Avant de parler stratégie, on ne peut s'empêcher de faire part de notre respect et féliciter nos transporteurs locaux (Tunisair, Nouvelair et Jasmin airways) ainsi que notre armée de l'air pour la mise en place des programmes de vols de rapatriements qui ont permis à des milliers de Tunisiens de rejoindre leurs familles. Voici quelques données à prendre en considération afin de mesurer l'impact de la pandémie sur le transport aérien. Suite à la décision de la fermeture des espaces aériens, à partir du mois de mars, la plupart des compagnies aériennes sont quasiment à l'arrêt. Le secteur aérien, très impacté par la pandémie, ne retrouvera pas ses ailes avant 3 ans. Il est sans doute le secteur économique le plus affecté par la pandémie. Les compagnies aériennes pourraient afficher 39 milliards d'euros de pertes nettes rien qu'au deuxième trimestre, selon l'Association du transport aérien international (IATA). La dernière crise de cette envergure remonte à 1940.
Certains experts estiment que dans le cas d'une baisse de revenus de 25% sur l'année, avec une chute du trafic de 60% à un moment donné et une crise durant 9 mois, les compagnies aériennes américaines et européennes ne seraient pas en situation de détresse. Mais si le retour à la normale ne devait intervenir qu'au bout de 12 mois, soit au début de l'année 2021, toutes les compagnies aériennes auraient besoin d'être sauvées.
Mais voilà que nous ne sommes qu'au début de la crise alors que les premières faillites sont déjà annoncées : -South African Airways -Air Mauritius, -Virgin Australia, -Fly Be -Germanwings -Norwegian (dépôt de bilan de 5 de ses filiales.) -Avianca
Il faut ajouter à cela, la montée spectaculaire des licenciements qui fait des employés la variable d'ajustement :
Et la liste ne cesse d'augmenter de jour en jour ...
Avec toutes ces données, une chose est sure : l'aviation post Covid-19 vient de voir le jour. Dans le contexte actuel, c'est la flotte mondiale de gros porteurs qui sera la plus affectée. Il faut s'attendre à ce qu'au moins 50% des long-courriers se retrouvent à l'arrêt au plus fort de la crise. Evidemment, les très gros porteurs comme l'A380, le B747-800, le B777-300 et l'A350-100 seront les premiers à être retirés. Ces gros avions seront également les derniers à reprendre du service.
Le transport aérien « de masse » tel que nous le connaissons est de l'histoire ancienne, du moins pour une période de 3 ans. Les chiffres, ainsi que les faits, sont là pour le prouver. La majorité des compagnies aériennes ont décidé de réduire leur capacité de 20 à 60 %, et comme déjà annoncé, certaines compagnies telles que Air France, Emirates, Austrian ont pris la décision de retirer les A380 de leur flotte quant à Delta retire les 777 … Depuis le début de la crise, les experts ainsi que professionnels travaillent sans relâche sur une stratégie de relance Qui va s'en sortir ? D'abord les transporteurs soutenus pas leurs Etats, à la condition que ces derniers en aient la capacité. En Europe, on peut facilement imaginer que les gouvernements ne laisseront pas tomber leurs grands groupes nationaux. Les aides prendront des formes différentes : emprunts garantis, comme c'est le cas pour Air France/KLM, ou participation directe des Etats comme pour Lufthansa, même si le groupe allemand reste sceptique sur cette solution. Tunisie : Tunisair renaitra-t-elle de ses cendres grâce au Covid-19? En effet, nous savons tous que notre gazelle traverse déjà une grande zone de turbulences depuis quelques années. Le Covid-19 n'est qu'une énième variable. Nous avons, également, tous entendu parler du « fameux » plan de restructuration qui n'a jamais vu le jour, mais s'il n'est pas accompagné d'un plan stratégique de relance post Covid-19, il restera caduc ! Ce n'est plus qu'un secret de polichinelle, Tunisair devra réduire sa masse salariale afin de survivre. Contrairement au plan annoncé, qui stipule le licenciement de 1146 agents en 2020, Avec le Covid-19, notre compagnie nationale devra se séparer d'au moins 2500 salariés sur une période de 3 ans afin de retrouver un équilibre financier. Le licenciement de 2500 employés aura effectivement un coût qui s'élèvera à environ 350 millions de TND. Nous y reviendrons pour le financement. Contrairement à tout ce qui se dit, cette pandémie pourrait être une aubaine pour notre gazelle. Tunisair devrait profiter de cette crise pour se restructurer.
Premièrement : plus d'Open sky ! La réouverture de l'espace aérien se fera graduellement par accord bilatéral avec les pays dit « covid safe » dont la Tunisie fait partie. L'Open sky devra être repoussé jusqu'à la fin de la pandémie. Deuxièmement : baisse des capacités des compagnies concurrentes La réduction des flottes et la baisse des capacités passagers des compagnies étrangères augmentera la taille du marché pour Tunisair. Troisièmement : la taille réduite de la flotte La taille de la flotte actuelle suffit amplement pour les 3 années à venir. Tunisair pourra même se séparer de 2 voir 3 appareils (vente ou location, selon la demande). Il faudra aussi annuler toutes les commandes des nouveaux appareils sur les 3 ans à venir. Quatrièmement : Garantie d'Etat Tunisair devra faire appel à un pool de créanciers (banques locales ou banque mondiale), avec une garantie d'Etat avec un taux préférentiel, pour la levée des fonds. Le montant devra couvrir sa restructuration ainsi que son fonds de roulement pour la période de crise. Pour conclure, nous savons tous que la Tunisie fait partie des rares pays qui ont réussi à faire face à la pandémie. Nous devrions jouer cette carte afin de reprendre les devant de la scène en optant pour une réouverture de l'espace aérien par palier après avoir mis en place un système sanitaire en collaboration avec lOMS, IATA et OACI. Désormais, en plus des procédures policières et douanières il va falloir s'adapter aux mesures sanitaires. Il va falloir noter que toutes ces mesures auront un impact significatif sur le prix du billet. Le gouvernement devra agir vite afin d'anticiper la reprise en sachant que la Tunisie fait partie des pays « covid safe » !
Aziz Ben Ammar Consultant & Expert international en transport aérien