L'Italie et la France, pourtant munies d'un système de santé plutôt performant avec des équipements nettement supérieurs à ceux de la Tunisie ont enregistré un nombre effroyable de décès dus au Covid-19, décès dans les rangs mêmes des médecins. En Italie, on parle même d'une horreur absolue, de l'effondrement d'un système pourtant beaucoup plus solide que le nôtre. Les médecins tunisiens appellent à l'aide depuis des semaines, pointent le manque de matériel nécessaire à leur propre sécurité et tirent toutes les sonnettes d'alarme. Aujourd'hui, ce sont pas moins de trois établissements de santé qui sont touchés de plein fouet par le coronavirus. Un scénario catastrophe est à craindre et le pire guette la Tunisie…. La clinique de la Soukra a annoncé dimanche soir qu'un patient français admis le 11 mars s'est fait opérer dans la clinique avant d'être testé positif au Covid-19. A son admission, le patient en question ne présentait aucun signe d'infection et aucune précaution n'a été prise pour protéger le personnel médical de la clinique ou les autres patients. L'itinéraire du patient et la liste des personnes qui l'ont approché a très vite été établie et le personnel et médecins qui auraient pu avoir un contact direct avec le patient ont été informés avec recommandation d'auto-isolement en attendant les consignes du shock-room et de la direction régionale de la Santé.
Hier, c'est le service d'urologie et le service d'anapath de l'hôpital de La Rabta qui ont été fermés. Même scénario, un patient admis quelques jours auparavant à l'hôpital sans présenter les symptômes de la maladie a par la suite été testé positif au Convid-19. Le fils même d'un médecin au service d'anapath a été soupçonné d'être positif au Covid-19 et cela a nécessité la fermeture du service. Oui, les médecins aussi ont des familles et sont en contact avec des gens. Evidemment le staff médical concerné a été placé en quarantaine.
Tard dans la soirée d'hier, toute la toile ne parlait que de la catastrophe du CHU Habib Bourguiba à Sfax. Une partie du personnel du service de réanimation de l'hôpital pourrait en effet être contaminée par le covid-19. Une contagion dont est responsable un patient aussi, admis sans qu'aucune précaution n'ait été prise, faute de matériel et de symptômes probants. Le staff médical a été isolé et soumis aux tests pour déterminer s'il y a eu des infections et tous les scénarios sont possibles d'autant plus que ce genre d'incidents va se reproduire encore et encore tant que les citoyens refuseront de se plier aux consignes du confinement et que les hôpitaux manqueront de moyens pour protéger les médecins.
L'Organisation tunisienne des jeunes médecins n'a de cesse d'appeler le personnel médical à exiger tous les moyens possibles pour assurer son rôle en toute sécurité. Aujourd'hui un communiqué a été diffusé pour que les médecins remplissent un formulaire faisant état des lieux dans les services des CHU et le communiquer aux autorités. Des collectes de fonds ont été lancées pour fournir de l'équipement aux services de réanimation dans les hôpitaux tunisiens. Les associations de médecins le disent et le redisent, la difficulté principale dans cette crise sanitaire est le manque de matériel, pour protéger les médecins mais aussi pour accueillir les malades nécessitant une prise en charge dans les services de réanimation. La Tunisie compte 240 lits de réanimation et pas tous fonctionnels.
Au pic de la propagation du virus et si les consignes continuent à être ignorées par une certaine frange de la population, têtue, téméraire ou juste ignorante et inconsciente, il n'y aura pas de lits pour tous les malade et la macabre sélection qu'il y'a eu en Italie notamment se fera aussi chez nous. Ce seront les médecins, débordés, harassés, acculés qui devront décider de qui va vivre et de qui va mourir suivant l'âge, l'état et d'autres considérations établies au préalable sans doute. Dans le journal en ligne des jeunes médecins tunisiens, on parle du « cyclone » à venir à l'hôpital Abderrahmane Mami. « Avec le manque drastique en moyens de protection, le personnel soignant craint de devenir lui-même un vecteur supplémentaire de la maladie. Ici, le danger d'une transmission aux autres malades hospitalisés ou aux membres de sa propre famille préoccupe tous les soignants » souligne l'article publié hier.
Des témoins cités parlent de matériel de protection inexistant alors les protocoles officiels en exigent l'utilisation. Des résidents auraient eux-mêmes cotisé pour acquérir un petit stock d'habits protecteurs et des artistes et hommes d'affaires se mobilisent en collaborant parfois avec des associations pour fournir aux hôpitaux des masques, des gants et des combinaisons. Pendant que les médecins et le personnel paramédical se démènent, le ministre de la Santé, Abdellatif Mekki, a lui opté pour une prestation de serment folklorique à l'hôpital Charles Nicolle. Jurant de fournir le maximum d'efforts pour lutter contre le Covid-19 avec loyauté, par amour pour le peuple et gratitude envers leurs enseignants, des soldats en blouse blanche se jettent tous les jours dans la gueule du loup sans protection aucune.
En France on parle déjà d'hôpitaux débordés, de patients alités dans les couloirs. On a mis en garde contre l'infection des médecins et le manque d'équipes. En Tunisie on prête serment sans matériel, on ne réalise pas encore, malgré les mises en garde répétées des premiers concernés que si les médecins tombent malades, si les équipes déjà réduites et non équipées ne sont pas protégées c'est la catastrophe qui attend le pays. Entre temps on supplie encore les gens de rester chez eux et on ne sait pas encore quand et comment on va fournir aux hôpitaux le matériel indispensable pour assurer la sécurité du personnel…