Depuis la dernière intervention sur les chaînes de télévision publique de Hamadi Jebali, Chef du gouvernement, en mai 2012, plusieurs événements d'importance se sont produits en Tunisie. De ce fait, l'interview de ce vendredi 28 septembre était fébrilement attendue par tous les citoyens, car censée apporter des réponses à nombre de questions qui les préoccupent, mais peut-être aussi l'annonce de décisions clés pour l'orientation de leur vie future. Disons-le net, les propos de M. Jebali n'ont rien ajouté à ceux déjà tenus dans des circonstances similaires et ils n'ont fait que conforter le citoyen d'une volonté délibérée de ne se prononcer sur aucun sujet pointu, à fort enjeu, d'une manière tranchée. Les trois journalistes ont donné, pour leur part l'impression de ne pas vouloir « pousser le bouchon trop loin » et se sont contentés de poser des questions auxquelles nous avions une réponse vague et indécise, car éculée et reprise par tous ceux qui ont attribution d'en parler. Nous avons bien entendu déploré l'occultation consciente ou involontaire de la politique étrangère de notre pays à un moment où la tenue de l'Assemblée générale de l'ONU donnait à notre diplomatie l'opportunité de « se justifier aux yeux du monde ». Comme nous avons regretté que les journalistes aient « oublié » de soulever les questions embarrassantes des désignations des responsables aux postes administratifs clés. Pour ce qui est des questions d'actualité, nous avions tous une impression de déjà entendu et le discours de la primature semble vouloir prendre une spécificité démagogique. Certes, il y a dans les réponses de M. Jebali comme un relent de réalisme pour ce qui concerne la minimisation de l'importance des gageures et enjeux auxquels le gouvernement avait à faire face et une mauvaise évaluation des difficultés auxquelles il pouvait être confronté, tant aux niveaux économiques que sociaux voire sécuritaires…Questionné sur un éventuel remaniement ministériel et sur la constitution d'un gouvernement d'intérêt national, le Chef du gouvernement a exécuté une belle acrobatie rhétorique pour éluder la question comme il a fait preuve d'une adresse remarquable en échappant à la détermination d'une date précise pour les prochaines élections, et a même profité pour interpeler les membres de l'ANC, coupables à ses yeux de tergiverser tant et plus, ce qui a provoqué ce retard « inacceptable » dans la rédaction de la Constitution. M. Jebali a d'ailleurs montré un désir finalement réprimé de charger certains de beaucoup de maux. Mais il n'a pu résister à celui de lancer quelques banderilles en direction de ceux « dont l'âge avancé et l'expérience auraient dû les dissuader d'émettre des jugements inconsidérés sur la fin de la légitimité de l'ANC au-delà de la date du 23 octobre ». M. Jebali n'a eu aucun état d'âme à reprendre les arguments déjà développés mais peu convaincants quant aux raisons ayant présidé aux retards accusés dans la recherche des différents consensus sur la nature du régime politique, sur le code électoral et sur la désignation du président de l'ISIE, sur les différentes instances indépendantes des magistrats et de la presse. M. Jebali n'a pas manqué, cependant, de signaler que l'on travaille d'arrache-pied, au sein de la Troïka, pour « débloquer la situation » et qu'il se pourrait que les élections soient organisées avant la fin « l'année en cours » ( ?) Réponses évasives, approches très approximatives et manquant de données fiables. Peu fiables également les propos du premier ministre sur la situation économique et sur les moyens à mettre en œuvre pour sortir le pays des inédites difficultés auxquelles il se trouve confronté. M. Jebali s'est contenté d'indiquer que cela n'est nullement dramatique. Il a mis en exergue les emplois créés et des taux de croissance réalisé, se basant sur des données et chiffres transmis par l'INS et jugés peu crédibles par les experts et les économistes. Par ailleurs, les institutions militaire et sécuritaire ont obtenu un hommage appuyé de M. le Chef du gouvernement qui ne cache pas son soutien indéfectible à « l'homme d'Etat » qu'est Ali Laarayedh, ministre de l'Intérieur, qui a su « mener avec doigté et savoir-faire » les dernières opérations sécuritaires et sans lesquels le pays aurait plongé dans des abysses de violence. Violence que M. jebali condamne avec une extrême vigueur, « quel qu'en soit l'auteur », assène-t-il, tout en refusant d'en faire endosser la responsabilité aux salafistes. Quant à la presse, M. Jebali s'arroge le droit, en sa qualité de chef de l'exécutif, de nommer les responsables à la tête des institutions médiatiques, tout en niant l'intention du gouvernement de chercher à domestiquer les organes de presse et tout en veillant à ce qu'elles gardent une ligne éditoriale tout à fait indépendante.