, se fait sur la base d'une augmentation de la pression fiscale, donc au détriment de l'entreprise. D'importantes rigidités demeurent au niveau du rééquilibrage de la balance commerciale. D'importantes ressources sont affectées aux subventions donc privilégiant le court terme au détriment du long terme.
Le recours à des expédients a atteint ses limites. Plus que jamais la Tunisie doit s'engager dans un large processus de réformes pour traiter en profondeur les distorsions, libérer les énergies et s'insérer davantage dans la chaine des valeurs mondiale. La situation de l'économie tunisienne en ce début de la nouvelle législature est particulièrement difficile. De sérieux risques d'insolvabilité existent. Seule une forte volonté politique et un large consensus sur les restructurations requises peuvent autoriser un début d'optimisme sur la capacité du pays à transcender ses problèmes », affirme Abdelhamid Triki.

Avoir une vision claire et engager les réformes nécessaires sont le seul moyen pour la Tunisie pour pouvoir faire face aux prochaines échéances. Le pays doit retrouver la notion de productivité, car sans croissance rien ne peut se faire. Or, depuis la révolution, le pays n'arrive pas à démarrer la machine productive et à créer la richesse nécessaire pour créer de l'emploi et répondre aux revendications du peuple en ce qui concerne une vie digne. Bien au contraire, la pression fiscale n'a pas cessé d'augmenter et le pouvoir d'achat à s'éroder.


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